Publié il y a 5 ans - Mise à jour le 03.10.2018 - corentin-corger - 4 min  - vu 1752 fois

FAIT DU JOUR Jean Bousquet : "j'ai vu toute une ville en action et ça change tout"

Le 3 octobre 1988, Nîmes connaissait de terribles inondations qui emportaient la vie de 11 personnes. Trente ans après, Jean Bousquet, maire de l'époque, revient sur cette journée dramatique.
Jean Bousquet est toujours aux affaires 30 ans après, à l'âge de 86 ans (photo Isabelle Socquet)

Ce 3 octobre 2018 marque les trente ans des inondations de 1988 qui ont frappé Nîmes. Un terrible souvenir pour la cité gardoise où 11 personnes ont perdu la vie. À 11 heures, une cérémonie aura lieu en hommage aux victimes. Parmi les personnalités qui seront présentes, Jean Bousquet, maire de Nîmes de 1983 à 1995. Le fondateur de la marque de vêtements Cacharel a accepté de revenir sur cette journée qui reste dans toutes les mémoires. 

Objectif Gard : Pouvez-vous nous raconter cette journée du 3 octobre 1988 ?

Jean Bousquet : J'ai été informé à 8 heures du matin. Habitant en périphérie, j'ai eu beaucoup de mal à me rendre à la mairie. Nîmes est entouré au Nord de sept collines. En cas de pluie, tout se déverse dans la ville de tous les côtés, en particulier entre la Route d'Uzès, Alès et Richelieu. Ce quartier a été le plus touché. Tout a débordé. Au centre-ville c'était vraiment incroyable. La rapidité à laquelle c'est tombé, c'est fou !  En plus, il n'y avait pas de portables à l'époque. Les téléphones en panne, il était forcément très difficile de communiquer entre les familles, les médecins, les hôpitaux, les pompiers. Le point dramatique, ç'a été les écoles où les parents avaient déposé les enfants à 8 heures du matin et n'avaient plus aucune nouvelle. Ils n'en n'ont pas eu de la journée car ils avaient été accueillis par les voisins qui ne pouvaient pas communiquer. On a laissé toute la nuit la mairie ouverte avec des hôtesses qui, malheureusement, ne pouvaient pas mieux les informer. C'était une nuit dramatique pour les familles.

Ce jour là, quelle est votre priorité quand vous arrivez à la mairie ?

De réunir les pompiers, l'armée pour essayer d'être le plus efficace possible. On a rapidement secouru les plus démunis au niveau de la circulation. L'armée a été formidable. Les militaires étaient nombreux et ont encerclé les quartiers pour arrêter les badauds. Beaucoup de gens, soit par curiosité soit parce qu'ils avaient de la famille, voulaient entrer en ville. Ils nous ont permis d'arrêter tout ça ce qui a facilité le travail des secours. D'abord, on a mis tous ces services en place. Ensuite, le lendemain, j'ai fait appel à l'ensemble de la ville pour que tout le monde essaie de faire le maximum pour dépanner tout ce qu'il y avait à dépanner. Et là j'ai rarement vu un mouvement aussi important. J'avais donné un délai de quinze jours pour qu'on arrive à tout mettre en place et la ville a été formidable. Tout le monde avait cette disponibilité, cette amabilité et cette efficacité.

Les Nîmois ont vraiment fait preuve d'une grande solidarité ce jour-là ?

Ouf... inouïe ! Il n'y avait plus aucun problème envers personne. Les gens avaient mis de côté les querelles personnelles... Ensuite, on a fait appel à un grand nombre d'industriels français, dont je connaissais une partie, pour solutionner la remise en état. Une vingtaine a répondu présent. On a reçu des trains complets de matériel, de vêtements pour les plus démunis. Ça nous a énormément aidé. On a tout de suite mis en chantier les barrages au nord de Nîmes pour éviter de revivre un tel désastre. J'ai le souvenir d'une ville, tout d'un coup, qui se met en bloc pour solutionner les problèmes. C'était tout à fait extraordinaire. Malheureusement, s'il faut attendre des désastres pour voir ça... On aurait pu tirer des leçons. Aujourd'hui, pour faire quoi que ce soit, personne n'est d'accord. Je ne parle pas seulement de Nîmes mais de toute la France. C'est un exemple qui devrait faire école. Quand tout le monde s'y met... J'ai vu toute une ville en action avec le même esprit et là ça change tout. Malheureusement, il faudrait un jour en arriver là. Mais ça n'en prend pas le chemin.

"Personne n'a voulu croire le chiffre annoncé"

Les Nîmois solidaires en ce jour tragique (collection archives municipales)

Vous ne pensez pas que quelque part cet événement a soudé les Nîmois ?

Justement pour les Nîmois dans l'ensemble, ça a été une continuation de cette rencontre. La ville était plus sympathique, amicale. On l'a ressenti pendant très longtemps. On a continué le travail que l'on avait commencé à faire mais ça nous a beaucoup aidé.

D'après vous, il n'y pas eu d'autres moments où les Nîmois ont été liés ?

Sûrement, il y en a eu beaucoup. Fournier a bien pris ça en main. Il s'attend bien avec toute sa ville. Il essaie justement d'apporter cette solidarité régulièrement. C'est une ville qui fonctionne bien.

Revenons au 3 octobre. Le bilan aurait pu être plus lourd...

Ç'a été un miracle ! Il y a eu naturellement quelques victimes mais tout le monde s'imaginait que le nombre serait beaucoup plus important. On a eu un peu de chances de ce côté-là. Personne n'a voulu croire le chiffre annoncé.

Vous pensez qu'il a fallu combien de temps à Nîmes pour se relever de cette catastrophe ?

Dans les quinze jours qui ont suivi, on s'est vraiment relevé du plus violent. Après, les barrages, les quartiers à refaire, tout ça a pris du temps mais on l'a fait relativement rapidement.

La prise en compte du risque inondation dans l'urbanisation de la ville a modifié le développement de Nîmes ?

Pas du tout, ça a encouragé les Nîmois à se développer sachant qu'il y avait le risque en moins. La Fontaine n'a pas débordé depuis. Avant c'était tous les ans.

Jean Bousquet, à gauche, aux côtés de François Mitterrand, président de la République de 1981 à 1995. On aperçoit aussi  (avec des lunettes), l'ancien ministre de l'Intérieur, puis de la Défense (Photo : collection archives municipales Robert Ricaulx)

Lors de ces inondations, le président de la République François Mitterrand s'est rendu à Nîmes ?

Oui il est venu, un ou deux jours après. Il a mis ses bottes. On a été voir le quartier Richelieu qui avait été le plus touché. Il a été très aimable et a fait le maximum en regard des demandes qu'on lui avait formulées.

Depuis Paris vous suivez toujours ce qui se passe à Nîmes ?

Je suis très occupé par mon travail. Je viens moins souvent à Nîmes. De temps en temps, j'ai quelques nouvelles par téléphone. Dans l'ensemble ça fonctionne correctement même si l'équipe de football a pris 3-0 à Montpellier (rires). J'étais président de l'équipe à l'époque ! Après ce départ fantastique en première division, je suis sûr qu'ils vont très, très bien finir. Je les vois bien au milieu du tableau. Avec le budget et l'effectif qu'ils ont c'est tout à fait exemplaire.

À 86 ans, vous occupez encore des fonctions à Cacharel ?

Le plus possible d'ailleurs. On est en train de tout remettre la question. J'assure la présidence avec grand plaisir. Quand on est en forme... Au fait, vous direz bonjour aux Nîmois de ma part !

Propos recueillis par Corentin Corger

Corentin Corger

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