Publié il y a 5 ans - Mise à jour le 23.02.2019 - anthony-maurin - 5 min  - vu 346 fois

GARD Le préfet relève les copies citoyennes

Les maires gardois rendent la copie de leurs administrés (Photo Anthony Maurin).

L'État est mis à contribution et le préfet du Gard compte bien assumer cette tâche (Photo Anthony Maurin).

C’est fini ! Le professeur Didier Lauga a relevé les copies. Quand on dit professeur, on entend plutôt l’instit du petit village, proche de ses élèves, que le maître de conférences cher aux énarques perchés sur leurs amphis.

Quand on parle de copies, on évoque bien évidemment les cahiers citoyens sur lesquels les Gardois pouvaient écrire leurs peines et leurs souhaits. Quoi qu'il en soit et comme c’était prévu, les cahiers de doléances sont enfin en préfecture et vont bientôt remonter au sein des plus hautes strates de l’État français.

À l’initiative du président de la République, une démarche inédite de consultation des citoyens a été engagée sur tout le territoire dans le cadre du Grand débat national. Ils sont venus en préfecture pour rendre leur cahier. Les maires de Vic-le-Fescq (500 habitants, José Monal), de Sauveterre (2 000 habitants, Jacques Demanse), d’Aubais (2600 habitants, Pilar Chaleyssin), de Clarensac (4 300 habitants, Marjorie Enjelvin), de Saint-Étienne-des-Sorts (550 habitants, Didier Bonneaud), de Marguerittes (8 600 habitants, William Portal), de Val d’Aigoual (1 500 habitants, Thomas Vidal) et Vauvert (11 500 habitants, Jean Denat).

Joëlle Gras, sous-préfète du Vigan, Didier Lauga, préfet du Gard, et Pilar Chaleyssin, maire d'Aubais et présidente des maires du Gard (Photo Anthony Maurin).

Sous la bienveillance de Joëlle Gras, référente départementale pour le Grand débat national, les cahiers seront transmis à la Bibliothèque nationale de France (BNF) pour être référencés, indexés et numérisés puis analysés par une société spécialisée et indépendante. " Nous avons clôturé les cahiers le 20 février et nous allons procéder à un décompte précis et exhaustif, comme pour des bulletins de vote. Dans le Gard, sur 351 communes nous avons 275 villes qui ont ouvert un cahier pour leurs administrés, soit 78 % des communes du département. Pour 26 villes, dont 16 de l'arrondissement du Vigan, les cahiers sont restés vierges. "

En pourcentage, on retrouve des communes de toutes les tailles et relativement bien maillées sur le territoire gardois. 84 % des communes de l'arrondissement de Nîmes ont ouvert un cahier, 77 % dans celui Vigan et 68 % du côté d'Alès. L'idée originale de ces cahiers citoyens émane de l'association nationale des maires ruraux de France. " On sentait la colère monter depuis longtemps... Dans ma commune, ça m'a permis de mettre en place une délégation citoyenne qui siège en permanence et qui prend les décisions avec nous ", note Didier Bonneaud, maire de Saint-Étienne-des-Sorts et président gardois de l'association des maires ruraux.

De gauche à droite, Thierry Dousset, directeur de cabinet du préfet, Thomas Vidal, maire de Val d'Aigoual, William Portal, maire de Marguerittes, Jacques Demanse, maire de Sauveterre, Joëlle Gras sous-préfète du Vigan, Didier Lauga, préfet du Gard, Pilar Chaleyssin, maire d'Aubais, Marjorie Enjelvin, maire de Clarensac, José Mona,l maire de Vic-le-Fescq, et Didier Bonneaud, maire de Saint-Étienne-des-Sorts (Photo Anthony Maurin).

Pour Pilar Chaleyssin, maire d'Aubais et présidente des maires du Gard, " Il y avait une souffrance à tous les niveaux. Les premiers rassemblements avaient du sens. Ceux d'après moins... Les maires sont les premiers fantassins qui sont face aux administrés quand les choses vont mal. Même dans les communes pacifiées il y a des revendications. Emploi, transports, développement économique : la motivation est commune à tout le monde et on retrouve souvent les mêmes thèmes. "

Si l'on retrouve en effet une certaine redondance à travers les lignes noircies et les cahiers remplis, on note aussi une faible participation. Pas si étonnant que cela. Les Gardois s'expriment de moins en moins par écrit et quand on pense à la participation citoyenne lors des élections... Marjorie Enjelvin a sa petite idée sur la question. " Le silence a un poids. Entendons le silence de certains qui n'ont pas voulu s'exprimer. Nos mairies sont les maisons communes, les maisons du peuple. Il nous faut en tirer les conséquences. " Comme à Vic-le-Fescq où le maire, José Monal, avoue, " mon cahier a été peu fourni. Je n'ai qu'une doléance. Nous avons surtout eu des échanges verbaux, comme dans toutes les petites communes. Les gens veulent de la justice sociale et des revenus plus importants ."

Joëlle Gras et Didier Lauga (Photo Anthony Maurin).

Discussions, échanges, partage : il faudra qu'une suite soit donnée rapidement à cette affaire sous peine que la colère ne monte à nouveau à un degré moins acceptable. Pour Didier Bonneaud, maire de Saint-Étienne-des-Sorts, " le citoyen a la boule au ventre quand il doit venir en mairie ou dans une administration. Associons plus nos concitoyens à nos décisions. Rompons la barrière entre élu et concitoyen car nous sommes arrivés à un point de rupture. Je pense que nous avons besoin de redescendre la gouvernance et de la faire partager un peu plus. "

Si un maire a entendu la colère des gilets jaunes, c'est bien Jacques Demanse, le premier édile de Sauveterre. " Je suis moi-même un gilet jaune ! J'étais sur les ronds-points en tant que citoyen, pas comme maire. Les gens ne croient pas trop en ces cahiers cependant ils en attendent beaucoup. Ils veulent juste vivre décemment. Si on ne comprend pas cela, ça ne va pas s'arrêter là ! Nous les maires nous cherchons à faire du service public mais sans ressources on a du mal à y parvenir et la situation s'aggravera si on fait moins. Nous avons mal mesuré le mal-être qui n'est pas terminé. Je tire mon chapeau à ceux qui sont encore sur les ronds-points, pas aux casseurs. Nous ne devons pas récupérer politiquement le Schmilblick sinon nous verrons les extrêmes arriver. Le peuple a faim, il est aux abois. "

L'État au plus proche des citoyens français (Photo Anthony Maurin).

Le Grand débat national est un autre moyen d'expression. Un moyen qui est, lui encore, ouvert à tous jusqu'au 15 mars prochain. Jusqu'ici, le Gard a vu 103 réunions publiques organisées par les maires (à 60 %), des particuliers (à 25 %) et des associations. Tous les publics semblent y être présents et la moyenne d'âge se situe dans la large fourchette des 45-70 ans comme l'affirme la sous-préfète, Joëlle Gras. " À Nîmes les 4 et 5 mars, un stand de proximité sera installé dans la gare pour parler de tout cela. "

Comme l'assure dit William Portal, maire de Marguerittes, " nous avons ouvert notre cahier avec une certaine inquiétude... Comme Marguerittes est un grand bourg central proche de Nîmes, d'autres Gardois sont venus s'y exprimer. Ces turbulences sociétales sont toujours impressionnantes mais finalement, c'est un bon début de cheminement initiatique. S'adresser à des gens en détresse ou en colère n'est pas une chose facile mais tout s'est très bien passé. Chacun a pu s'exprimer et j'ai remarqué une volonté de concorde. Sans cela, nul progrès. Nous devons éclairer les gens. La fracture numérique, l'égalité des chances, la justice sociale et la transition écologique font peur mais personne n'était contre le suffrage universel ".

Val d'Aigoual est la commune gardoise la plus récente, elle a même des rapports resserrées avec le Président Macron qui a répondu avec intérêt à son maire, Thomas Vidal, lors du grand débat de Souillac. Créée en janvier dernier de la fusion de Valleraugue et Notre-Dame-de-la-Rouvière, Val d'Aigoual est rurale à l'excès. " Nous sommes dans l'arrière-pays, nous ne sommes pas des arriérés ! Notre cahier comporte 12 contributions pour 15 pages mais chez nous, le débat se fait au coin de la rue ou d'un comptoir. Concernant la fracture numérique, nous sommes proches de l'amputation ! On paie les mêmes impôts que tout le monde mais nous n'avons pas les mêmes services... Nous ne sommes pas pris en compte alors qu'on trime comme tout le monde. Les doléances, c'est bien, mais essayons de valoriser ceux qui essaient de s'en sortir. L'État de proximité est un gage de réussite de ces actions. Il faut faire comprendre aux gens que même si c'est difficile nous nous occupons d'eux. "

Enfin, Jean Denat, maire de Vauvert, a eu quant à lui une cinquantaine de contributions sur son cahier camarguais. " Je crois en la force des symboles. Le silence est parfois partagé avec le maire car le maire est l'élu à portée d'engueulade comme on dit ! Nous vivons un moment de démocratie important. Nous devons remettre certaines choses à leur place. "

Anthony Maurin

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