Publié il y a 4 ans - Mise à jour le 11.11.2019 - thierry-allard - 3 min  - vu 645 fois

FAIT DU JOUR Les monuments aux morts, un patrimoine à (re)découvrir

(Photo Anthony Maurin).

L'historien de l'art et vice-président du Conseil départemental, Philippe Pecout (Photo d'archives : Thierry Allard / Objectif Gard)

En ce 11 novembre, jour anniversaire de l’armistice de la Première Guerre mondiale, l’historien de l’art Philippe Pecout évoque ces monuments, parfois oubliés, qu’on retrouve dans toutes les communes du Gard. Sauf une...

Élu départemental mais avant tout historien de l’art, spécialiste de la question des monuments aux morts du Gard, sur lesquels il a écrit un mémoire publié par l’Office national des anciens combattants, Philippe Pecout retrace l’histoire des monuments aux morts du département. Des monuments qui ont été pour la plupart érigés après 1918, et qui présentent parfois des particularités : l’un d’entre eux est même signé du sculpteur du célèbre Christ de Corcovado, à Rio.

Objectif Gard : Chaque commune ou presque a son monument aux morts. Est-ce le symbole de l’impact de la guerre de 14/18 dans le Gard ?

Philippe Pecout : Toutes les communes n’ont pas de monument aux morts, dans le Gard une commune n’en a pas car elle n’a pas déploré de morts durant cette guerre, Puech-Redon. Sinon, toutes les communes du Gard en ont un, car chaque commune a eu des victimes durant la guerre, même si ça n’a été qu’une ou deux dans les petits villages, les communes ont tenu à les honorer.

Des monuments aux morts préexistaient à 1918, mais la plupart datent d’après la Première Guerre mondiale.

C’est le cas dans le Gard et dans la France entière. Il y a eu un phénomène jamais observé dans le pays à cette intensité. Il y avait déjà quelques monuments aux morts dédiés à 1870, comme à Bagnols ou à Nîmes, mais la "Grande guerre" a suscité à partir des années 1920 un phénomène de construction jamais vu, qui a couvert tout ou presque du territoire.

La célébration de la Libération de Bagnols, au monument aux morts de la ville (DR/archives municipales)

Comment ces monuments étaient financés ? Certains sont tout de même imposants pour leur commune.

Pour les monuments publics, il y avait derrière une organisation très hiérarchique, avec la constitution d’un comité dans chaque commune chargé de recueillir les fonds. Les fonds provenaient de souscriptions publiques, de subventions de l’État au prorata du nombre de morts et de familles. Certaines communes du Gard vont aussi se sacrifier pour leur monument : le village de Saint-Pons-la-Calm a ainsi vendu une parcelle de bois et une partie de l’ancienne mairie pour le financer et d’autres ont dû recourir à l’emprunt. Parfois des communes ont eu plus de chance, comme Cabrières ou Arre, où des personnes ont offert des monuments.

Ça a dû être une période faste pour les sculpteurs…

Il y a eu une concurrence rude. Certains ont beaucoup plus travaillé que d’autres et des entreprises industrielles, notamment de l’Est de la France, ont vendu des monuments à tour de bras sur catalogue. Pour 600 francs une commune pouvait se payer un monument de bonne qualité.

Pouvez-vous nous citer des monuments remarquables, particuliers dans le Gard ?

Il y en a qui glorifient les Poilus, comme à Nîmes, qui est un monument très intéressant qui puise son inspiration dans l’Antiquité, avec des bas-reliefs sur le départ des combattants et sur la face opposée le retour des soldats victorieux. Les monuments d’Alès et de la Grand’Combe font référence à la mine. Ce sont des monuments plus régionalistes. C’est aussi le cas de celui de Beaucaire, avec une Arlésienne. Il y en a un que je cite souvent, celui de Gallargues-le-Montueux, qui a une connotation pacifique rare dans le Gard, avec une veuve et son enfant. Et son sculpteur, Paul Landowski, est celui qui a réalisé le Christ de Corcovado, à Rio.

Le 11-novembre dernier, à Nîmes (Photo : Coralie Mollaret)

Quelle fonction remplissaient à l’époque ces monuments ? Une fonction de deuil, les familles ayant souvent récupéré les dépouilles des soldats des années après seulement ?

Tout à fait. C’est la tombe virtuelle de ces familles en plus d’un lieu commémoratif, d’hommage aux victimes. Il y en a eu beaucoup dans le Gard, 13 867, soit 3,35 % de la population de l’époque.

Et aujourd’hui ?

Aujourd’hui, ce sont toujours des lieux de commémoration mais des victimes de toutes les guerres. Ce sont devenus des biens culturels. L’an dernier, pour le centenaire de l’armistice, sept monuments du Gard ont été classés "Monument historique". Ils représentent une part de l’histoire du pays, un témoignage de ce conflit mondial. Aujourd’hui, le monument aux morts tend à devenir un monument historique qui fait partie du paysage de nos communes, au même titre que l’église ou le lavoir.

Propos recueillis par Thierry Allard

Philippe Pecout donnera deux conférences sur les monuments aux morts du Gard, ce jeudi 14 novembre à 18 heures la maison du protestantisme de Nîmes et le samedi 16 novembre à 15 heures à la salle de la Coquillonne de Saint-Gervais.

Thierry Allard

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