SAINT-LAURENT-LA-VERNÈDE Carrière : les associations indignées par le jugement du tribunal administratif
Depuis huit ans, l’Association de défense des vallées de la Tave et de la Veyre (ADVTV) et l’Association pour le bien vivre à Saint-Marcel-de-Careiret se battent contre le projet d’exploitation d’une carrière sur la commune de Saint-Laurent-la-Vernède, au nord de l’Uzège.
Un combat au long cours qui n’a pas empêché la carrière d’ouvrir et d’être exploitée, malgré des victoires juridiques des opposants, qui ont entre autres réussi à faire annuler l’arrêté préfectoral de 2013 autorisant l’exploitation de la carrière. Las ! le préfet avait repris un arrêté en 2017 et les associations, emmenées par Alain Bruguier et Mathias Menegoz, ainsi que des riverains, ont attaqué ce nouvel arrêté.
Toujours pour les mêmes raisons : les risques environnementaux causés par une telle installation à cet endroit-là. Car la carrière est installée « sur un massif calcaire qui est un véritable gruyère », affirme Mathias Menegoz. Or, la carrière est creusée en entonnoir au dessus d’une nappe phréatique qui alimente en eau les sept communes en aval de Saint-Laurent, de Cavillargues à Connaux.
Un fait démontré par une étude hydrogéologique commandée par l’ADVTV en 2015. Une étude conduite par le cabinet Hydro Géo Consult qui alerte sur « des risques de pollution immédiats » de la nappe par la carrière. « On ne peut pas balayer cet argument d’un revers de la main !, tempête Alain Bruguier. Sans compter que neuf conseils municipaux ont pris une délibération pour s’opposer à la carrière. »
Voilà pour l’argument principal, qui n’est pas nouveau. Mais les opposants en avaient un autre dans leur sac : « L’enquête publique (qui s’est déroulée en 2016, ndlr) s’appuie sur un avis favorable de la DREAL (la Direction régionale de l’environnement, ndlr), et c’est le même bureau qui d’une main dit qu’il n’y a pas de problème environnemental et de l’autre accorde l’autorisation d’exploitation », explique Mathias Menegoz. Or, le droit européen est catégorique : l’autorité qui donne l’avis environnemental doit être autonome de l’État, et la DREAL est soumise à l’autorité préfectorale.
« On est en pleine république bananière »
Un fait reconnu par le tribunal administratif de Nîmes dans son jugement du 23 juin dernier. Un jugement qui pourtant cause le courroux des opposants à la carrière. Il faut dire que si le jugement admet « que l’autorisation d’exploiter la carrière est viciée par l’irrégularité de l’avis de l’autorité environnementale », comme le rappelle Alain Bruguier, elle sursoie à statuer. En clair, elle donne au préfet un délai de six mois pour régulariser la situation, à savoir produire un avis favorable d’une autorité indépendante. Et au cas où cet avis ne serait pas favorable, il suffirait d’organiser une enquête publique complémentaire.
Bref, « il y a une succession de jugements qui à chaque fois nous donnent raison, mais la justice laisse l’administration tranquillement régulariser son dossier », résume l’avocat des associations Me Alexandre Coque. Et l’avocat de parler de « caricature » en évoquant cette dernière décision, tout en affirmant de plus que la question de l’autorité environnementale et de l’enquête publique viciée n’est « qu’un argument parmi d’autres. »
À ce stade, Me Coque a « l’impression que le juge est tenu par une obligation de maintenir un projet économique dont la viabilité est contestable. Il utilise un moyen légal, mais contestable. Il vide de son contenu le droit du citoyen d’aller en justice. C’est choquant. » « On est en pleine république bananière, à quoi ça sert de faire tout ce qu’on fait ? », s’étrangle Alain Bruguier, pourtant habitué de ces combats juridico-administratifs de longue haleine.
Et maintenant ? Puisqu’une mauvaise nouvelle n’arrive jamais seule, les opposants à la carrière ont découvert qu’une centrale à béton allait être installée sur le site. Pour eux, c’est encore pire qu’une simple carrière : « Pour fabriquer du béton, il faut une grande quantité d’eau », note Alain Bruguier, quand Mathias Menegoz rappelle que « pour fabriquer du béton il faut aussi des adjuvants chimiques, alors là sur l’entonnoir, s’il y a le moindre accident… »
Pour cette centrale à béton, « le permis de construire vient d'être accordé et nous allons aussi le combattre », avance Me Coque. L’avocat assume mener une stratégie de « guérilla systématique » face à la carrière : « Ce projet n’est pas économiquement bien ficelé. À terme l’économique finira par achever la bête que nous avons tenté de piquer au juridique. »
Thierry ALLARD
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