Publié il y a 3 ans - Mise à jour le 20.08.2020 - boris-de-la-cruz - 3 min  - vu 3317 fois

CRIMES ET DELITS "Cette fillette voulait que je retrouve sa maman": elle était déjà morte, tuée par son père

Tribunal assises d'Avignon le 25 juin 2012. Christian Carrié jugé en appel pour meurtre. Photo via MaxPPP - PHOTOPQR/LE DAUPHINE

Des drames, des crimes, des dossiers non résolus, mais aussi des affaires insolites. Tous les jeudis de l'été, à 11h30, nous vous proposons de pénétrer dans l'univers judiciaire, avec des enquêteurs, des experts, des juges qui racontent ces crimes qui ont marqué leur existence.

Des affaires marquantes dans la carrière d'un juge d'instruction sont nombreuses. Le juge Jean-Michel Pérez lorsqu'il était magistrat instructeur au tribunal de Grande Instance de Nîmes avait jusqu'à 180 dossiers au même moment dans son cabinet. Les affaires les plus importantes lui sont confiées. Mais l'une d'elle va sortir de l'ordinaire et intéresser au moment les médias nationaux. "C'est une plongée dans le sordide, l'extraordinaire aussi avec la personnalité d'un homme que je pensais capable du pire dès le départ, avec au final des faits qui vont dépasser de très loin l'imagination", souligne le juge qui nous raconte le crime du berger d'Avèze, du nom d'un petit village des Cévennes où est survenu le drame. Ce dossier criminel démarre avec les cauchemars d'une fillette ou plutôt par la conjonction de deux facteurs.

" Je remplaçais un collègue, un homme était suspecté d'agression sexuelle sur ses enfants et j'avais sa fille dans le cabinet d'instruction. Cette fillette voulait que je retrouve sa maman quelle n'avait pas vu depuis une dizaine d'années. J'ai été très marqué par ce moment-là, car elle m'a demandé ça avec une profonde émotion, elle voulait que je lui retrouve sa maman. J'étais bouleversé et je vois encore cette enfant face à moi, elle était à l'époque placée dans une structure pour enfants et devait avoir une dizaine d'années. Parallèlement j'avais un autre dossier de disparition inquiétante concernant sa maman qui avait disparu du jour au lendemain sans plus jamais donner de nouvelles alors qu'elle était très attachée à sa fille", se souvient le juge Jean-Michel Pérez.

La mère de famille se volatilise en août 1998, sa fille avait deux ans. C'est une dizaine d'années plus tard que la fillette évoque un cauchemar, celui d'imaginer sa mère morte poignardée. Dans le rôle du suspect numéro un, le compagnon de la disparue et père de ses deux enfants. Au moment de cette disparition, sa "femme", s'émancipait, elle avait trouvé un emploi, elle voulait également se séparer.
L'homme que le juge et les enquêteurs de la section de recherches de Nîmes décide d'interroger sans avoir de preuves irréfutables est le berger d'Avèze. Un homme frustre, qui a mauvaise réputation au village, et que les habitants de cette petite commune au pied de l'Aigoual pensent capable d'avoir tué sa femme.
Alors que sa garde à vue se déroule sans qu'il ne reconnaisse le moindre fait criminel, il explique qu'il veut voir le juge d'instruction. Il a juste raconté du bout des lèvres qu'il est la dernière personne à voir vu la mère de ses enfants vivante! Rendez vous est donc pris le lendemain matin.
"Je lui demande de bien vouloir s'assoir", raconte le juge, "il est face à moi", poursuit le magistrat réputé pour son extrême politesse. "Et là il me raconte tout, je le relance à peine, nous essayons avec mon greffier de ne surtout pas montré notre stupeur face aux atrocités qu'il raconte". Le berger d'Avèze avoue avoir tué et poignardé lors d'une dispute sa femme et comme dans les rêves de sa fille cette dernière était bien présente sur le lieux du drame ce soir-là. Il explique "sans s'apercevoir de l'horreur ou sans montrer de l'émotion ou des regrets cette soirée tragique". A ses côtés son avocat maître Antoine Garcia qui l'a accompagné tout au long de la garde à vue ne s'attendait pas à pareil retournement de situation de son client qui avait jusque là toujours nié sa participation au meurtre. Comme pour plonger un peu plus dans l'horreur, le mis en cause va jusqu'à raconter qu'il a découpé la jeune femme avant de jeter des morceaux dans la poubelle et d'en donner certains à ses chiens!
Des heures incroyables où l'enquête bascule "alors que nous n'avions pas jusque là d'éléments permettant de le mettre en examen", confie l'ancien juge d'instruction aujourd'hui magistrat dans l'Hérault.

Le père de famille, Christian Carrié reviendra lors du prochain interrogatoire sur ses aveux pour toujours ensuite continuellement nié même devant la cour d'assises du Gard le sordide meurtre. En appel à Avignon, il confiera qu'il est bien le meurtrier. Il purge actuellement une peine de 30 ans de réclusion.

Boris De la Cruz

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