Publié il y a 3 ans - Mise à jour le 06.10.2020 - coralie-mollaret - 5 min  - vu 1503 fois

LE 7H50 Frédéric Beaume, vice-président aux Finances de Nîmes métropole : « Un effort un peu douloureux sur deux ans » 

Le maire de Lédenon et vice-président aux finances de Nîmes Métropole, Frédéric Beaume (Photo : Coralie Mollaret)

Baisse des investissements, économies dans les services, hausse d’impôts… Confrontée à des difficultés financières, Nîmes métropole travaille à un plan de redressement. Rencontre avec le nouveau « M. Finances » de l’Agglo, Frédéric Beaume. 

Objectif Gard : En 2014 lorsque vous avez été élu maire de Lédenon pour la première fois, vous aviez refusé de siéger à Nîmes métropole. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas… Qu’est-ce qui a changé ?

Frédéric Beaume : Ma perception des choses. Lorsque ce n’est pas le maire qui siège à l’Agglo, ça peut pénaliser le village. Attention, Lédenon n’a pas été ostracisé lors du précédent mandat : Nîmes métropole nous a aidé à refaire l’entrée du village. Toutefois, un adjoint ou conseiller municipal n’a pas le même impact qu’un premier édile.

« Un gage de confiance et d’impartialité »

Non seulement vous siégez à Nîmes métropole mais vous êtes dans l’exécutif du président Franck Proust. Pourquoi ce ralliement ? 

Pendant la campagne pour la présidence, j’ai reçu les deux candidats : le maire de Saint-Gilles, Eddy Valadier, et Franck Proust. L’élu nîmois a fait la différence avec sa vision européenne, son réseau et son envie d’aller chercher des financements. L’ex-équipe (dirigée par le président centriste Yvan Lachaud, NDLR) expliquait qu’il fallait investir et emprunter parce que l’argent n’était pas cher, cela semblait être la seule stratégie de l’agglo. Ça me hérissait un peu le poil.

Aujourd’hui, vous êtes vice-président aux Finances de Nîmes métropole. Un cadeau empoisonné ?

Bon, c’est vrai que j’aurai été très content d’avoir la délégation pour laquelle je militais : la qualité des services publics et la relation avec les usagers. Ce n’est pas grave, elle a été confiée à une personne compétente, Hélène Lecop-Jaujou. C’est un sujet important. Quand quelques anciens de Lédenon appellent Nîmes métropole en raison d’un problème lié au ramassage des ordures ou à des fuites d’eau, ils ne sont pas toujours rappelés pour être informés des actions qui vont être entreprises et ils ont le sentiment qu’il n’y a pas de suivi… L’Agglo doit se comporter comme une mairie en étant au plus proche des utilisateurs.

D’accord mais pourquoi avoir accepté les finances ? Quand on entend le président de Nîmes métropole, c’est loin d’être un cadeau…

(Rires). J’étais très content de ce que l’on m’a proposé, cette vice-présidence est plus importante. Je ne suis encarté dans aucun parti. Je prends cette fonction comme un gage de confiance et d’impartialité. J’ai passé le mois août le nez dans les comptes ! J’arrive à un moment qui n’est pas facile. À la fin de cette année, on aura une dette de 480 M€. Quand j’ai regardé les chiffres j’ai été assez surpris : il y a une sacré différence entre le rapport de la Chambre régionale des comptes et l’état des comptes ces deux dernières années.

Qu’est-ce qui vous a le plus choqué ?

Ce qui m’a étonné, c’est le non-respect d’une règle simple : est-ce que j’ai les moyens de financer ce que je veux faire ? Clairement, ce n’est plus le cas. Notre projection de recettes financières n’était pas compatible avec le montant des investissements prévus. L’ancienne équipe a prévu des dizaines de projets, tous prioritaires, comme entre 2018 et 2020,  la T2 à 84 M€, les 42 M€ sur GEMAPI, les travaux sur l’assainissement à 41 M€, le projet de zone d’activité économique, Magna Porta, pour 24 M€… Mis bout à bout, on arrive à des sommes faramineuses et les investissements prévisionnels jusqu’en 2023 ne sont pas en reste. Est-ce qu’un chef d’entreprise sortirait toute sa trésorerie pour financer des projets ? Des investissements, ça se met en perspective avec les bénéfices attendus. On se doit d’analyser les risques à faire ou ne pas faire, et ça se planifie.

Si les finances ne sont pas brillantes, certains à l’Agglo estiment que le tableau dépeint par Franck Proust est trop pessimiste. Avez-vous le sentiment parfois d’être au milieu d’une deuxième guerre Lachaud-Proust ?

Pas du tout. Il n’y a plus de querelles politiques. Si Franck Proust a dit que la situation était grave, il a aussi dit que l’on était aussi capable de redresser la barre. Je rappelle que Monsieur le préfet du Gard a confirmé à l’ensemble des maires que nous étions depuis plusieurs années dans le réseau d’alerte. Moi, je ne suis pas là pour mettre de l’huile sur le feu. Je donne ma vision et je fais des propositions en fonction de ce que je vois. Aux élus de décider par la suite (le vote du budget 2021 étant prévu pour mars prochain, NDLR).

« La fiscalité sera le dernier levier à activer »

À quoi va ressembler le « plan de redressement » de Nîmes métropole ?

Un effort un peu douloureux est à faire sur deux ans. Honnêtement, je suis très confiant. On va remettre à plat un certain nombre de choses et repartir du bon pied. Notre marqueur, c’est la capacité de Nîmes métropole à se désendetter. Si on arrive à un ratio entre 10 et 11 ans en 2022, ce sera bien. Aujourd’hui, lors de l’état des lieux effectué à partir de la remontée des données de l’ensemble des services de l’Agglo notre ratio prévoit 15,8 ans à l’horizon 2022. C’est bien au-dessus du seuil accepté par l’État. Pour redresser les finances, nous allons étaler certains investissements dans le temps. Après, l’effet covid-19 et ses conséquences sur l’activité économique (*), je ne les connais pas. Si on a un peu de chance avec la mise au point d’un vaccin, on pourra repartir plus vite.

Selon nos informations, vous proposez de diminuer vos investissements de 120 M€ par an à 60 M€. En cette période compliquée pour les entreprises, cette décision n’est-elle pas contre-productive ? L’économie n’a-t-elle pas besoin d’être soutenue ?

Je suis d’accord, ce n’est pas la meilleure façon de redresser l’économie. Toutefois 60 M€, c’est tout sauf négligeable. Et jusqu’en 2018, ce niveau d’investissement était la somme injectée par l’Agglo (sans GEMAPI, NDLR). Par ailleurs, cela permettra aux entreprises de savoir qu’elles pourront compter sur un flux de commandes régulier sur les deux années.

Vous prévoyez aussi d’économiser 3 M€ dans les services et autres dépenses de l'Agglo. Franchement, est-ce suffisant ? 

Les élus de Nîmes métropole travaillent actuellement pour dégager des marges de manœuvre. J’ai envoyé l’état des dépenses actuelles aux élus qui composent la commission de redressement. Les précisions qu’ils souhaitent sur certains points vont leur être fournies. Tenez, sur le budget communication, par exemple, qui s’élève à 1,2 M€ par an, on pourrait économiser 200 000€. Après à Nîmes métropole, sur les frais de fonctionnement qui s’élèvent 190 M€, vous avez des incompressibles comme la DSP Transport, le reversement aux communes, les charges financières entre autres. Cela pèse pour plus de la moitié de nos frais. Ce n’est que sur les autres postes que nous pouvons intervenir partiellement. Un peu sur la masse salariale : la pyramide des âges ne favorise pas vraiment les départs mais il y a des possibilités sur les postes de contractuels dont les missions se terminent et ensuite tous les autres budgets petits (Culture, Sport) ou plus importants (DCTDM, DEA) sont concernés. Donc 3 M€ à trouver sur 90 M€  (et non sur 400 M€ comme annoncé de-ci, de-là). C’est un effort important, si on peut faire mieux on ne s’en privera pas.

Enfin, le levier fiscal risque d’être activé. Vous avez voté le principe d’une taxe GEMAPI, vous réfléchissez à instaurer un taux de la taxe foncière (aujourd’hui à zéro, NDLR). Des mesures impopulaires par les temps qui courent…  

Pour l’instant, rien n’est décidé. Je pense qu’une fois que l’on aura diminué nos dépenses, lissé nos investissements, on se penchera sur le levier fiscal. Plus on baisse nos dépenses, plus nous lissons nos investissements, moins nous aurons besoin de trouver de nouvelles recettes. Les hausses de taxes seront le dernier levier.

Propos recueillis par Coralie Mollaret

coralie.mollaret@objectifgard.com 

* Les ressources de Nîmes métropole sont principalement composées de la fiscalité des entreprises.

Coralie Mollaret

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