Publié il y a 3 ans - Mise à jour le 06.11.2020 - thierry-allard - 5 min  - vu 1291 fois

FAIT DU JOUR « Avec qui voulez-vous qu’on travaille ? » : avec le reconfinement, les hôtels désertés

Andrew, cogérant de l'hôtel des Tuileries, à Nîmes (Photo : Norman Jardin / Objectif Gard)

Brahim, gérant de l'hôtel Central, à Nîmes, et sa réceptionniste Félicia (Photo : Norman Jardin / Objectif Gard)

On a peut-être tendance à l’oublier, mais les hôtels sont toujours ouverts, malgré le reconfinement.

Ouverts mais vides ou presque. Alors même si le mois de novembre est traditionnellement peu favorable pour la profession, ce deuxième confinement de l’année vient impacter durement les hôtels. Les premiers effets de cette crise se font d’ailleurs déjà sentir. Nous sommes allés à la rencontre d’hôteliers à Nîmes, Alès, Uzès et aux Angles. Témoignages.

Dans les hôtels gardois en ce début novembre, on n’est pas dérangé par la foule. « Sur les 17 chambres dont nous disposons, seulement trois sont occupées en ce moment. Ce week-end nous n’avons aucune arrivée de prévue », expliquent les cogérants de l’hôtel alésien Duran le Patio, François et Nathalie Garcia. « Pour que l’on puisse tourner à peu près correctement il faudrait que nous ayons au moins huit chambres occupées », ajoutent-ils. À Nîmes, Brahim, le gérant du Central Hôtel, ne se cache pas : « Nous avons de la chance quand nous avons deux clients, mais ça ne couvre même pas nos charges. »

Un chiffre d’affaires en chute libre

Couvrir les charges, c’est tout l’enjeu en cette période de vaches (très) maigres. « Notre clientèle en ce moment c'est des commerciaux et des entreprises qui travaillent pour des chantiers, présente Christophe Cabot, directeur de l’hôtel Best Western Uzès Pont du Gard. Depuis le début du reconfinement, on est à une dizaine de chambres. L’objectif c’est d’en avoir tout le temps au moins huit ça permet de couvrir au moins les salaires de ceux qui restent. L’idée c’est aussi de montrer à nos clients qu’on est toujours vivants. »

L'hôtel Durand le Patio à Alès (Photo : Corentin Migoule / Objectif Gard)

Vivants, mais durement touchés par ce deuxième confinement de l’année, avec un manque à gagner considérable. « L’an dernier en novembre, on avait 80 000€ car de nombreux commissaires de course du circuit de Lédenon étaient venus, rembobine Christophe Cabot, à Uzès. Cette année, si on fait 10 000€ de chiffre d’affaires en novembre on sera content. »

À Alès, l’hôtel Campanile a carrément décidé de fermer le week-end, car « la clientèle dite de loisir que nous avions le week-end ne vient plus, naturellement », explique la directrice de l’établissement, Stéphanie Cuisinier. Son hôtel compte moins d’une dizaine de chambres occupées sur les 72 dont il dispose au total.

Dans les plus petites structures, la situation est préoccupante. «  Dans le meilleur des cas nous ferons 60% du chiffre d’affaire de l’année normale, explique Andrew, cogérant de l’hôtel des Tuileries, à Nîmes, 11 chambres. Mais nos dépenses sont fixes, le bailleur a refusé de baisser le loyer. Il faut aussi payer l’électricité et il faut quand même continuer à chauffer l’hôtel malgré tout. »

« J'ai l'impression de vivoter »

Dans ce contexte, certains hôteliers sont dans l’incompréhension. « Nous on a le droit d'ouvrir mais les gens n'ont pas le droit de sortir à plus d'un kilomètre  e chez eux, alors qui va dormir à l'hôtel ? On ne fait même pas 10 nuitées par semaine », tonne Catherine Cadou, qui tient l’hôtel Ermitage aux Angles, près d’Avignon. « Avec qui voulez-vous qu'on travaille ? », lance le gérant du Central hôtel.

À l'hôtel des Tuileries, à Nîmes (Photo : Norman Jardin / Objectif Gard)

Pas ou peu de rentrées donc, mais des sorties supplémentaires en revanche : « Quand on a rouvert en mai, deux semaines avant, on a reçu des tonnes de paperasse sur "comment accueillir". Il a fallu changer tous les produits ménagers pour acheter des virucides 30% plus chers. Sans compter les masques, les gants, le gel… », énumère Catherine Cadou, aux Angles, qui estime le surcoût à 600 euros pour son établissement. Pendant ce temps, « cet été, n'importe qui pouvait louer sa maison sans rien faire, sans avoir ces produits, sans avoir de piscine sécurisée, sans même avoir un extincteur… », affirme-t-elle, dépitée.

Face à cette situation, les aides de l’État ne suffisent pas. « Nous allons toucher le fonds de solidarité de 1 500 euros comme lors du premier confinement. Ça va payer l’assurance, le Wifi et le téléphone mais c’est tout. On ne tiendra pas éternellement », estiment François et Nathalie Garcia, à Alès. Et ce alors qu’ils expliquent avoir bien travaillé cet été et avoir un peu de trésorerie de côté.

« On est inquiets. Je crois que nous allons pouvoir résister mais on demande que les pertes ou les frais soient pris en charge par le Gouvernement, lance le co-gérant de l’hôtel des Tuileries, à Nîmes. On a profité de 1 500 euros par mois du fonds de solidarité mais nos frais tournent entre 10 000 et 15 000 euros par mois. » « Je ne me sens pas abandonnée par l'État, en revanche, j'ai l'impression de vivoter », résume Catherine Cadou.

Catherine et Dominique Cadou gèrent l'hôtel Ermitage depuis bientôt dix ans aux Angles (Photo : Marie Meunier / Objectif Gard)

Alors les établissements font jouer le chômage partiel au maximum. Si bien que c’est directement le gérant de l’hôtel Best Western Uzès Pont du Gard qui gère les plateaux repas et les petits déjeuners. « On avait une femme de ménage dont on n’a pas renouvelé le contrat. On se débrouille pour faire le ménage tous les deux à tour de rôle », expliquent les gérants de l’hôtel Durand le Patio, à Alès, tout en précisant que dans le couple, le mari ne se verse plus de salaire.

« J'avais onze employés, je me suis séparée de deux d'entre eux », pose la directrice du Campanile d’Alès, quand son homologue du Central, à Nîmes, « vien(t) de laisser partir deux réceptionnistes qui étaient en CDD, je n’ai pas pu les renouveler. »

« J'avais onze employés, je me suis séparée de deux d'entre eux »

Pour sortir la tête de l’eau, il faut bien trouver des solutions. Brahim, à Nîmes, se tourne vers le social. « Nous avons contacté la Croix-Rouge et le Conseil départemental, car nous aimerions décrocher quelques contrats avec eux. L’objectif au départ n’était pas de faire un hôtel de social mais pour notre survie c’est la seule solution. » À un prix plus faible certes, « mais cela nous permet d’avoir des revenus », précise sa réceptionniste, Félicia. Et le gérant de craindre pour l’avenir : « Nous commencions à peine à nous relever du premier confinement. Là j’ai peur que ce soit le coup fatal pour l’hôtel. »

Une chambre de l'hôtel des Tuileries, à Nîmes (Photo : Norman Jardin / Objectif Gard)

Déjà confrontés à une crise dont personne n’est en mesure de dire combien de temps elle va encore durer, les hôteliers risquent de devoir faire avec des changements d’habitudes. « Les entreprises au départ du confinement s'organisaient sur Zoom. Maintenant, il y a des salles dédiées avec des écrans, on peut prendre la main sur les ordinateurs à distance, explique Catherine Cadou. C'est quelque chose qui existait déjà mais je crains que ça rentre dans les habitudes. Et c'est dans ce sens que pour nous, hôteliers, c'est inquiétant car c'est une partie de notre clientèle qui ne va plus se déplacer. » Plus largement, « même après le confinement, les gens auront-ils envie de se déplacer ? », pose le cogérant de l’hôtel des Tuileries, à Nîmes. La question reste entière.

Boris Boutet (à Uzès), Norman Jardin (à Nîmes), Corentin Migoule (à Alès), Marie Meunier (aux Angles) et Thierry Allard

Thierry Allard

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