Publié il y a 3 ans - Mise à jour le 30.12.2020 - stephanie-marin - 6 min  - vu 8797 fois

FAIT DU JOUR La saison des mariages bousculée par la covid-19

La saison des mariage a été pas mal bouleversée cette année. L’épidémie de coronavirus a bousculé leurs plans... Ceux des futurs mariés comme ceux des prestataires.

« Il s’était enfin décidé à faire sa demande », lance Éva, le visage fendu d’un large sourire. Un souvenir qui date de novembre 2019. Tout était possible à ce moment-là, les préparatifs allaient bon train. Éva et Antoine, 30 ans, avaient prévu de se passer la bague au doigt le 30 mai 2020 en présence de leurs proches et amis, soit 110 personnes réunies autour d’eux. Un scénario bouleversé par la covid-19.

Alors il y a d’abord eu le confinement le 14 mars. « Nos tenues n’étaient même pas complètes », se souvient la Marguerittoise. Un détail direz-vous - quand on connaît la suite - mais le couple espérait pouvoir maintenir la date initiale de son mariage. Les tourtereaux l’ont espéré jusqu’au 15 avril. Malgré le climat anxiogène et le brouillard qui les empêchait de voir l’horizon heureux, les futurs mariés n’ont jamais baissé les bras. Malheureusement, Éva et Antoine, parents d’une petite fille âgée de 2 ans et demi, ont tout de même dû reporter leurs épousailles, l’interdiction des cérémonies ayant été maintenues jusqu’au 2 juin. Qu’à cela ne tienne, ils décident de se dire ''oui'' le 3 octobre en comité plus restreint.

Le climat anxiogène évoqué plus haut a rendu frileux certains invités. Et puis, le 23 septembre, une nouvelle annonce du Gouvernement liée à l’épidémie du coronavirus est venue donner des sueurs froides au couple. De l’autre côté de l’écran de leur téléviseur, le ministre de la Santé, Olivier Véran, lâche de nouvelles restrictions, parmi lesquelles la limitation des rassemblements privés à 30 personnes dans les salles et établissements recevant du public comme les fêtes, les anniversaires ou encore les mariages, à compter du lundi 28 septembre.

« On fait la fête parce qu’on se marie, mais on ne se marie pas pour faire la fête »

« Je me suis effondrée. J’ai d’abord été en colère et triste. Nous avions dépensé tellement d’énergie pour organiser cette journée, confie Éva sous le regard approbateur mais aussi amusé d’Antoine. Et puis, je me suis raisonnée. Nous avons décidé de nous battre pour rendre ce jour heureux malgré toutes les mesures imposées. » Comprenez le port du masque obligatoire - les futurs mariés en ont fait faire aux couleurs de leur tenue -, la distanciation physique, la mise à disposition de gel hydroalcoolique et un sens de circulation dans la salle de réception. Et bien sûr, la limitation du nombre d’invités.

Éva et Antoine se sont finalement dit "oui" le samedi 3 octobre 2020 (Photo : Audrey ALARCON – Dans l’œil d’Ohdrey)

« Ce n’était pas évident de passer à 30 invités. Ce n'était pas non plus ce que nous imaginions au tout départ de l’organisation », explique la jeune femme. Elle se souvient de sa déception et tout aussitôt des mots réconfortants de son compagnon : « On fait la fête parce qu’on se marie, mais on ne se marie pas pour faire la fête. » Dès lors, « il n’était pas question de reporter une deuxième fois. Nos prestataires nous ont accompagnés et se sont adaptés, ils ont été formidables. » Alors certes, il n’y avait pas de DJ, pas la centaine d’invités escomptée et donc pas de grande fête, mais Éva et Antoine, après toutes les péripéties vécues, ont tout de même fini par se passer la bague au doigt le samedi 3 octobre. « C’était un beau mariage, une belle journée même à 30 », se satisfait le couple.

« Il risque d’y avoir un embouteillage en 2021 »

D’autres futurs mariés ont fait le choix de reporter leur union. Laetitia Osmont, décoratrice et organisatrice de mariages en a fait les frais, alors qu’elle venait de créer sa société à Nîmes, Créa Événement. C’était au mois d’octobre. Entre les mois de mars et juillet, neuf de ses clients ont décidé de reporter leur mariage à l’année prochaine. « Il risque d’y avoir une surcharge en 2021. Certaines dates sont déjà doublées, triplées, quadruplées », témoigne Laetitia qui en veut pour preuve la trentaine de demandes qui lui a été adressée dès la première semaine d’octobre pour des mariages prévus en 2021.

Laetitia Osmont, décoratrice et organisatrice de mariages, gérante de la société Créa Événement (Photo : Stéphanie Marin)

Une vague de sollicitations qui rassure la décoratrice et organisatrice de mariages après un lancement d’activité plus que périlleux et une perte « d’au moins 50% sur le chiffre d’affaires annuel prévu. L’activité n’a pas repris tout de suite après le déconfinement. Mais elle repart petit à petit, dans des conditions particulières », insiste Laetitia.

« Depuis le début de l’épidémie, un fleuriste sur sept a fermé en France »

Des conditions - et notamment la limitation à 30 personnes dans les salles de réception - qui ont décidé certains couples à se marier en deux fois : le mariage civil cette année, sans dépasser le nombre de 10 personnes à la mairie, et la cérémonie religieuse ou laïque en 2021. Aurélien Guesnerie-Couche fait partie de ceux-là. Ce jeune marié âgé de 31 ans est fleuriste, un autre prestataire de mariage (Éva et Antoine ont d’ailleurs fait appel à ses services), qui comme Laetitia Osmont a créé sa boutique Aur'iginal Floral à Nîmes récemment. Après « une très bonne » Saint-Valentin, il a dû lui aussi baisser le rideau, mais n’a pour autant pas cessé son activité mettant en place pendant le confinement, un service de livraison gratuit.

Aurélien Guesnerie-Couche et son épouse, dans sa boutique Aur'iginal Floral à Nîmes (Photo : Stéphanie Marin)

Une initiative couronnée de succès qui a permis au jeune entrepreneur de compenser et même au-delà, les pertes liées à la mise à l’arrêt forcé des prestations événementielles « qui représentent 43% du chiffre d’affaires annuel pour un fleuriste. Les jeunes entrepreneurs ont été abandonnés pendant la crise sanitaire, ils sont très déçus de ne pas avoir eu un coup de pouce pour payer le loyer, les charges… Depuis le début de l’épidémie, un fleuriste sur sept a fermé en France, selon les chiffres de la Fédération française des fleuristes. De mon côté, j’ai des propriétaires bienveillants, ils m’ont offert deux mois de loyer. »

Des futurs mariés stressés, perdus

« Dès le 11 mai et jusqu’au 15 juin, la machine a redémarré. On a eu une vague de mariages au dernier moment. Ceux qui avaient été annulés puis finalement maintenus. Et puis, à partir du mois de juillet, on a eu les ''nouveaux'' mariages. C’est-à-dire des personnes qui devaient se marier l’année prochaine mais qui ont profité des annulations pour avancer leur date », se souvient Aurélien Guesnerie-Couche. Et le fleuriste l’atteste, « la relation entre les clients et les prestataires a changé. Les clients sont chamboulés, stressés, perdus et ont besoin d’être rassurés. »

Clients comme prestataires, chacun a dû et doit encore s’adapter au contexte complexe. Du côté du lieu de réception nîmois le Mas Merlet, le confinement a généré un embouteillage dans les dates. Quitte à outrepasser le traditionnel samedi de mariage : « Tous les week-ends d’août étaient pris. Certains couples ont même dû se marier en semaine », assure Jérôme Gaudry, propriétaire du lieu. Au plan de l'organisation, tout a été mis en place pour éviter la création d’un cluster. Exeunt les grands plateaux : les repas étaient servis dans des barquettes individuelles, allongeant considérablement le temps de dressage.

« Heureusement qu’on a eu le droit aux aides et au chômage partiel »

Même démarche pour les traiteurs, Frédéric et Christelle Augustin, frère et sœur, qui sont à la tête de l’entreprise familiale villeneuvoise fondée il y a 30 ans. Ils privilégient les mets à piquer et les assiettes individuelles. « C’est une autre consommation, avec les masques, les gants », commente Frédéric. Un tableau loin de l’image conviviale presque hors du temps du banquet. Difficile de s’évader de la réalité quand les gestes barrières se rappellent à nous en toute circonstance.

Christelle et Frédéric Augustin(Photo : Marie Meunier/ObjectifGard)

En 15 ans d’activité, jamais Frédéric et Christelle n’avaient connu une telle crise. Mariages, baptêmes, repas du 3e âge, prestations auprès d’entreprises : tout s’est arrêté du jour au lendemain en mars. Ce n’est que le 3 juillet seulement qu’ils ont honoré leur premier mariage. Les autres dates se comptent sur les doigts d’une main. D’habitude, ils en font une trentaine par an. Frédéric et Christelle s’attendaient à un afflux d’appels une fois le confinement terminé. Mais il ne s’est jamais produit : « Heureusement qu’on a eu le droit aux aides et au chômage partiel. »

Avec 90% de pertes entre mars et fin juin, Christelle et son frère réfléchissent à se développer autrement. Par exemple, en s’inscrivant sur Uber Eat et donc en proposant des repas à domicile. Ils restent optimistes mais craignent que la situation soit amenée à durer.

Il faut que la trésorerie tienne le choc jusque-là. Et le moral. Elle paraît loin l’effervescence de la saison estivale où les deux associés pouvaient enchaîner jusqu’à 90 heures par semaine. Par passion du métier : « La semaine, on a travaillé 4 heures. C’est très compliqué, on n’a pas l’habitude. Pas de coup de bourre, de stress, de retour à 4h du matin, de satisfaction du client. »

Stéphanie Marin et Marie Meunier

Important ! Cet article est un extrait de Objectif Gard, le magazine. Rendez-vous chez votre marchand de journaux pour acheter le dernier numéro. Découvrez le sommaire en cliquant sur le module ci-après :

Stéphanie Marin

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