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Publié il y a 3 ans - Mise à jour le 24.01.2021 - marie-meunier - 5 min  - vu 9322 fois

FAIT DU JOUR Daft Punk aux Angles : un enregistrement cassette inédit retrouvé 25 ans plus tard

En fouillant dans les cartons de son père Georges, Benoît Show est tombé sur deux cassettes sur lesquelles sont enregistrées un set-up des Daft Punk datant de 1995. (Marie Meunier / Objectif Gard)

En farfouillant dans les affaires de son père, Benoît Chow est tombé sur une boîte de vieilles cassettes. Il tombe sur une étiquette marquée "Daft Punk n°2". Il sait de suite de quoi il s'agit. Le 18 novembre 1995, le fameux groupe français était venu en concert au mythique club Le Privé aux Angles. Club que son paternel a géré jusqu'en 2010. 

Très vite, Benoît Chow se met en quête d'un lecteur-cassettes. Dix jours plus tard, il en trouve un et découvre une autre cassette estampillée "Daft Punk n°1" dans le carton. Sur les deux bandes magnétiques : 2h55 de son, enregistré lors de ce fameux DJ set de 1995, en excellent état et en intégralité. On y entend en ouverture le morceau "Da Funk" que le groupe sortira en single un mois plus tard, mais aussi "Rollin' and scratchin'" [1'44'35] ou encore des reprises house. Pas encore connu du grand public, le duo programmait quelques dates les week-ends en complément de leur boulot. Alex Malagoli, DJ résident du Privé entre 1995 et 1998, s'écrie : "On fait partie des rares personnes à les avoir vu sans casque !"

Benoît Chow n'avait qu'un an à l'époque mais par le métier de son père, il a toujours baigné dans l'univers de la musique électro et particulièrement des Daft Punk, qu'il écoute depuis qu'il a 10 ans. Actuellement en télétravail, il s'est installé dans sa chambre et tout en assurant sa mission au cabinet de conseil en finance, il a écouté les deux cassettes. Rapidement, il publie une photo des deux boîtiers sur son compte Instagram et plusieurs de ses amis lui demandent une copie de l'enregistrement. Il finit donc par le publier sur YouTube le 18 janvier dernier. "J'ai ensuite partagé dans des groupes de fans de Daft Punk sur les réseaux sociaux puis j'ai contacté plusieurs médias spécialisés. Tout s'est enflammé et ça a fait effet boule de neige", raconte le jeune homme.

L'information est repris par les médias nationaux qui relayent cette pépite inédite de Daft Punk. La vidéo culmine à plus de 60 000 vues. Benoît et son père, Georges Chow, comptent bien garder précieusement les cassettes alors qu'ils ont déjà reçu plusieurs offres pour racheter le précieux trésor, notamment une d'un fan des États-Unis.

Une des premières boîtes du sud de la France à inviter des DJs

À l'époque, au Privé, chaque soirée était enregistrée depuis la table de mixage puis réécoutée par les membres de la direction le lundi suivant pour repérer ce qui avait marché, ce qui était moins bien, les moments où la foule se soulevait... Toujours dans le but de s'améliorer mais pas dans celui d'être diffusées à l'origine. Beaucoup de cassettes ont disparu aujourd'hui mais heureusement celles de la première venue des Daft Punk sont passées entre les mailles du filet.

Les Daft Punk. (photo MCM Comic Con ExCel London October 2014 Cosplay Cosplay at the October 2014 MCM London Comic Con).

Ces deux cassettes sont d'autant plus précieuses qu'elles constituent un pan de l'histoire du club Le Privé et plus généralement de la musique électronique. Après y avoir été salarié, Georges Chow a repris la boîte de nuit en novembre 1993 et l'a co-dirigée avec son associé, Gérard Vinas, aujourd'hui décédé. Un établissement avec un cachet bien à lui puisqu'il se trouvait dans une grotte aménagée entourée de garrigues, chemin du Bosquet aux Angles.

Les deux cassettes sont restées dans un carton pendant plus de 25 ans. (Marie Meunier / Objectif Gard)

Et ce caractère unique, les deux associés ont voulu qu'ils se retrouvent aussi dans la programmation musicale. "On s'est rendu compte que la musique était toujours pareil dans les boîtes, il fallait passer le dernier tube de l'été et tous les clubs se copiaient", se remémore Georges Chow. Lui a voulu sortir des sentiers battus et trouver des sons, des artistes qu'on n'entendait nulle part ailleurs. Avec deux crédos pour y arriver : organiser des soirées étudiantes avignonnaises (au moment où l'université prenait de l'ampleur) et faire venir des DJs en mix.

Les Daft Punk, "de bons jeunes, bien éduqués"

L'équipe du Privé s'affranchit par la musique électronique, alors qu'hormis quelques exceptions dans les métropoles, tous les clubs se cantonnent "à la vieille école" dans les baffles: disco, 80's et pop-rock. "Il faut se rappeler qu'à cette époque, la musique électronique, on ne l'entendait que dans les teufs qui étaient interdites. On voyait ça comme quelque chose de malsain. Alors nous en Province, en proposant ça, on nous voyait comme des extraterrestres", resitue Pascal Applanat, ancien directeur dans ces années-là du Privé. Avant d'occuper ce poste pendant 10 ans, il a connu la boîte car il était président de l'association des étudiants d'Aubanel à Avignon. Quelques soirées plus tard, il rentre finalement dans le staff et tient un rôle décisionnel dans le devenir de la boîte.

"On voulait apporter de la fraîcheur à la nuit, mettre une claque", tonne-t-il. Les Daft Punk feront partie des premiers DJs invités. À l'aube de la célébrité mais déjà connus d'une poignée d'initiés, la soirée avait été bien remplie. Georges Chow se rappelle d'eux comme "de bons jeunes, bien éduqués" : "Ils étaient très simples, très gentils. Je me souviens, à la fin de la soirée, on discutait avec mon associé dans le bureau, ils étaient là, assis par terre à écouter. Je sentais déjà qu'ils pouvaient percer."

L'affiche de la soirée en question avec Daft Punk. (DR)

En ce temps-là, il ne fallait que quelques coups de fil pour faire venir des artistes. "Cédric Vian, notre DJ résident, était allé à Paris en soirée. Il a pris un numéro de deux jeunes qu'il avait trouvé bien. Je les ai appelés pour savoir s'ils voulaient venir, ils ont dit ok", explique Pascal Applanat. Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homem-Christo, de leurs vrais noms, reviendront une seconde fois au Privé en 1996, avec déjà un peu plus de réticence. "Quand je les ai appelés, ils me disaient qu'il fallait qu'ils changent le rouleau de papier fax cinq fois par jour tellement ils étaient sollicités", raconte l'ancien directeur.

Ce dernier tentera One more time mais il n'y aura pas de troisième invitation. Projetés dans le top des ventes, les hommes casqués ne font plus de tournée des clubs (qui n'a duré que deux-trois ans) mais celle de leur premier album signé par Virgin. Encore aujourd'hui, le groupe demeure très discret. Malgré une reconnaissance mondiale, deux Grammy Awards et quatre albums, ils ne dévoilent jamais leur visage et n'accordent quasiment aucune interview.

David Guetta, Vitalic, Bob Sinclar, Jeff Mills aussi passés par Le Privé

Et ce ne sont pas les seules têtes aujourd'hui connues que le Privé a invité alors qu'ils n'étaient qu'aux prémices de leur carrière. On citera David Guetta qui est venu une première fois un peu avant l'année 2000 ou encore Bob Sinclar en 1998, qui sont devenus "des amis". Il y a aussi eu Vitalic, B. Benassy, Jeff Mills ou Carl Cox. De grands moments dont l'ancienne équipe compte peu de traces en photos : "Quand Guetta venait, c'était un pote. On n'était pas dans la thématique du "m'as-tu vu ?", les gens venaient pour écouter le son, surtout qu'il n'y avait pas les portables et Internet", atteste l'ancien DJ résident Alex Malagoli.

Rapidement, Le Privé gagne en notoriété et est désigné trois fois meilleur club de France par le magazine Tracks. "Je me rappelle d'une nuit après les résultats du bac, le 28 juin 1995, où on était à bloc. Il y avait une queue de 500-600 mètres dehors. On pouvait avoir jusqu'à 2 200 personnes par soir. [...] Le Privé a bouleversé le paysage de la musique dans le sud de la France et a fait émerger beaucoup d'artistes de la French Touch", déclare Alex Malagoli, qui doit lui-même ses débuts au club anglois. En attendant la réouverture des boîtes de nuit en France, on vous invite donc à patienter avec ces 2h55 de son. Et de les réécouter toujours Harder, better, faster, stronger...

Marie Meunier

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