Publié il y a 3 ans - Mise à jour le 29.03.2021 - abdel-samari - 5 min  - vu 478 fois

ÉCONOMIE Hervé-Georges Bascou : "Pour se protéger, le chef d’entreprise doit régulièrement se faire auditer"

Hervé-Georges Bascou, avocat en droit social à Nîmes Photo AS/Objectif Gard

Maître Hervé-Georges Bascou, avocat Nîmois, conseil d’entreprises en droit du travail et en contrôle et contentieux URSSAF, docteur en droit, nous explique les évolutions du droit social dans l'entreprise et ses conséquences.

Objectif Gard : Vous indiquez dans vos différents écrits et ouvrages que le droit social évolue vite. Pouvez-vous développer votre position ?

Maître Bascou : Si vous me le permettez, je vais même plus loin. Le droit du travail et le droit de l’URSSAF évoluent vite, très vite, trop vite ; ce qui était vrai hier ne l’est pas forcément aujourd’hui. Le droit social (droit du travail, droit de la sécurité sociale et prévoyance) est en évolution permanente. Quoi de plus logique dans ce monde en pleine révolution. Nous sommes, comme l’indique le philosophe et physicien Marc Halevy, en plein chaos qui se produit tous les 500-550 ans et nous essayons de nous adapter à la situation. Je constate, à mon niveau, que tout chef d’entreprise est confronté, depuis les dernières décennies, à cette inflation de données juridiques (lois, décrets, jurisprudence …) qui doit le conduire à être extrêmement vigilant. Le moindre manquement, qu’il soit volontaire ou non, ne lui sera pas pardonnée. Il existe en France un véritable paradoxe. Le chef d’entreprise est à la fois considéré par son statut, son audace et courage et en même temps, il est particulièrement  jalousé, surtout s’il réussit. Dans d’autres pays, ce problème n’existe pas. Je crois aussi que nos dirigeants doivent revisiter entièrement notre droit du travail et penser à un autre statut entre le travailleur salarié et celui qui ne l’est pas. La définition du travailleur salarié donné en 1996 par la Cour de Cassation n’est aujourd’hui pas compatible, lisible avec le monde actuel.

Que faut-il alors pour qu’un chef d’entreprise se protège davantage face à cette situation inflationniste des textes ?

Pour se protéger, le chef d’entreprise doit régulièrement se faire auditer. Si l’audit financier est usité, l’audit social n’intervient le plus souvent que lors d’une reprise d’une société ou d’un contentieux. Pourtant, il apporte une sécurité dans ce monde de l’entreprise où la notion de risque est mal appréhendée, voire souvent inconnue. Il est demandé aujourd’hui au chef d’entreprise d’avoir toutes les qualités surtout en cette période de pandémie. L’excellence dans son activité ne peut suffire. Il doit être un brillant commercial, un expert en gestion et finance, mais plus encore un juriste averti dans tous les domaines et plus particulièrement le domaine du droit des affaires. En somme, il doit être, comme je l’avais déjà dit  un super héros, que dis-je, un Avengers compilant toutes les qualités.

Il est très difficile pour un chef d’entreprise de respecter toutes les normes juridiques qu’on lui impose...

Mais ne pas respecter le droit social peut entraîner de graves difficultés pécuniaires pour la société (condamnations prud’homales, redressements URSSAF, annulation réductions Loi Fillon, faute inexcusable de l’employeur …) et expose le dirigeant à la mise en œuvre de sa responsabilité pénale notamment (dissimulation d’emploi salarié, sous-traitance illicite…). Dans le monde actuel, peu importe, en fait, sa bonne foi ; le dirigeant est censé parfaitement connaître le Droit dit « positif » (loi, réglementation, jurisprudence). En cas de contentieux, la justice le condamnera, sans état d’âme, en cas d’omission ou manquement. Les matières juridiques sont dévolues à des avocats de plus en plus spécialisés qui doivent absolument intervenir en partenariat avec l’expert-comptable, interlocuteur privilégié et direct de l’entreprise. L’intérêt de l’audit social est de vérifier la concordance des informations sociales aux normes et règles internes et externes (audit de conformité), d’évaluer les risques mais aussi et surtout, d’apporter des solutions. Rester sur un constat, une situation figée n’est non seulement pas suffisant, mais très dangereux. L’avocat conseil en droit du travail et en droit de la sécurité sociale (contrôle et contentieux URSSAF, contentieux de la faute inexcusable) doit aussi être la force de propositions des chefs d’entreprises et au quotidien son coach.

Vous parlez d’audit en droit social, qu’est-ce que cela recouvre ?

L’avocat conseil, dans un premier temps, doit contrôler que le droit du travail et le droit de la sécurité sociale sont correctement appliqués. Ces vérifications préalables sont obligatoires pour identifier les risques existants ou potentiels. Il concerne, en droit du travail, les relations individuelles mais aussi les relations collectives. Tandis qu’en droit de la sécurité sociale, ces vérifications porteront notamment sur le contrôle comptable d’assiette des cotisations et contributions et l’évaluation des incidences des accidents de travail et de la maladie professionnelle.

Donnez-nous un exemple ?

Par exemple, concernant les relations individuelles, le chef d’entreprise doit, en premier lieu, vérifier si la relation contractuelle s’inscrit bien dans une relation employeur-salarié. Peu importe, en effet, la qualification donnée à un contrat ; tout dépend de la réalité de la prestation fournie. L’URSSAF, le Pôle emploi et même le soi-disant « travailleur indépendant » peuvent remettre en cause la qualification de la relation pourtant établie par écrit. Au-delà des conséquences pécuniaires dramatiques que ces demandes peuvent générer, l’aspect pénal sera forcément présent (dissimulation d’emploi salarié).

Vous indiquez souvent dans vos articles qu'embaucher un salarié est un acte très important... 

Évidemment, toute embauche entraîne des obligations, notamment de déclarations, avant le début de la prestation de travail pour éviter la qualification de dissimilation d’emploi salarié. Au rang des formalités obligatoires, le chef d’entreprise devra effectuer une déclaration préalable d’embauche et ne pas oublier de prendre attache près des services de santé pour la visite d’information et de prévention. Le contrat de travail constitue le socle déterminant des relations entre l’employeur et son salarié. Il est surprenant, voire inquiétant, de constater, encore aujourd’hui, que le chef d’entreprise se contente souvent d’un mauvais contrat type, dont le contenu s’avère totalement inadapté et très dangereux. La rédaction soignée, « sur-mesure » des termes de la relation contractuelle, est pourtant déterminante et ce, d’autant plus lorsqu’il s’agit de recourir au contrat à durée déterminée, à temps partiel, ou de rédiger des contrats particuliers comme ceux des « commerciaux », des « cadres » (autonomes, ou « dirigeants» … ).

Quant est-il de l’exécution du contrat du travail ?

Comme dans un mariage, la relation contractuelle cristallise des évènements plus ou moins importants. Le conseil prendra note des temps forts de la vie de la relation. Plusieurs documents sont nécessaires à cette analyse (fiches de paye, convention collective, accords d’entreprise, règlement intérieur, dossier disciplinaire, etc.). Concernant par exemple la fiche de paie, elle représente une photographie d’un temps de travail commandé par l’employeur et exécuté par le salarié. Son étude sur plusieurs mois s’impose. Elle met notamment en évidence les éventuelles périodes d’absence (maladie, périodes de congés payés, périodes de RTT, mise à pied disciplinaire …). Elle permet aussi de vérifier la cohérence des rémunérations afin d’éviter toute rupture d’égalité de traitement.

Abdel Samari

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