GARD Excès d’autorité ou violences ? Les méthodes éducatives de la maîtresse d’école devant la justice
Un procès particulièrement intéressant s’est tenu ce vendredi matin devant le tribunal correctionnel d’Alès. L’ancienne maîtresse et directrice d’une école catholique privée, située au Vigan, était jugée pour des violences sur des enfants mineurs. Des faits qu’elle conteste. Son avocat, lui, a plaidé un changement d’époque.
Après plus de 30 ans d’une carrière irréprochable, la maîtresse, qui était aussi la directrice d’une école du Vigan, a-t-elle commis des violences sur trois enfants mineurs de sa classe ? C’est la question à laquelle répondront les juges le 10 septembre prochain puisque le jugement a été mis en délibéré à cette date.
Les faits se déroulent durant l’année scolaire 2016-2017 dans une classe de CM1-CM2 qui compte une quinzaine d’élèves. Parmi eux, trois jeunes garçons d’une dizaine d’années semblent poser plus de problèmes que les autres. Ce sont eux qui sont aujourd’hui les parties civiles dans ce dossier. Un seul avait fait le déplacement à l’audience ce vendredi matin.
Selon leurs déclarations, confirmées par plusieurs autres élèves de la classe, leur maîtresse leur aurait tiré les oreilles, les aurait poussé au sol ou encore attrapé par le cou… À la barre, sur un ton très posé, l’accusée répond : « Lorsque j’ai mis cet élève au sol, c’était pour calmer ses crises pour ne pas qu’il se fasse mal ou qu’il blesse quelqu’un. Cela fait partie des consignes de l’Éducation nationale », précise-t-elle avant de tendre à la juge, Amandine Abegg, un document qui confirmerait ses dires.
Les juges reprennent un à un les autres épisodes supposés de violence, notamment les oreilles de deux élèves qui auraient été tirées à plusieurs reprises. « Le matin, je leur disais, comme un rituel : "on met la machine en route" en leur tirant les oreilles. Mais c’était un jeu », se défend l’enseignante. Et les propos humiliants lus à l’audience comme « t’es nul, t’arriveras à rien, tu finiras comme un clochard » ? « Parfois j’ai pu dire que leur comportement était nul, mais je n’ai jamais dit à un enfant qu’il était nul », nuance-t-elle. « Pensez-vous que vos réactions étaient adaptées ? », questionne Amandine Abegg. « Dans le moment de l’action, oui. On a très peu de temps pour réfléchir », lui répond la maîtresse.
« On ne doit pas être traités comme des chiens »
Quand sa personnalité est rapidement évoquée par la présidente, il n’y a aucune ombre au tableau : un casier judiciaire vierge et beaucoup de témoignages qui louent ses qualités d’enseignante. L’Atsem qui était régulièrement dans la classe au moment des faits n’a jamais constaté la moindre violence et l’orthophoniste, qui examinait les enfants, indique qu’ils ne se sont jamais plaints et salue les « méthodes éducatives exemplaires » de l’accusée. Ce qui rend cette affaire encore plus délicate, c’est qu’aucune plainte n’a été déposée par les parents et que les enfants eux-mêmes n’ont rien signalé au moment des faits.
Pourtant, cinq ans après, la seule partie civile présente, l’une des trois jeunes victimes présumées, est encore émue au moment de son passage à la barre. Le jeune homme se souvient : « Quand elle me tirait les oreilles, c’était pas un jeu pour moi, ça me faisait mal », avant de lancer : « C’est pas parce qu’on est un peu différent des autres qu’on doit être traités comme des chiens. »
Son avocate, Maître Julie Peladan, résume sa vision de cette longue audience qui a duré près de trois heures : « On vient nous servir un discours très édulcoré : "j’ai tiré les oreilles, mais c’était pour rire". Mais nous avons 15 élèves dans la classe et 13 élèves qui relatent des violences ». Elle demande 5 000€ pour le préjudice moral de son client. Le ministère public ajoute une peine de 8 mois de prison avec sursis et une interdiction pour l’enseignante désormais à la retraite d’exercer une activité professionnelle ou bénévole avec des enfants.
Pour la défense, Maître Anthony Chabert aurait pu bondir, mais il semble résigné. « Je ne suis pas très étonné par ces réquisitions parce que c’est l’époque qui veut ça. On veut que l’ordre revienne et quand on est face à quelqu’un qui a un minimum d’autorité, on tombe dans un jeu victimaire », analyse-t-il avant de conclure : « Lorsqu’il y a un retour à l’ordre, on vient le contester. On dit que c’est inadmissible et on nous réclame 8 mois avec sursis. La nouvelle génération ne supporte plus rien. » Sa cliente, elle, n’a plus travaillé depuis l’affaire. « Je suis en psychanalyse et sous antidépresseur. Je n’imaginais pas finir ma carrière comme ça », dit-elle avant de quitter la salle la tête basse. Le tribunal rendra sa copie le 10 septembre.
Tony Duret
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