FAIT DU SOIR À la ferme des Clos d’Uzès, « On a décidé de voir la nature comme une alliée »
La Confédération paysanne faisait sa rentrée ce mercredi chez deux de ses adhérents, Sophie Mazon et Rémi Balmassière, à la tête depuis deux ans de la ferme des Clos d’Uzès, à Montaren-et-Saint-Médiers. Un exemple de l’agriculture paysanne promue par le syndicat.
C’était un terrain en friche de 7 000 m2. « Mon père y avait fait pousser des asperges, de la luzerne, et avant l’hiver 1956, des oliviers », rejoue Pierre Michel, le président de la société de chasse de Montaren, qui a vendu le terrain à Rémi Balmassière et Sophie Mazon il y a deux ans. Sur ce terrain de sable a priori pas exceptionnel, les deux jeunes agriculteurs ont réussi à concrétiser leur projet de ferme « quelque part entre la permaculture et la biodynamie, avec des principes d’agroforesterie », résume Rémi Balmassière.
Sur ces 7 000 m2 de sable, le couple cultive du maraîchage principalement, avec des haricots, tomates, betteraves, carottes, blettes, navets, courgettes, une quinzaine de variétés en tout, mais aussi des ruches et, plus loin, quelques oliviers et châtaigniers en Cévennes. « Nous sommes une ferme diversifiée qui ne s’appuie pas que sur une seule production », note Sophie Mazon. Du bon vieux bon sens paysan : ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier.
« C’est ce qu’on promeut dans le modèle de l’agriculture paysanne », commente le porte-parole de la Confédération paysanne du Gard, Paul Ferté. Diversifier pour être plus solide face aux risques, sans cesse plus importants, de caprices climatiques qui ruineraient telle ou telle culture. Et, à rebours des discours qu’on entend régulièrement, nos deux jeunes paysans ont « décidé de voir la nature comme une alliée », souligne Sophie Mazon.
Leurs terres sableuses et donc plutôt pauvres ? « J’ai des copains paysagistes qui nous apportent des déchets verts. Je fais du broyat pour en faire du compost. Je fais aussi du compost de fumier de cheval et du compost de paille, car nous avons besoin de matières organiques pour retenir l’eau », développe Rémi Balmassière. « Le sable est un milieu qu’on pense ingrat, mais si on le nourrit fort avec de la matière organique, c’est une Formule 1, avec d’excellents rendements », poursuit-il.
« Remettre de la vie dans les champs »
Et pas d’intrants chimiques. Le couple préfère développer l’agroforesterie, comme certains de leurs collègues en Uzège, c’est-à-dire planter des arbres autour et au sein des cultures pour favoriser la présence d’oiseaux et d’insectes, alliés de l’agriculteur. « Certains oiseaux ont besoin d’arbres tous les 30 mètres. Lorsqu’il n’y en a pas, cette biodiversité est absente pour lutter contre les ravageurs, développe l’agriculteur. L’agroforesterie permet de remettre de la vie dans les champs. »
Et selon lui, pour y parvenir, l’enjeu est de diversifier à nouveau les cultures dans notre département. « Il y a beaucoup trop de vignes dans le Gard et pas assez de maraîchage », estime-t-il. La conséquence de décennies de choix économiques et de filières que Roland Prosper, exploitant agricole de Saint-Quentin-la-Poterie désormais retraité, a constaté : « J’avais une exploitation en polyculture avec des asperges, des cerises, des abricots, des légumes de plein champ et des vignes, et jusqu’à 1995, le chiffre était de 50 % pour les vignes, 50 % pour le reste. Quand j’ai arrêté en 2013, c’était 95 % pour la vigne. »
Un vrai sujet, alors que la tendance est au retour de la consommation maraîchère locale. Un vrai sujet aussi, car il dit quelque chose du partage des campagnes, thème prégnant qui sera développé lors de la 19e fête de la Confédération paysanne le 2 octobre à Garrigues-Sainte-Eulalie. Partage entre chasseurs et randonneurs, mais aussi agriculteurs, riverains… Si à Montaren, le problème ne se pose pas vraiment, c’est loin d’être le cas partout. « Le vivre ensemble est une problématique. D’autant que les mentalités ont évolué pendant le confinement », note la conseillère régionale et viticultrice, Aurélie Génolher.
Notamment sur la question de l’eau, pas facile non plus, et la conciliation d’usages parfois antagonistes. Rémi Balmassière et Sophie Mazon ont la chance d’avoir un forage dans la gigantesque nappe de l’Uzège, mais restent très économes avec un système alimenté par une pompe solaire. Néanmoins, comme tous leurs homologues, ils ont dû cet été demander des dérogations aux services de l’État pour arroser, et la quantité d’eau accordée était bien trop faible. « C’est aberrant, heureusement qu’il a plu », grince l’agriculteur. « Cette démarche est superflue, nous demandons pour les maraîchers le droit à pouvoir utiliser la même quantité moyenne que l’année précédente pour garantir la souveraineté alimentaire du territoire », développe Paul Ferté. Mais c’est une autre histoire : l’eau sera le sujet de la fête de la Conf’ en 2023.
Thierry ALLARD
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