EXPRESSO Témoin d'une "atteinte à la laïcité" à l'école, Léa Boyer interpelle le ministre de l'Éducation
Témoin d'une "atteinte à la laïcité" lors d'une remise des Brevets des collèges dans deux établissements scolaires alésiens le 20 octobre dernier, la conseillère départementale du canton d'Alès 1 a écrit un courrier au ministre de l'Éducation nationale, l'invitant à "prendre les mesures qui s’imposent face à cette montée du communautarisme".
Le mandat de conseiller départemental n'offre pas autant de lumière que celui de maire ou de député, et les occasions de rendre compte publiquement de son action ne sont pas légion. Léa Boyer l'a bien compris. Engagée en faveur du projet de création d'une nouvelle caserne de pompiers sur son canton à Bagard, ainsi que pour le contournement de Saint-Christol-lez-Alès, la jeune conseillère municipale (28 ans) vient de se trouver un nouveau combat : le respect de la laïcité à l'école.
Le 20 octobre dernier, alors qu'elle assistait à la remise des Brevets au collège Denis-Diderot d'Alès, l'ex-candidate LR à la députation sur la 5e circonscription aurait été témoin d'une "atteinte à la laïcité". Au moment de se voir remettre son diplôme, une adolescente, aujourd'hui en Seconde dans un autre établissement de la ville, aurait (volontairement ?) omis de quitter son voile, dont le port est interdit à l'école depuis 2004. Une employée de l'administration aurait alors refusé de remettre le sésame à l'élève concernée. Pour éviter tout mélodrame lors de cette soirée consacrant quatre années de scolarité, le principal du collège a finalement accepté.
Un manque de directives claires
Une scène qui aurait fait jaser dans les couloirs de l'établissement. "J'ai entendu des professeurs râler. Ils venaient juste de faire observer une minute de silence en la mémoire de Samuel Paty assassiné il y a deux ans. Ils se disaient : "On ne peut pas nous demander d'enseigner l'éducation civique en abordant la laïcité et accepter le port du voile lors d'une cérémonie laïque de remise de diplômes", ce n'est pas possible", raconte la conseillère départementale.
Une demi-heure plus tard, sans quitter le quartier des Près-Saint-Jean, celle qui est aussi conseillère municipale de la ville d'Alès file au collège Jean-Moulin pour une deuxième cérémonie de remise des Brevets. "Cette fois, il n'y avait pas une mais cinq jeunes femmes qui portaient le voile", précise Léa Boyer. Une représentante de l'État, laquelle officie à la sous-préfecture d'Alès, se serait elle aussi étonnée de la situation. "Je suis allée voir la principale du collège pour lui demander si c'était normal. Elle m'a avouée qu'elle ne savait pas quoi faire car, si les élèves scolarisées dans son établissement n'ont pas le droit de porter le voile en classe, ces cinq adolescentes ne sont plus à Jean-Moulin et elle ne savait pas si elle avait le droit de leur interdire ou non", développe l'élue alésienne.
Face à ce flou juridique et après avoir passé la soirée à s'interroger, dès le lendemain, la conseillère départementale du canton d'Alès 1 a choisi de prendre la plume pour écrire au ministre de l'Éducation nationale, Pap Ndiaye. "Durant la cérémonie, nous avons été confrontés, le personnel enseignant et moi-même, à plusieurs élèves voilées qui refusaient de retirer leur signe religieux. Devant la sidération des principaux et le manque de directives claires laissant les professeurs dans un grand désarroi face à cette scène, il a été décidé de leur délivrer malgré tout leur diplôme", expose en premier lieu Léa Boyer.
313 signalements en septembre 2022
Et de poursuivre : "Alors que notre pays traverse une crise identitaire importante, à l’heure de l’hommage à Samuel Paty, assassiné il y a deux ans alors qu’il enseignait la laïcité, principe même de l’école laïque française, il est pour ma part aussi inconcevable que dangereux de ne pas donner de réponse à ce type d’acte. Outre la provocation, cela traduit également un manque de discernement criant de la part de ces jeunes pour qui la laïcité reste un concept abstrait, mais démontre aussi une carence évidente d’outils au sein de l’Éducation nationale pour éviter cela."
Biberonnée aux valeurs de la Droite républicaine, la jeune élue conclut : "C’est pourquoi, Monsieur le ministre, je vous demande solennellement par ce courrier de prendre les mesures qui s’imposent face à cette montée du communautarisme qui teste chaque jour un peu plus les limites de nos institutions scolaires et de donner aux enseignants, de la maternelle au lycée, les moyens d’agir." Adressé il y a quinze jours, le courrier est pour l'instant resté lettre morte. "Je pense que j'aurai une réponse", se convainc Léa Boyer.
Et cette dernière de résumer : "Le but, c'est juste d'apporter un peu de clarté pour qu'on nous dise "la règle est comme ceci et vous avez le droit de l'appliquer", tout simplement !" Pour autant, Pap Ndiaye ne semble pas ignorer le sujet. Dans un communiqué publié le jeudi 13 octobre dernier, le ministère de l'Éducation nationale avait annoncé que 313 signalements pour "atteinte à la laïcité" ont été signalés durant le mois de septembre. 54% d'entre eux concernaient le port de signes et de tenues religieux, dont le voile.
Corentin Migoule
Édité : après la publication de notre article, Léa Boyer fait savoir qu'elle s'est entretenue avec la direction du collège. Et souhaite préciser que la principale de l'établissement n'a fait qu'appliquer la règle qui stipule qu’un élève qui n’est plus scolarisé dans le collège peut entrer avec un voile.
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