Publié il y a 1 an - Mise à jour le 21.10.2022 - corentin-corger - 4 min  - vu 11914 fois

FAIT DU JOUR Construction illégale : la préfète passe à l'action et à la démolition

Construit en parpaings, les garages ont été aussi détruits (Photo Corentin Corger)

Ce n'était plus arrivé dans le Gard depuis une dizaine d'années. Ce jeudi matin, une maison construite de manière illicite a été détruite sur la commune de Bernis. Le premier propriétaire des lieux avait été définitivement condamné en décembre 2019 par le tribunal correctionnel de Nîmes pour avoir édifié sans autorisation et en zone naturelle. 

Il y avait du monde mercredi matin chemin du Petit bois au bord de l'autoroute A9 au niveau de la commune de Bernis. Et notamment les forces de l'ordre pour surveiller un chantier particulier. C'est toute une propriété bâtie sans permis de construire et sur une zone naturelle qui a commencé à être détruite : une maison d’habitation en bois sur une dalle de 160 m², une terrasse et un pool house en bois, un double garage de 55 m², une piscine de plus de 10 m² et un portail ainsi qu'une clôture en parpaings de plus de trois mètres de haut sur plus de 100 mètres linéaires. On est donc loin du petit mobil-home mais sur une véritable construction.

Tout commence en 2014 lorsque le propriétaire de ce terrain décide de bâtir une maison sans y être autorisé. Cette parcelle est inscrite en zone naturelle sur le Plan local d'urbanisme (PLU) donc non constructible. "Dès le début des travaux, j'ai convoqué le propriétaire pour l'informer qu'il ne pouvait pas construire. J'ai même pris un arrêté interruptif de travaux", précise Théos Granchi, maire de Bernis depuis 2008. Malgré cette interdiction, le chantier s'est poursuivi. Le premier édile bernissois a également dressé un procès-verbal transmis au procureur de la République.

50 000 € de pénalités de retard à rembourser

Une longue procédure a donc été mise en route. Pour aboutir le 11 décembre 2019 au jugement définitif du tribunal correctionnel de Nîmes qui reconnaît coupable le propriétaire d'avoir édifié sans autorisation et en zone naturelle. Outre une amende, le juge avait ordonné la remise en état des lieux dans un délai de six mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard. L'intéressé n'en a pas tenu compte et aucune démarche de remise en état n'a été menée. De plus, aucune pénalité de retard n'a été payée. En termes judiciaires, on parle d'astreintes financières qui s'élèvent aujourd'hui à plus de 50 000 euros. Et le propriétaire qui a construit le bien devra s'acquitter de cette somme.

Les forces de l'ordre étaient présentes pour cette démolition (Photo Corentin Corger)

Comme rien n'évoluait depuis trois ans, la préfète du Gard, Marie-Françoise Lecaillon, a donc fait le choix d'exécuter d’office la décision de justice mise en place, à savoir la démolition du bien. Au préalable, une procédure d’expulsion a été engagée à l’encontre de tout occupant du bien. Ce dernier était donc vide au moment où les pelleteuses se sont engagées dans le chemin. Si on parle de premier propriétaire condamné c'est que cette construction illégale avait été cédée contre la somme de 50 000 €. L'acheteur croyant faire une affaire à ce tarif sauf qu'il était parfaitement au courant qu'une procédure de la sorte était en cours puisqu'elle est mentionnée dans l'acte notarié.

"Une trentaine de dossiers par an"

Aussi étonnant que cela puisse paraître, un notaire peut entériner la vente d'une maison établie sans permis de construire. Tenu à un devoir d'information, ce professionnel doit stipuler qu'une procédure est en cours et effectuer un signalement. Ce qui a bien été le cas. Présent ce matin sur les lieux et passablement énervé, ce deuxième acquéreur a assisté démuni à la destruction de son logement. Les frais engagés par l’État dans cette déconstruction, qui s'élèvent à plusieurs dizaines de millions d'euros, seront évidemment à la charge du condamné à l'origine de la construction.

Être contraint d'en arriver à une démolition est un fait rare et un recours extrême. "La dernière remonte à une dizaine d'années. On a environ une trentaine de dossiers par an pour des constructions illicites mais 70% se règlent en amont", précise Jean-Emmanuel Bouchut, directeur de la DDTM (Direction départementale des territoires et de la mer) du Gard. Le Gard, de même que ses voisins du pourtour méditerranéen, fait partie des départements les plus concernés par cette problématique de constructions illégales. Contre ce fléau, la préfète du Gard Marie-Françoise Lecaillon souhaite apporter une réponse forte. "C'est un sujet à enjeu. Ce phénomène de cabanisation a pour effet de placer les habitants sur des zones à risque avec des atteintes à l'environnement", tient à rappeler Grégoire Pierre-Dessaux, directeur de cabinet de la préfète du Gard (voir vidéo ci-dessus).

Une préoccupation pour chasser ceux qui ne respectent pas les règles d'urbanisme pour éviter aussi des drames. Car certaines constructions illicites exposent leurs occupants à des risques majeurs (inondations et incendies) tout en faisant peser sur l’environnement des atteintes parfois irréversibles (dégradation des paysages) ou en accentuant un phénomène de mitage des espaces agricoles. Ainsi, la préfecture s'est dotée d'un comité de lutte contre les constructions illégales (Colci) en coordination avec les tribunaux judiciaires de Nîmes et d'Alès afin de mobiliser tous les acteurs sur cette thématique. Le but est d'organiser des actions de sensibilisation, de former les élus et des techniciens des communes sur la détection et les moyens de lutte contre les infractions à l’urbanisme. Car ce phénomène risque de s'accentuer dans les années à venir.

Corentin Corger

Corentin Corger

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