Publié il y a 2 ans -
Mise à jour le 09.05.2022 - marie-meunier - 5 min - vu 335 fois
FAIT DU JOUR Élus, jeunes et étrangers : quelle idée se font-ils de l'Europe ?
Le 9 mai est la journée de l'Europe. On commémore la déclaration de Robert Schuman marquant le début de la construction communautaire. Un peu partout en France, et notamment dans le Gard, sont organisées des manifestations à cette occasion.
Mais concrètement de quelle façon l'Union européenne a-t-elle un impact sur la vie des Gardois ? Qu'attend-on de l'Europe dans ce contexte marqué par le reflux d'une pandémie et les premiers mois d'une guerre ? Nous avons demandé l'avis à d'actuels ou ex-députés européens gardois, d'un maire d'Outre-Manche ou encore d'un Ukrainien installé en France. Témoignages.
Adrian Kovalenko, lycéen originaire d'Ukraine de 17 ans, vivant dans le Gard rhodanien
C'est en 2019 qu'Adrian Kovalenko a posé ses valises à Bagnols-sur-Cèze. Ce jeune Ukrainien de 17 ans est scolarisé au lycée Einstein. Mais depuis le début de la guerre dans son pays d'origine, il se mobilise à son échelle en traduisant des documents en ukrainien ou en français pour aider les réfugiés. Cette solidarité dont il fait preuve s'inscrit dans les valeurs européennes que lui a inculqué sa mère, irlandaise de naissance : "Alors bien sûr l'Europe a une place très importante dans ma vie, d'autant que j'habite en France désormais. J'aime beaucoup ce pays et je compte y rester. Ces valeurs me sont très proches et l'Ukraine entière défend ces valeurs également. J'espère que dans le futur, elle fera partie de cette belle Union européenne."
Et même si aujourd'hui, la guerre sévit encore en Ukraine, "notre pays est devenu libre, grâce à l'aide des autres nations. Dans le futur, je vois une Ukraine libre et en paix. La paix est un sujet très important en Europe. Hier, on célébrait la fin de la Guerre du 8 mai 1945 mais on n'aurait jamais pensé qu'une autre guerre puisse démarrer aux portes de l'Europe."
Billy Drummond, maire de Newbury (Angleterre), ville jumelée avec Bagnols-sur-Cèze
Pendant quelques jours, la municipalité de Bagnols-sur-Cèze a reçu des délégations de ses six villes jumelles. Billy Drummond, le maire de Newbury, est venu en personne pour la première fois dans le Gard rhodanien. Malgré la sortie de l'Angleterre de l'Union européenne, il veut conserver le lien : "J’ai été très déçu quand la Grande-Bretagne est partie de l’Union européenne, c’est très triste. Triste pour mes enfants qui ne peuvent pas voyager, pas passer la frontière librement."
Pour lui, le jumelage est un bon moyen de passer au-dessus de cette décision politique : "On doit garder l’union, les associations s'entendent bien." L'édile anglais regrette ce Brexit qui a compliqué les voyages : "Voyager est très difficile, l’acquisition du passeport a été un vrai problème. On ne peut pas rester librement. Des amis voulaient rester en France mais ont été surpris car ils n’ont pas pu rester plus de 90 jours. Dans le futur, j’espère re-rentrer dans l’UE. Ce ne sera certainement pas dans les même conditions mais bon..."
L'Europe, c'est aussi une union qui fonctionne avec des institutions, notamment le Parlement. Le seul Gardois à y être élu actuellement, c'est Gilbert Collard. Aux yeux de cet avocat de métier, la structure européenne prédomine trop : "Tout s’inscrit dans un schéma internationaliste, commercial, où les intérêts des régions et des nations comptent peu par rapport à la globalité européenne. C’est pour ça que le parlement est en train de se rebiffer un peu en demandant notamment d’avoir le droit d’initiative. On est un parlement qui ne peut même pas avoir l’initiative des lois ! Ce parlement sert à donner l’impression que la démocratie existe, voilà", tonne Gilbert Collard. Il embraye : "Au parlement européen, tout est décidé technocratiquement en amont par des cabinets, c’est une tartufferie démocratique. Le parlement n’est pas un contrepouvoir à l’Union européenne. On vote des résolutions à tour de bras, on fait des propositions, mais elles partent dans les structures."
Sans pour autant se qualifier "antieuropéen", Gilbert Collard ne veut juste pas de "cette Europe des marchands d’affaires, des actionnaires, des lobbys". Sans filtre, il déplore une Europe qui "s’occupe du débit des pissotières, de la dimension des fauteuils des tracteurs, de la forme des bananes, de l’obligation pour les marchands de poissons de mettre les noms des poissons en latin." Et concernant la guerre en Ukraine, il considère que "l’Europe aurait dû la régler à l’ancienne, par la voie diplomatique, ce qui n’enlève rien au caractère condamnable de l’attaque. Mais on entretient cette guerre alors qu’on a une diplomatie qui autrefois l’aurait réglée. Mais l’Amérique veut installer une guerre en Europe, elle en a besoin, et comme l’Union européenne n’est qu’une dépendance de l’administration américaine…»
Franck Proust, ancien député européen (PPE - LR) de 2011 à 2019
Franck Proust, actuel président de Nîmes métropole et ancien député européen, a une toute autre vision de l'Europe. Vision renforcée par la crise sanitaire : "On voit très bien que quand on est en situation de crise, on est plus fort à 26 que seul. Sur la commande des masques, des vaccins, sur une situation financière à la relance, s’il n’y avait pas eu l’Europe, on aurait été dans une situation catastrophique."
Pour lui, il ne faut pas "moins mais plus d'Europe" aujourd'hui et avec plusieurs axes prioritaires : "L'autonomie en sécurité-défense, alimentaire et énergétique. Il faut regarder au niveau de la Politique agricole commune (Pac) comment préserver nos espaces, développer nos filières et préserver notre autonomie. Idem sur l’autonomie énergétique. On doit pouvoir faire des commandes communes pour une tarification spécifique. On doit développer des budgets d’innovation, de recherche, on ne peut pas réindustriliser la France sans fixer des caps européens. Je ne suis pas sûr qu’on réussisse avec l’Europe, mais j’ai la certitude que sans Europe on ne peut pas réussir."
Pour autant, plus d'Europe ne veut pas dire moins de France aux yeux de Franck Proust : "Je ne suis pas pour une Europe fédérale, parce qu’on n’a pas la même culture, la même histoire, le même passé, mais on doit mutualiser nos énergies pour être plus forts à 26 que si on était seul. Sur des domaines comme la maîtrise des flux migratoires, l’économie et la réindustrialisation, sur l’autonomie énergétique, sécuritaire et alimentaire, seule la dimension européenne peut être un véritable atout."
Pour lui, il faut arrêter de caricaturer l'Europe, pourtant bien présente dans notre quotidien : "Regardez le roaming, les normes européennes qui permettent à nos entreprises françaises d’exporter partout. Évidemment, l’Europe est loin d’être parfaite, il faut corriger une certaine vision technocratique. Comment aujourd’hui on pourrait ne pas être européen ? Aujourd’hui, très peu prônent le Frexit. L’euro est une valeur sûre pour nos entreprises, une condition de stabilité."