Publié il y a 1 an - Mise à jour le 11.11.2022 - marie-meunier - 6 min  - vu 1204 fois

FAIT DU JOUR Exercice Rubicon : 500 militaires s'entraînent aux conflits de haute intensité

Lors de l'exercice Rubicon (Photo : 1er REG) - DRPLE

Le mardi après-midi, les militaires se sont entraînés au combat en localité au sein de la ville de Laudun-l'Ardoise. Des échanges de tirs (avec des balles à blanc) ont été effectués au sein de la ville. (Marie Meunier / Objectif Gard)

Cette semaine, un exercice militaire de haute intensité, dénommé Rubicon, se déroule autour de Laudun-l'Ardoise. Piloté par le 1er REG (Régiment étranger de génie), il rassemble 500 militaires de différentes unités et va leur permettre de s'entraîner et d'être prêts si demain, la France doit s'engager en Europe ou au Moyen-Orient. Objectif Gard a suivi les différentes étapes de Rubicon et vous propose de les découvrir jour par jour en ce 11 novembre. Une date importante pour le chef de corps, le colonel François Perrier, qui veut réaffirmer l'esprit de défense et montrer à la population que les militaires se préparent pour eux, pour les protéger. 

Dimanche 6 novembre : le back-brief pour planifier la mission

Il est un peu plus de 18h, la nuit est tombée sur le site de Lascours, quand le back brief prend fin. Il s'agit d'une étape cruciale avant toute mission. "C'est le moment où les chefs se coordonnent, vérifient que la mission soit bien comprise et que rien n'a été oublié", glisse le chef de corps du 1er REG (Régiment étranger de génie), le colonel Perrier. Le scénario imaginé dans le cadre de l'exercice prévoit de faire franchir le Rhône aux militaires et aux engins pour gagner du terrain sur l'ennemi. Il faut donc trouver des moyens ingénieux pour traverser le fleuve sans emprunter les ponts existants et sans se faire repérer. Un itinéraire va être tracé jusqu'à l'île de la Piboulette, via un pont flottant mobile (PFM).

Avant de débuter la mission, les officiers se sont tous réunis pour le back brief, autour de la "caisse à sable". La zone de conflit est recréée : une bâche représente le Rhône, les graviers les habitations... (Marie Meunier / Objectif Gard)

Pendant le brief, chaque chef d'unité restitue au chef du bureau opération instruction (BOI), comment lui et ses hommes comptent exécuter la mission et formule aussi des demandes de moyens que l'État-Major autorise ou pas. Cette répétition générale s'achève par une phase de jeu. Parfois un carnet de notes en main, les officiers sont debout autour de la caisse à sable, délimitée au sol. Dans cet espace ont été recréés les lieux de la mission, qui se déroulera entre Laudun-l'Ardoise et Caderousse (Vaucluse) : une bâche bleue représente le Rhône, les gravillons les zones urbanisées, les fils de couleur les routes, les flèches les ponts...

Les officiers prennent des notes pour bien se coordonner ensuite pendant la mission. (Marie Meunier / Objectif Gard)

C'est aussi à ce moment-là que se décident les derniers ajustements tactiques. Le colonel explique : "On cherche à travailler en coordination. Chacun doit comprendre ce que l'autre fait autour de lui et que tout soit fluide. C'est déjà assez complexe comme cela, avec la présence d'ennemis, les éventuelles pannes de véhicules ou de matériel. Tout grain de sable dans la manoeuvre peut gripper le dispositif." Cette phase de planification se base sur des données de terrain. La stratégie doit aussi prendre en compte la météo, le débit du Rhône et prévoir d'autres difficultés comme une attaque de l'ennemi au moment de la traversée ou si l'un de leurs drones survolent la zone. C'est ce qu'on appelle dans le jargon, les cas non-conformes, et chacun doit avoir été réfléchi en amont pour savoir quoi faire si ça se produit.

Le colonel François Perrier est le chef de corps du 1er REG. (Marie Meunier / Objectif Gard)

L'une des plus-values de l'exercice Rubicon, c'est qu'il simule un conflit avec un ennemi qui serait à un niveau technologique équivalent. C'est pourquoi l'Armée a utilisé la déception pour tromper l'adversaire. L'idée était de lui faire croire que la traversée a lieu entre Pont-Saint-Esprit et Saint-Étienne-des-Sorts à travers l'information des mairies, les réseaux sociaux ou la presse. Et ainsi de l'attirer au mauvais endroit pour permettre aux hommes de gagner du terrain sans être assaillis. Cet entraînement vraiment complet est organisé aussi en vu du prochain grand exercice militaire national intitulé Orion, qui se tiendra au printemps prochain, dans lequel le 1er REG sera engagé dans la moitié des séquences.

Le commandant Lucian, adjoint au Bureau opérations et instructions (BOI) se trouve au PC (poste de commandement). C'est là où les officiers de l'État-Major planifient les opérations. Il peut communiquer avec les différentes compagnies déployées grâce à des radios cryptées. (Marie Meunier / Objectif Gard)

Lundi 7 novembre : la traversée du Rhône pour conquérir le terrain ennemi

Le pont flottant mobile (PFM) approche la berge amie. Il va servir à faire franchir le fleuve à plusieurs engins blindés. (Marie Meunier / Objectif Gard)

Lors de l'exercice Rubicon (Photo : 1er REG) • DRPLE

Entre le début d'après-midi de lundi et le milieu de la nuit, une cinquantaine de véhicules et une centaine d'hommes ont traversé le Rhône à bord d'un pont flottant mobile (PFM). Il s'agit d'un module équipé de deux rampes. Celui qui a été utilisé pour cette séquence de franchissement tactique a été mis à disposition à le 6e Régiment de génie et a donc été transporté depuis Angers. Il a permis aux militaires de simuler une tentative de reprise de terrain sur l'ennemi. Sur cette grande barque montent deux à trois engins blindés notamment un Griffon qui à lui tout seul pèse près de 25 tonnes. Et ensuite, il faut arriver à les débarquer sur les berges le plus vite possible. Un exercice pas toujours évident entre la vase, la pente raide ou encore des ennemis en approche.

Au moment où le PFM arrive sur la berge de l'île de la Piboulette, une présence ennemie est détectée. (Marie Meunier / Objectif Gard)

Une fois débarqués, les troupes et les véhicules se placent "pour avoir une vue à 360 degrés. Les hommes sont postés de partout en sécurisation", indique le capitaine R., qui commande la 1re compagnie de combat. Avant la traversée, une soixantaine d'hommes de la 4e cie du 1er REG a déjà traversé le Rhône pour prendre la "tête de pont", c'est-à-dire le point où l'armée accoste et prend possession du territoire adverse. Tous sont restés mobilisés pendant la nuit et continueront à l'être demain pour mimer un conflit de haute intensité.

Une fois l'incident résolu, les véhicules peuvent débarquer grâce à une pente aménagée par la 2e compagnie du 1er REG. Il faut savoir qu'un Griffon pèse 25 tonnes. Pas facile de le faire grimper sur la berge escarpée. Il a fallu utiliser un câble pour aider l'engin à monter. Le but étant de le faire le plus vite possible. (Marie Meunier / Objectif Gard)

Mardi 8 novembre : combat en localité pour "sauver" la ville de Laudun-l'Ardoise

Des échanges de tirs sont simulés dans Laudun-l'Ardoise. (Marie Meunier / Objectif Gard)

Des bruits de coups de feu retentissent dans la ville de Laudun-l'Ardoise. Les légionnaires s'entraînent au combat en localité. "C'est le plus difficile et le plus dangereux car il faut évoluer dans une zone urbaine. Une grande attention doit être portée sur la population", indique le colonel François Perrier. C'est typiquement le cas de figure qui peut se voir actuellement en Ukraine. Les hommes se sont aussi entraînés aux risques NRBC (nucléaires, radiologiques, biologiques, chimiques) : "En France, on n'a pas de munitions chimiques. Mais l'ennemi peut avoir une artillerie potentiellement chimique. On s'entraîne à réagir et à décontaminer une troupe touchée", ajoute le chef de corps du 1er REG.

Selon le colonel Perrier, le combat en localité est l'un des exercices les plus compliqués car il faut faire attention à ne pas toucher de civils. (Marie Meunier / Objectif Gard)

Pour tout légionnaire, il est impensable d'être déployé en opération "en se disant si j'avais su. Il faut être prêt, il y a un véritable culte de l'entraînement". Les hommes en treillis ont donc fictivement défendu la commune. Des échanges de tirs (avec des balles à blanc) sont survenus sur la butte en herbe au sommet de la rue Jean-Mermoz. Des fumigènes roses sont activés obstruant la visibilité et rendant l'exercice plus complexe. Toute la population a été prévenue de l'exercice qui se déroule en conditions réelles. Le 1er REG a demandé à chaque habitant de ne pas changer ses habitudes.

Des fumigènes ont été activés pour réduire la visibilité. (Marie Meunier / Objectif Gard)

Le matin, une autre séquence a été organisée avec l'hélicoptère. Il s'agissait d'intervenir sur un point-clé ennemi. (photo 1er REG)

Le matin, un autre entraînement a été effectué avec un hélicoptère sur le camp de César. "La mission était d'intervenir en milieu dangereux. Une équipe a dû fouiller la chapelle et récupérer le maximum de matériel ennemi en un temps donné pendant que d'autres hommes sécurisaient le périmètre", déroule le colonel Perrier.

La population a été avertie de cet exercice en conditions réelles. Il a été demandé aux habitants de ne pas changer leurs habitudes. (Marie Meunier / Objectif Gard)

Mercredi 9 novembre : il faut rétablir le port de l'Ardoise

Les plongeurs ont simulé le dégagement de l'accès fluvial (Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

Pour ce troisième jour d'exercice, sous une pluie aussi continue que battante, les militaires ont réalisé un exercice inédit de remise en état de fonctionnement d'un port. Inédit, même si le 1er REG a participé à la remise en route de celui de Beyrouth après l'accident industriel d'août 2020, et se tient prêt le jour où il faudra en faire de même avec celui de Marioupol, en Ukraine, détruit par les frappes russes.

Lors du déblaiement du port (Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

L'ancien site sidérurgique servait de théâtre à la base logistique du port, et un embarcadère de la CNR, quelques centaines de mètres plus loin, de port à proprement parler. Sur le premier site, il s'agissait, pour les militaires, de sécuriser les infrastructures, c'est-à-dire les déminer, de reconnaître le terrain, de dépolluer l'ensemble du site, de dégager les accès routiers et fluviaux, de déblayer la zone, de renforcer le quai, et enfin de simuler le rétablissement d'une activité sommaire.

En pleine opération de déminage du port (Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

De nombreuses compétences entraient en jeu : du déminage, de la décontamination, du génie ou encore de l'artillerie, avec notamment un missile et des canons disposés à proximité du fleuve pour protéger la zone. D'autres moyens, auxquels on ne pense pas toujours, étaient aussi mobilisés, comme une unité de traitement de l'eau, permettant de potabiliser l'eau du Rhône. Un exercice compliqué par une météo difficile, notamment pour les plongeurs qui, à l'aide de parachutes flottants, ont simulé l'extraction d'obstacles dans le lit du fleuve toute la journée.

Jeudi 10 novembre : évacuer les ressortissants

Cette dernière phase s'inscrit dans "le post-guerre", selon les termes du chef de corps. Il s'agit de simuler l'évacuation de ressortissants d'une zone de guerre, joués en partie par les jeunes de la classe défense du lycée Sainte-Marie de Bagnols. Une partie moins spectaculaire, mais tout aussi importante en cas de conflit, qui vient conclure un exercice voulu complet car, comme le rappelle le colonel Perrier, "l'armée française doit être prête à répondre à toute sollicitation dans un court préavis." 

Marie Meunier et Thierry Allard

Marie Meunier

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