FAIT DU JOUR La synagogue de Nîmes sait vivre avec son temps (1/2)
La synagogue de Nîmes a plus de deux siècles d'existence. Méconnue, elle interroge les Nîmois qui n'y ont jamais mis les pieds. Franck Saadoun nous fait visiter les lieux et nous explique la vie de la communauté juive au XXIe siècle à Nîmes.
La synagogue de Nîmes est la propriété de la municipalité. Elle y héberge la communauté juive, par le biais d'un bail emphytéotique. L'édifice est classé et visité lors des journées du patrimoine. Avec 450 familles soit environ 1 300 personnes la communauté juive du Gard se porte bien.
Franck Saadoun est le secrétaire adjoint de l'Association cultuelle, israélite de Nîmes et du Gard (ACING). C'est lui qui nous servira de guide. "Cette synagogue est construite sur le modèle très particulier des synagogues du comtat Venaissin car les deux principaux bâtisseurs étaient de Carpentras. Nîmes, du XIIIe siècle jusqu'à la Révolution, était une ville des juifs du pape. Ici, rue Roussy, la synagogue a été bâti sur un édifice déjà existant et dont il reste quelques traces comme certaines poutres marquée d'une date antérieure à la création de la synagogue."
Les portes et vitraux de la façade haute et étroite sont déjà un appel au judaïsme. Les formes des tables de la loi sont clairement rappelées. Commençons la visite par le hall d'entrée. La plaque rappelant les enfants juifs de Nîmes et du Gard déportés entre 1942 et 1944. "Avant, cette plaque était dans le hall de la gare de Nîmes mais nous avons trouvé 11 nouveaux noms que l'on voulait rajouter. Le grand rabbin de France viendra l'inaugurer bientôt." Une éternité que le grand rabbin de France n'est pas venu à Nîmes et pour la communauté ce moment sera primordial.
Continuons la visite. Sur la droite du rez-de-chaussée, une salle où le rabbin habitait à l'époque. "Disons que toutes les synagogues du comtat Venaissin sont construites de la même manière, les salles d'études, d'apprentissage et le logement du rabbin sont en bas et la salle de prière est à l'étage." Rappelons qu'une synagogue n'est aucune un lieu fermé. "Synagogue, en hébreu bet knesset, maison de l’assemblée, signifie simplement "dix hommes qui prient", en effet, la prière ne peut être agréée que par un quorum de dix hommes âgés minimum de 13 ans. C'est devenu la maison où l'on vient prier, où l'on se rassemble. C'est surtout un lieu d'études."
Dans les années 1980 et alors que l'intérieur des pièces du rez-de-chaussée sont réaménagées, la communauté fait une belle découverte. Une redécouverte en réalité. "Dans ce qui est devenu le bureau, nous avons retrouvé le four à matsot (NDLR, pain azyme) qui était muré ! Il est grand et il devait servir au-delà de Nîmes... Nous avons renommé cette salle du nom de Jacques Studniberg(1902-1978), un Polonais qui avait survécu à Auschwitz, qui habitait là et qui a occupé 45 années durant, la fonction de shamash."
Au rez-de-chaussée, il y a aussi la salle d'apprentissage Talmud-Torah, la salle Élie-Stopper. "C'était un président émérite et un bâtisseur pour la communauté. Dans cette salle, les garçons sont formés jusqu'à l'âge de 13 ans à l'hébreu, la liturgie, à la torah, à l'histoire et à la manière dont on prie." Même si un mikvé (bain rituel) médiéval a été retrouvé, la communauté féminine mérite tout de même d'autres égards.
Ce mikvé est devenu un lieur de rangement mais, parce qu'il y a un mais, la synagogue en a créé un spacieux, clair et moderne. "Pour les femmes, le mikvé est une obligation, pour les hommes c'est facultatif. Une fois leur cycle menstruel fini, elles viennent se purifier en s'immergeant complètement à sept reprises. C'est pour cela que le mikvé est étroit mais profond ! Ce bain est très ritualisé, il amène vers la purification spirituelle."
Forcément au rez-de-chaussée toujours, le jardin. Une cour fermée, abrité par de grands murs. "Vous avez remarqué ? On dirait le Mur des lamentations ! Nous allons essayé de l'éclairer et le valoriser. En fait c'est tout l'extérieur que nous valorisons car depuis que nous avons créé notre site Internet des Parisiens, entre autres, nous sollicitent pour venir faire des cérémonies ici. Dans ce jardin il y a la place de faire de belles réceptions religieuses, car il y a un comptoir et des équipements. Tout sera prêt au printemps."
Passons à l'étage et à la salle de prière. Boisée, ancienne, chaleureuse, lumineuse. Les hommes sont assis en bas, les femmes en haut. Dans la religion juive, l'homme qui vient prier ne doit pas regarder de femme, il ne doit pas se distraire car la femme est entre lui est Dieu. Ne pas avoir un œil sur les femmes mais avoir un œil sur l'extérieur. En effet, la porte d’entrée est surveillée attentivement.
Encore une fois, l'architecture diffère des autres synagogues de France et de Navarre. La téva, la table où reposent les rouleaux de la torah quand le rabbin les lit, ou quand il conduit l’office, est ici situé dans le fond de la pièce rectangulaire. Ailleurs, elle peut être au centre. Quand le rabbin lit les textes sacrés, il tourne donc le dos à l'assemblée. "Ici, dans cette salle, tout est d'origine." L'aron kodesh, le meuble qui renferme la torah, est paré d'un ornement en velours pourpre, comme la téva. Lors des fêtes de Pessah, ces linges seront changés pour d'autres bien blancs.
Dans un aron kodesh il faut au moins trois rouleaux de la Torah. "Nous en avons six mais attention, un rouleau coûte 25 000 euros car tout est fait à la main et écrit à la main. En fait, il y a un vrai cahier des charges et nos rouleaux sont fabriqués comme ceux du temps de Moïse. Si on s'aperçoit d’une erreur ou d'une lettre qui s'efface, on fait appel à un enfant dont l’acuité visuelle est meilleure. S'il constate la même erreur, le rouleau est alors considéré comme "non casher", on ne peut plus s'en servir et on doit soit faire réparer la faute par un scribe habilité, soit acheter un nouveau rouleau de la torah (NDLR sefer Torah)."
L’architecture d’une synagogue, notamment celle de Nîmes, doit être effectuée de telle sorte que les fidèles qui y prient, soient toujours orientés à l’Est, c’est-à-dire vers Jérusalem et ce, en mémoire du grand temple de Jérusalem, qui renfermait la torah écrite par Moïse et les tables de la loi où sont gravés les 10 commandements. Ce temple fut incendié et détruit par l’armée romaine en 70 de notre ère.
Autre particularité de la synagogue de Nîmes, la présence, perchée dans les hauteurs de la salle de prière, d'une chaise, petite. Elle peut servir lors des circoncisions mais c'est surtout la chaise d'Élie, le prophète. "C'est spécifique au comtat. Seules trois ou quatre synagogues en sont dotées." Nous sommes dans une salle de prière à parler ornement et prophète mais une prière nécessite-t-elle des accessoires ? "Pour les femmes, aucun. Pour les homme, il y a la kippa, le tephillin mais aussi la talit, le châle de prière bordé de tsitsit. Avec lui, on porte les 613 commandements de la torah."
Sortons de la salle de prière pour entrer dans celle qui a pris le nom d'Aimé-Tordjman, un ministre officiant. "Ici, il y a d'anciens rouleaux de la torah qui ne sont plus casher et portant le sceau du pape. Nous avions aussi des vieux livres du Moyen-Âge portant le sceau du pape, mais ils sont à présent conservés par la bibliothèque de Nîmes car ces livres nécessitent des conditions de conservation que nous ne pouvions pas encore réunir. Mais nous y travaillons."
Chose assez rigolote, dans cette salle qui sert de salle de convivialité, de partage, il y a un baby-foot quasi collé à l'honorable bibliothèque. "Dans les années 1990, ce baby a ramené pas mal de jeunes à la synagogue ! Le rabbin était alors obligé de les tirer un à un par les oreilles pour les faire passer de cette salle à la salle de prière..."
Le 17 mars prochain aura lieu la fête dite de Pourim, (Livre d’Esther) puis, le 16 avril, le temps de Pessa'h.(Livre de l’Exode, sortie d’Egypte). La synagogue de Nîmes, c'est par là !
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