FAIT DU JOUR Le service de soins infirmiers à domicile d'Anduze manque d'aides-soignants pour ses patients
Dix patients dépendants de Lasalle et Soudorgues ont appris, du jour au lendemain, que le service de soins infirmiers à domicile (SSIAD) de la fondation Rollin, à Anduze, ne serait plus en mesure d'assurer la teneur des prescriptions médicales, faute de personnel. Une situation inacceptable pour les familles des patients handicapés, bien que la fondation Rollin se soit démenée pour assurer la continuité du service. Au-delà des urgences d'hôpitaux, cela illustre la crise profonde que traverse le système de santé dans son ensemble.
"On l'a appris par un coup de téléphone." À Soudorgues, Corinne Arbousset est démunie pour son père de bientôt 91 ans "pris en charge pour un handicap, des problèmes de compréhension et qui ne peut plus sa laver et se lever. Il a donc une prescription médicale pour le passage d'un aide-soignant, matin et soir." Sauf que mardi 9 août, le fonctionnement s'est grippé : "La direction de la fondation Rollin appelle et dit que l'aide-soignante viendra le lendemain pour la toilette mais ne pourra plus venir ensuite." Même son de cloche à Colognac, pour la mère de Michel Fouant, âgée de 104 ans et qui est alitée. "Le SSIAD m'a planté en un jour et demi. Il a fallu se débrouiller à trouver une aide-soignante." "Je ne comprends pas cette froideur et cette rapidité, commente pour sa part Béatrice Cerret, une Lasalloise dont le père, Robert Remezy, est patient du SSIAD. Le 9, ils ont appelé, le 11 c'était fini. Le SSIAD m'a dit que la situation n'était pas nouvelle mais ils n'en avaient parlé à personne."
"Un manque de personnel récurrent"
"La directrice nous a dit que c'est la faute à un manque de personnel récurrent, poursuit Corinne Arbousset, qu'elle souhaitait que les tournées reprennent mais qu'elle ne savait pas quand ce serait possible." Directrice de la fondation Rollin, Perrine Seguin confirme : "Nous connaissons une pénurie d'infirmiers. Nous sommes dans la même situation que beaucoup de services, comme des cliniques qui ferment, des services d'urgence aussi et des SSIAD qui réduisent leurs tournées. Tout comme il y a un sous-effectif d'infirmiers en Ehpad (établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, NDLR)." Perrine Seguin fait remonter la situation à "un an, ça fait bien un an que ça s'est tendu et qu'on essaie de recruter. Et puis, de façon brutale, une professionnelle est tombée en maladie et un autre est retournée dans le Nord pour suivre son mari." Deux défections qui ont donc remis en cause le fragile équilibre des tournées.
"Un mélange de précipitation et de dédain"
Pour Marc Lambert, cette fin de service "que j'ai apprise le jour même, à 2h de l'après-midi" remet en cause toute sa vie actuelle. Atteint d'une sclérose en plaques dont les symptômes se sont accélérés récemment, l'homme de 66 ans est marié à une personne qui travaille à l'étranger et vit sur son lit médicalisé. Des systèmes de poulie lui permettent de se redresser pour passer au fauteuil roulant. "Je vois, dans l'annonce qui nous a été faite, un mélange de précipitation et de dédain, avance l'ancien chef d'entreprise. Le dédain, parce qu'on se fout de nous. Et la précipitation est sans doute liée à un problème de management. Il y a eu un turn-over très important du personnel, qui est peut-être révélateur de la gestion."
"On se donne à 300 % ! Mais les vrais effets de la crise Covid arrivent maintenant"
Perrine Seguin s'en défend, elle qui a encore connu une réunion sur la question à la maison de santé pluri-professionnelle le 12 août. "Depuis la crise sanitaire, on se donne à 300 % ! Mais les vrais effets de la crise Covid arrivent maintenant. À la base, je suis moi-même infirmière, donc vous pensez bien que cette situation ne me satisfait pas. La première chose que j'ai faite, c'est d'appeler la coordinatrice de la maison de santé pluri-professionnelle de Lasalle", maison qui abrite un cabinet d'infirmiers libéraux, quand il ne reste plus qu'un médecin au village. "Ils m'ont dit qu'ils n'avaient personne de disponible, poursuit Perrine Seguin. On a ensuite appelé les familles, les unes après les autres. On a également contacté le SSIAD Pie de mar de Saint-Hippolyte-du-Fort, échangé avec la coordinatrice de l'association Présence 30, puis envoyé un mail à la délégation du Gard et un autre à l'agence régionale de santé (ARS)." Pour un résultat mitigé, les infirmiers libéraux, par exemple, ne pratiquant pas les soins d'hygiène. Mais le SSIAD cigalois a pu prendre en charge trois patients.
Pour les autres, "comment fait-on ?, s'interroge Perrine Seguin. Qu'est-ce qu'on fait, nous, sur le terrain ?", a notamment demandé la directrice à l'ARS alors que, d'après elle, "beaucoup de SSIAD sont en train de réduire leur tournée". Provisoirement et dans l'urgence, "j'ai demandé si on m'autorisait d'embaucher des aides-soignants non professionnels. L'ARS m'a dit qu'elle ferait remonter."
"Mon père a toujours dit qu'il ne voulait pas mourir en maison de retraite"
Dans l'urgence et l'attente, Perrine Seguin confirme aussi avoir proposé à certains un accueil en Ehpad, à Anduze. "Mon père a toujours dit qu'il ne voulait pas mourir en maison de retraite", refuse Corinne Arbousset, qui a pu trouver temporairement, et par le hasard des connaissances, "une aide-soignante libérale de Lasalle, qui vient matin et soir. J'étais déjà la deuxième à appeler. Mais ça ne coûte pas la même chose !" Seule la moitié est prise en charge par la Sécurité sociale, quand c'est la totalité avec le SSIAD. "La solution a été de faire venir Présence 30 le matin et une indépendante de Lasalle, explique Michel Fouant à Colognac. Mais ma mère a une petite retraite. Même avec toutes les aides, c'est très compliqué. Heureusement, ce matin (vendredi, NDLR), le SSIAD de Saint-Hippolyte-du-Fort nous a appelés mais ils ne pourront passer que le matin et pas les week-ends. La situation s'éclaircit un peu."
Marc Lambert a fait de même. "Pour quelqu'un comme moi, de grabataire avec un système de poulies pour atteindre le fauteuil, la seule alternative serait l'Ehpad. Ce n'est pas adapté pour moi, je n'ai que 66 ans et je ne crois pas qu'ils aient les équipements nécessaires à ma pathologie." Il prend sur ses deniers pour rétribuer une aide-soignante, lui qui a besoin de toilette et d'une piqûre d'antibiotique quotidienne. "Je pense aux gens sans revenus qui ont, comme moi, deux ou trois passages par jour et pas les sous. On paie le fait d'être trop loin", suppose Marc Lambert, tout comme Corinne Arbousset. Béatrice Cerret a, elle aussi, fait comme elle a pu dans l'urgence. "Présence 30 peut venir faire la toilette le matin. C'est 28 € par jour, et 14 € une fois déduit le crédit d'impôt. Et puis, mon père relève de l'accompagnement Sécurité sociale, pas de l'Allocation personnalisée autonomie. Financièrement, dans la situation actuelle, ils ne pourront tenir qu'un à deux mois : avec les majorations du week-end, c'est un coup de 500 € par mois !"
"On ne favorise pas Anduze"
La distance d'avec la fondation Rollin comme motif d'abandon du service, Perrine Seguin dément avec véhémence cet argument : "Sur Anduze, au moment de la fin des prises en charge, certaines n'ont pas pu être renouvelées. On ne favorise pas Anduze, nous n'avons plus que deux tournées au lieu de trois dans la commune. Mais quand j'ai une personne qui vient travailler de Saint-Julien-les-Rosiers, je ne peux pas lui demander tous les jours d'aller à Soudorgues, de rentrer chez elle, puis de revenir en fin de journée. Elle va s'épuiser !" D'autant plus que - et malgré les hausses de revenus que tient à souligner Perrine Seguin, postérieures au Ségur de la santé (*) - le salaire d'aide-soignant, souvent à temps partiel, n'autorise pas vraiment d'extras, et l'inflation actuelle n'arrange rien.
"Le Gouvernement dit vouloir aider les personnes à rester chez elles mais n'en donne pas les moyens", constate Corinne Arbousset. Quand Perrine Seguin s'interroge, en matière de ressources humaines : "Le tout domicile, a-t-on encore les moyens de le faire ?" Pour Corinne Arbousset, supprimer l'idée du maintien à domicile serait une aberration économique, en plus de ne pas être désirée par les personnes dépendantes. "Ça coûte de toute façon moins cher de laisser un patient chez lui que de le mettre en Ehpad." Des établissements dans lesquels, parallèlement, les bras viennent aussi à manquer...
François Desmeures
francois.desmeures@objectifgard.com
(*) "238 € brut pour un temps plein, 70 € pour le personnel qui s'occupe du grand âge et 19 € brut dans le Ségur 2", rappelle Perrine Seguin.
Contactée vendredi pour un complément d'information, l'Agence régionale de santé n'avait pas encore donné suite dimanche soir à notre demande d'entretien.
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