Publié il y a 1 an - Mise à jour le 04.11.2022 - norman-jardin - 10 min  - vu 14069 fois

FAIT DU SOIR Jean-Louis Gazeau : « Je regrette de leur avoir vendu le club »

Jean-Louis Gazeau est devenu président de Nîmes Olympique en 2002 (photo Norman Jardin)

Jean-Louis Gazeau (à gauche) regrette aujourd'hui d'avoir vendu Nîmes Olympique à Jean-Marc Conrad et ses associés [Photo via MaxPPP] • © AZRIA JEAN CLAUDE / WORLDPICT
Le 4 novembre 2002, alors que le stade des Costières accueille le match caritatif pour les sinistrés des inondation opposant France 98 et l'OM, Michel Coencas, président de la SASP (Société anonyme de sport professionnel, NDLR) Nîmes Olympique depuis le 31 octobre 2001, décide de céder sa participation majoritaire du capital social et de mettre fin à ses fonctions de président.

Après une année de gestion chaotique, pour 450 000€ il laisse sa place à Jean-Louis Gazeau, un ancien hôtelier bien connu à Nîmes. Ce dernier pense s’installer pour quelques mois, mais il restera à la tête du club pendant douze ans. Vingt ans après sa prise de pouvoir, et pour la première fois depuis son départ, il a accepté de revenir sur cette décennie faite de joies mais aussi de beaucoup de problèmes. Avec l’ancien homme fort des Crocodiles, nous évoquons son bilan, le passé de Nîmes et son présent. Un entretien où il est beaucoup question d’humain et de passion.

Objectif Gard : Que représentait Nîmes Olympique pour vous avant que vous en deveniez le président ?

Jean-Louis Gazeau : C’était devenu mon club car quand je suis arrivé en 1971 à Nîmes, j’avais l’hôtel  Michel qui était situé en face le Bar de l’industrie où était le siège du club. Au fil du temps nous accueillions les nouveaux joueurs et les sports-études du lycée Daudet venaient coucher dans notre hôtel les week-ends.

Comment votre collaboration avec le club a-t-elle évolué ?

À une époque, les Crocodiles faisaient leur mise au vert dans un établissement du côté du Vigan. Mais un jour, ils n’ont pas pu accueillir le NO à cause d’un mariage et Kader Firoud nous a demandé de nous occuper de la collation. Nous l’avons fait et l’équipe a gagné 3-0 contre Bastia. À partir de là, ils sont venus chez nous pour toutes les collations d’avant-match. C’était la grande époque avec René Girard, André Kabile et les autres. Nous nous fournissions chez un traiteur de la rue Notre-Dame. C’était un grand supporter et il nous réservait la meilleure viande qu’on faisait griller.

« Jean-Paul Fournier m’appelle et il me dit : "Tu es l’homme idéal. Il te faut reprendre le club et je serai derrière toi" »

C’était une époque plus décontractée qu’aujourd’hui, n'est-ce pas ?

Oui, on ne nous embêtait pas avec la cuisson des grillades et je me rappelle Kabile qui sifflait les jolies filles qui passaient devant l’hôtel, à deux heures de jouer à Jean-Bouin. Un jour j’ai même amené l’attaquant Serge Dellamore chez un rebouteux. D’une certaine façon, j’étais dans le club mais sans intention de m’y investir car j’en avais bien assez avec la gestion de l’hôtel.

Alors pourquoi avez-vous accepté de devenir président en 2002 ?

Michel Andujar et Gérard Soler voulaient réunir un groupe d'investisseurs pour reprendre le club. J’ai dit : « Pourquoi pas ? ». Tout s’est passé par téléphone et un jour Jean-Paul Fournier m’appelle et il me dit : « Tu es l’homme idéal. Il te faut reprendre le club et je serai derrière toi ».

Comment s’est passée la transaction avec Michel Coencas, le président en place ?

Ça s'est passé à l’Imperator. La négociation était un peu compliquée car il mettait des conditions dans la balance. Je suis resté ferme puisque je n’étais pas demandeur et nous avons conclu l’affaire pour environ trois millions de francs. Il faut savoir que, malgré qu’il ait une mauvaise image, Michel Coencas a été très correct pour moi et pour le club. Il m’a proposé de me donner 100 000€, sur deux ans, de taxe d’apprentissage pour le centre de formation. C’était une somme considérable et il a tenu parole.

« Je me voyais rester un ou deux ans et c’est pour cela que j’ai accepté »

Vous êtes devenu président du NO le soir du match France 98 – OM aux Costières, c'est bien ça ?

Non, au moment du match je suis déjà propriétaire du club. Il faut attendre le conseil d’administration pour être élu président. Le soir du match nous avons fait comme si de rien n'était et j’ai regardé la rencontre en loge.

Dans quel état était le club à cette époque ?

Dans le plus mauvais état qu’il soit possible d’imaginer. Sportivement, en difficulté dans le bas du classement de National. Dans les tribunes, il y avait une ambiance délétère et en interne le club n’était pas gouverné.

En 2012, Benoît Poulain et Jean-Louis Gazeau ont été champions du National [Photo via MaxPPP] • ©FABRICE FOURES/WORLDPICTURES/M
À cette époque, ambitionnez-vous de rester au club pour une longue durée ?

Pas du tout ! Je voulais juste maintenir le club en National et éventuellement le faire remonter en Ligue 2. Je me voyais rester un ou deux ans et c’est pour cela que j’ai accepté.

« Les représentants de Perrier m’ont dit : "Si vous ne gardez pas Soler, on vous coupe tout" »

Comment se sont passés les premiers mois ?

D’entrée j’ai eu des problèmes avec l’association Nîmes Olympique après ça a tourné à la guerre larvée. La section pro devait payer le déficit de l’association. Je l’ai fait pendant deux ans parce que j’étais obligé. Ça s’est très mal passé et quand le club est arrivé en finale de la coupe Gambardella, l’association ne m’a même pas invité. Frédéric Sigal, qui était le président de l’association, avait un peu de fierté et il estimait que j’avais pris sa place.

Ce contentieux avec Frédéric Sigal n’a jamais pu se régler ?

C’est dommage car je lui avais proposé de devenir vice-président. Avant ces histoires j’avais de bonnes relations avec lui et je pense qu’il aimait le club. Mais avec tout ça nous avons perdu trois années bêtement.

Vous avez aussi eu des soucis avec l’entreprise Perrier...

Gérard Soler avait été mis en place par Perrier, qui était un des sponsors du club, et quand je suis arrivé je n’ai pas souhaité le conserver. Nous n’avions pas la même façon de travailler. Les représentants de Perrier m’ont dit : « Si vous ne gardez pas Soler, on vous coupe tout ». Quand je suis passé pour la première fois à la DNCG, il manquait 100 000€ que m’avait promis Perrier, mais ça ne m'a pas empêché de faire valider mon budget.

« Ollé-Nicolle s’était mis d’accord avec Châteauroux sans m’en parler »

Lors de votre passage à la tête de Nîmes Olympique vous avez nommé 12 entraîneurs. Pourquoi avoir changé aussi souvent ?

Nous avions la pression de vouloir monter en Ligue 2. Nos équipes étaient très bonnes sur le papier mais pour monter ce n’était pas la meilleure méthode. Il faut une équipe avec des jeunes formés au club et faire preuve de patience.

Jean-Louis Gazeau et les Crocodiles fêtent la montée en Ligue 2 en 2008 [Photo via MaxPPP] • WORLDPICTURES/MAXPPP TEAMSHOOT
Parlez-nous des techniciens que vous avez côtoyés. Par exemple de Didier Ollé-Nicolle, qui n'est resté que deux saisons et qui a mené les Crocodiles en demi-finale de la Coupe de France en 2005...

Je voulais le prolonger après sa deuxième saison, mais il s’était mis d’accord avec Châteauroux sans m’en parler.

Régis Brouard est resté plus longtemps mais là encore il n’est pas arrivé à faire monter le club en Ligue 2...

C’était un bon entraîneur mais il s’était mis beaucoup de pression et le public ne pouvait pas le voir. Contrairement à d’autres, il avait l’esprit club.

« Je regrette de ne pas avoir continué avec Patrick Champ à l’époque »

Lequel vous laisse le meilleur souvenir ?

C’est Patrick Champ. Il n’est resté que six mois et ça a été difficile. Je l’ai vu préparer les matchs "à la Nîmoise". On ne parlait pas trop tactique. Contrairement à ce qui a été dit à l’époque, il n’y a jamais eu de problème avec Patrick. Dès le début c’était clair, je le prenais pour six mois. Je regrette de ne pas avoir continué avec lui à l’époque.

C’est finalement Jean-Luc Vannuchi qui fait monter le club dans une saison incroyable où il arrive après les départs de Régis Brouard et Laurent Fournier...

Jean-Luc avait toutes les qualités. Je le voyais faire dans les causeries d’avant-match. Il avait un très bon contact avec les joueurs. Il avait la fibre Nîmes Olympique. D’ailleurs quand René Marsiglia est devenu entraîneur, il voulait avoir Jean-Luc comme adjoint. Mais pour cela, il fallait que je me sépare de Michel Benezet, qui était l’adjoint de Victor Zvunka et qui faisait très bien son boulot. Alors j'ai refusé.

René Marsiglia avait d’ailleurs failli venir bien avant...

Oui, il aurait même pu être mon premier entraîneur. Nous avons eu un premier contact un jour à Caveirac, alors qu’il était en poste à Alès, mais il y avait un problème administratif. Il était super.

« J'ai failli recruter Guy Lacombe »

Vous citez positivement Champ, Vannuchi et Marsiglia. Aimez-vous que les formateurs ?

Oui et vous pouvez rajouter Bernard Blaquart qui n’est pas toujours facile mais qui a d’excellentes qualités. Au passage je précise que c’est moi qui l’ai fait venir à Nîmes, pourtant il était un peu plus cher que les autres candidats, mais ce choix a porté ses fruits rapidement. Alors oui j’aime les formateurs.

Dans ce cas pourquoi ne pas donner sa chance à Olivier Dall’Oglio, salarié au club et qui était intéressé pour prendre les commandes de l’équipe pro ?

Je n’y ai jamais pensé et il ne s’est jamais présenté. Cela étant, il faisait partie du centre de formation et les rapports avec l’association étaient très mauvais. Je reconnais que c’est un bon gars, même s’il a un caractère un peu dur. Mais je trouvais qu’il m’avait laissé un peu trop à l’écart comme quand je n’ai pas été invité à la finale de la Gambardella. En définitive, il a subi les conséquences de la brouille entre la société et l’association.

Jean-Louis Gazeau a été président de Nîmes Olympique de 2002 à 2014 (photo  EL/OG)

Quel entraîneur auriez-vous aimez attirer à Nîmes ?

J'ai failli recruter Guy Lacombe. On est nés à 20 kilomètres d’intervalle. Lui en Aveyron et moi dans le Lot. Ça nous faisait un lien géographique. Un jour je lui ai demandé s’il voulait venir. Mais il pensait revenir à Paris donc il m’a dit non. Après il n’a pas trouvé de club et il aurait accepté Nîmes mais ce n'était plus possible.

« Quand les joueurs ne sont plus chez vous, ils vous ont vite oublié »

Parmi les nombreux joueurs qui sont passés pendant votre présidence, quels sont ceux qui vous ont laissé le meilleur souvenir ?

Robert Malm au niveau sportif et relationnel. Si je n’avais pas eu de bonnes relations avec Louis Nicollin, Robert ne serait jamais venu. Il m’a dit : « Si le joueur est d’accord, je suis d’accord ». Loulou ne nous a rien fait payer et il a même pris en charge une partie du salaire de Malm. Nicollin n’avait pas oublié que quand son fils, Laurent, avait eu des ennuis avec un SMS insultant les supporters nîmois, je n’ai pas porté plainte. J’avais aussi de bons rapport avec Régis Brouard, Ludovic Butelle et Cyrille Merville. Mais vous savez quand les joueurs ne sont plus chez vous, ils vous ont vite oublié.

Et les déceptions ?

Il y en a deux avec lesquels nous nous sommes quittés fâchés. Il y a Benjamin Moukandjo, qui est partie en cours de saison et les supporters m’en ont beaucoup voulu mais nous ne pouvions pas nous y opposer. Le deuxième c’est Jonathan Ayité que j’avais payé 20 000 € à Brest et que j’ai revendu un million à ce même club. Il est venu dans mon bureau, j’étais avec Philippe Goursat, le directeur sportif, et il nous a menacé en disant qu’il partirait quoi qu’il arrive.

Un jour vous avez-dit « être président c’est 20% de plaisir et 80% d’emmerdements ». Le diriez-vous encore aujourd’hui ?

Oui et pour le deuxième terme je dirai même 90%.

« En National, nous faisions plus de recette avec les partenaires que le club en a fait en Ligue 1 »

Alors pourquoi s’infliger cette mission si elle est si pénible ?

C’est la passion qui vous fait avancer, mais elle vous fait faire des bêtises.

Si vous reveniez en arrière que changeriez-vous dans votre façon de diriger le club ?

Je modifierai ma façon de recruter les joueurs et je ferai plus confiance aux jeunes du centre de formation. Mais à Nîmes, au début ce n’était pas possible avec le conflit qui m’opposait à l’association. Rien que pour faire monter les joueurs de la réserve en pro c’était déjà compliqué.

Jean-Louis Gazeau se souvient des douze années passées à la tête de Nîmes Olympique (photo Norman Jardin)

Rassurez-nous, vous avez quand même vécu des bons moments ?

Oui. Au niveau sportif, il y a eu la finale de la Gambardella, le titre de champion en National, une demi-finale de Coupe de France en 2005 et les deux montées en Ligue 2. Il y a aussi le centre de formation, qui a été classé en catégorie 1. Financièrement, il y avait la boutique qui ne gagnait pas trop d’argent mais qui n’en perdait pas et c’était une vitrine en centre-ville pour le club. En National, nous faisions plus de recettes avec les partenaires que le club en a fait en Ligue 1.

"J'ai été mis en examen et j'ai passé une nuit au poste"

Regrettez-vous d’avoir vendu le club à Jean-Marc Conrad et ses associés, Serge Kasparian et Rani Assaf ?

Oui je regrette de leur avoir vendu le club. Si c’était à refaire, je ne le referai pas. Mais à l’époque j’étais très affecté par l’histoire de la pelouse et j’étais usé par 12 ans de stress et de responsabilité. Si je leur ai vendu le club c’est parce que dans le groupe il y avait Rani Assaf qui était la caution financière. D’ailleurs, la Bastide n’était pas si moche à l’époque puisque monsieur Assaf voulait l’acheter.

L’histoire de la pelouse, c’est le moment où vous décidez de quitter le club ?

On m’accusait de complicité de détournement de fonds public. Car on disait que la Mairie m’avait remboursé la pelouse. Je rappelle au passage, qu’il y a eu un non-lieu dans cette affaire, mais pas grand monde en a parlé alors que les accusations étaient en première page. J’ai été mis en examen et j’ai passé une nuit au poste. Ça fait mal. C’est nous qui avons payé la pelouse mais d’autres clubs le font aussi. Le PSG par exemple refait sa pelouse alors que le Parc des Princes ne lui appartient pas.

Comme ça a été récemment le cas avec Rani Assaf, vous avez eu aussi des rapports compliqués avec les supporters. Pourquoi ?

Ça a parfois été très difficile, mais il y avait de la passion des deux côtés. C’est dommage car aujourd’hui ils sont conscients que nous avons fait du bon boulot et moi je me rends compte qu’ils aiment le club. Il y en avait certains qui étaient quand même foufou. Une fois il y en a un qui chantait devant notre bus et il était complètement à poil (rires). Toutefois, il n’y a jamais eu la rupture entre le club et les supporters comme cela a pu arriver ces derniers temps.

"Nous sommes juste des actionnaires minoritaires"

Avez-vous toujours des parts dans le club ?

Oui, mais elles diminuent. Quand j’ai vendu le club nous en avions 49% mais comme il y a eu une augmentation du capital on est descendu à 20%.

Cela vous donne quel pouvoir ?

Ça ne nous donne aucun pouvoir. Nous sommes juste des actionnaires minoritaires.

Nîmes Olympique en 2005-06 avec Jean-Louis Gazeau au premier rang (au centre) (archives privées Norman Jardin)

Comment jugez-vous la gouvernance de Rani Assaf ?

Je trouve qu’il n’est pas logique et pas reconnaissant.

Assaf sait très bien comment les choses se sont passées et ce que j'ai fait pour le club"

Que vous doit-il ?

Un jour il me demande de l’accompagner à la DNCG. Le lendemain, il a fallu que je me débrouille pour monter à Paris en urgence. Il sait très bien comment les choses se sont passées et ce que j’ai fait pour le club lors de la réunion qui maintient l’équipe en Ligue 2 avec huit points de pénalité.

On vous sent affecté quand vous évoquez cet épisode...

Ça m’a beaucoup touché quand il a dit que rien n’avait été fait à Nîmes depuis 30 ans. Quand nous avons pris le club, il était en National, financièrement déficitaire et les joueurs s’entraînaient aux Courbiers. Quand on est parti 12 ans plus tard, il y avait le centre de formation, les comptes étaient sains, sans problème avec la DNCG. Il y avait une structure administrative et le club jouait en Ligue 2.

Quel est votre plus grand regret ?

C’est de ne pas être monté en Ligue 1. Nous avons trop précipité le mouvement.

Propos recueillis par Norman Jardin

Norman Jardin

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