Publié il y a 2 ans - Mise à jour le 08.12.2021 - marie-meunier - 5 min  - vu 2880 fois

GARD Social et médico-social en grève : "Aujourd'hui, les invisibles se font voir"

Sur le parvis de l'hôtel de ville, les militants alésiens attendent le maire d'Alès, Max Roustan. (Photo Corentin Migoule)

Les principales revendications : que tous les salariés touchent la revalorisation salariale de 183€ net et que les conventions collectives ne fusionnent pas. (Marie Meunier / Objectif Gard)

Cette journée du mardi 7 décembre est marquée par un appel national à la grève du social et du médico-social. Partout en France, les personnels se mobilisent pour exprimer leur mécontentement, notamment sur les 183€ du Ségur de la Santé auxquels ils n'ont pas le droit.

Dans le Gard, plusieurs rassemblements ont été organisés à Nîmes, Alès et Bagnols-sur-Cèze. Nous nous sommes rendus à la rencontre des manifestants pour entendre leur parole.

À Bagnols-sur-Cèze

À Bagnols-sur-Cèze, le rond-point de l'Europe a été assiégé par les grévistes. Ces derniers ont distribué des tracts aux automobilistes. (Marie Meunier / Objectif Gard)

De 9h à 11h, le rond-point de l'Europe de Bagnols-sur-Cèze a littéralement été ceinturé par les personnels du social et médico-social des environs. Au moins 150 personnes étaient mobilisées au plus fort de la manifestation. Cela a engendré quelques ralentissements sur le trafic routier. Mais qu'importe, ce mardi, les grévistes étaient bien décidés à faire entendre leur voix. "On est les oubliés, les invisibles. Aujourd'hui, les invisibles se font voir", tonne Christiane, qui travaille au foyer des Agarrus de Bagnols, accueillant des adultes en situation de handicap mental.

La principale revendication des grévistes ? Étendre les 183€ du Ségur à tous les salariés du secteur social et médico-social. « Une partie des personnels, comme les infirmiers, ont droit à l’augmentation sur leur paie, d’autres non. Ça crée des tensions. On est une équipe, pas des étiquettes. Il faut une cohérence pour tous », raisonne Jean-Pierre qui travaille à l’ASVMT de la Chartreuse de Valbonne. Il ajoute : « On a été présents pendant la première vague. On subit l’obligation vaccinale. On a tous les inconvénients mais pas les avantages du Ségur. C’est un manque de considération pour notre travail. »

À Nîmes, Alès et Bagnols, la mobilisation des salariés du social et médico-social a été très forte. (Marie Meunier / Objectif Gard)

« On veut une revalorisation salariale pour tous. Certains d’entre nous sont en-dessous du SMIC alors qu'on travaille un week-end sur deux et les jours fériés », déplore Virginie, aide-soignante aux Yverières à Goudargues. Le foyer d’accueil médicalisé comptabilisait 33 salariés en grève ce mardi sur une cinquantaine d’effectifs. 

La mobilisation est donc très importante. Car l’inégalité salariale du Ségur a révélé d’autres problèmes et d’autres souffrances au sein des établissements. Les bas salaires n’attirent plus. Les remplacements sont de plus en plus difficiles à trouver. « Les conditions dans lesquelles on travaille se dégradent. On ne remplace pas les postes à des qualifications équivalentes pour faire des économies », atteste Jean-Pierre. 

Aux Yverières aussi, on ressent une surcharge de travail : « On doit venir à son propre secours. On doit s’auto-remplacer… Faire grève n’est pas dans notre ADN, on est pris en otage par l’empathie envers nos résidents dont on doit s’occuper. Mais aujourd’hui, on est là, on dit non. » Et Virginie de conclure : « Tout ça est à vous dégoûter du médico-social mais si on est là c’est que l’on aime notre métier. »

Franck Walther co-secrétaire adjoint de Sud santé sociaux Gard Lozère et éducateur spécialisé dans un Itep. (Photo Anthony Maurin).

À Nîmes ils étaient plus de 700 à manifester devant l'Agence régionale de santé. Une délégation a été reçue par les collaborateurs de la députée Françoise Dumas et le cortège a repris sa route pour passer devant le conseil départemental et la préfecture. Une manifestation sans violence mais avec une certaine idée du combat.

"Il y avait plus options dans la conception de la lutte. Soit un rassemblement unique pour essayer d'avoir le plus de monde possible, soit on essayait de toucher tout le Gard malgré certaines zones quasi désertes. Nous voulions aussi des piquets de grève menés par les associations. L'objectif était de créer de la nuisance à Bagnols, à Alès, vers l'Hérault et à Nîmes", affirme Franck Walther, co-secrétaire adjoint de Sud santé sociaux Gard Lozère et éducateur spécialisé dans un Itep.

Devant l'ARS, les manifestants nîmois (Photo Anthony Maurin).

"11 actions de luttes sont organisées aujourd'hui dans tous le Gard. Notre secteur est sous tension donc nous avons besoin d'embauches afin de proposer un accompagnement de qualité, complète le syndicaliste. Nous exigeons 400 000 embauches dans nos secteurs ainsi qu'une revalorisation de salaire car cela fait 20 ans que notre point d'indice a été gelé. Nous avons perdu entre 300 et 400 euros de pouvoir d'achat. La stratégie de diviser pour mieux régner était utilisée dans l'Antiquité. Les salariés vont mal, très mal ils n'en peuvent plus. Ça fait plus d'un an que nous manifestons et que nous revendiquons sans être entendus. Pire, notre secteur se dégrade. Mais merci pour notre belle augmentation de 2 centimes d'euro. C'est du foutage de gueule, nous disons stop. Nous voulons un vrai grand service public."

Sébastien et Christelle mobilisés à Alès. (Photo Corentin Migoule)

 400 "oubliés du Ségur" à Alès

300 au départ de la manifestation devant la sous-préfecture d'Alès, les travailleurs du social et du médico-social, réunis pour la "toute première fois", étaient environ 400, "chiffre définitif" de la police, à défiler dans les rues du cœur de ville cet après-midi. Agrégés autour de nombreux syndicats dont la très représentée CGT, les militants alésiens ont émis des revendications similaires à leurs camarades nîmois et bagnolais.

"Nous faisons le constat de la décrépitude du social et du médico-social, de la dégradation de nos conditions de travail, de sorte qu'on n'a plus les moyens de travailler dans la dignité. Ainsi, la colère gronde, monte, et ne doit pas s'arrêter là", a d'abord entamé au micro Victoria Hunter, coordinatrice de l'action sociale de la CGT. Et d'enchaîner : "L'absentéisme se fait de plus en plus élevé. Les burn-out s'enchaînent, tandis qu'on assiste à une fuite du personnel car nos emplois ne sont pas attractifs. Il y a une perte de sens. On ne s'y retrouve plus, donc il faut dire stop !"

C'est peu ou prou pour les mêmes raisons que Sébastien, éducateur spécialisé à l'IME de Rochebelle, s'est mis en grève ce mardi pour grossir les rangs du cortège : "On est les oubliés du Ségur alors que ça fait 20 ans qu'on n'a pas eu une revalorisation de salaire. Ça commence à faire !" À ses côtés, Christelle, employée dans le même établissement, a réclamé "un travail plus humanisé" qui passerait par "plus de moyens humains et financiers" au bénéfice des patients.

Alors que les prises de parole se sont enchaînées, Michael Diaz, éducateur sportif dans la même structure alésienne, a invité l'assistance à battre pacifiquement le pavé, en investissant les rues de la capitale cévenole à grand renfort de chants et de fumigènes. Une déambulation d'une grosse heure à l'issue de laquelle les travailleurs sociaux et médico-sociaux du bassin alésien espéraient une rencontre avec le maire d'Alès, Max Roustan, préalablement contacté par écrit, mais qui n'est pas arrivé, au grand dam de Michael Diaz qui, mégaphone en main, a délivré un dernier message à ses troupes d'un jour. "Aujourd'hui c'était une première. Hélas si on veut avoir gain de cause ça ne doit pas être la dernière", a-t-il martelé, évoquant "une grosse action" le 15 janvier prochain.

Marie Meunier (à Bagnols), Anthony Maurin (à Nîmes) et Corentin Migoule (à Alès)

                               

Marie Meunier

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