Publié il y a 7 ans - Mise à jour le 10.12.2016 - thierry-allard - 4 min  - vu 645 fois

LAUDUN-L’ARDOISE Sanglier : tensions et dialogue de sourds entre agriculteurs et chasseurs

Hier soir, à Laudun (Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

« La situation est tendue, il y a énormément de sangliers, aujourd’hui il y a une exaspération » : rencontré à quelques minutes du début de la réunion de vendredi soir à Laudun-l’Ardoise, l’élu de la Chambre d’agriculture Luc Hincelin annonçait en quelque sorte la couleur.

Car quelques minutes après le début d’une réunion d’abord paisible, où les sociétés de chasse donnaient leurs statistiques de « prélèvements » de sangliers devant des représentants de la DDTM ou encore de la fédération de chasse, une quarantaine d’agriculteurs ont fait irruption dans la petite salle du gymnase Leo-Lagrange de Laudun.

« Il y a de plus en plus de sangliers tués mais il y a de plus en plus de dégâts ! »

D’abord silencieux, ils ont ensuite pris la parole via leur porte-parole de fait Guilhem Rouvière, vigneron à Valliguières : « Ça fait une quinzaine d’années qu’on a un gros problème de sangliers, et on sait très bien que pour les chasseurs, ce n’est plus un loisir, c’est un métier », a lancé l’agriculteur avant de souligner que « même s’il y a de plus en plus de sangliers tués, il y a de plus en plus de dégâts ! » Ainsi, 35 000 sangliers ont été « prélevés » lors de la campagne 2015 - 2016, « un chiffre en hausse de 23 % sur les deux dernières campagnes », a précisé le technicien de la fédération de chasse du Gard Raymond Ternat. Pendant ce temps, « les dégâts agricoles donnant lieu à indemnisation sont de 393 000 euros, contre 320 000 euros la saison précédente », a précisé Raymond Ternat. Des dégâts qui touchent à 28 % les oléagineux, à 26 % la vigne et à 21 % les céréales, les sangliers n’attendant pas la récolte, ou même la maturité des cultures, pour venir en « prélever », sans parler des nombreux accidents de la route parfois mortels, dans lesquels ils sont impliqués.

Pour l’agriculteur, cette double hausse « veut dire que les mesures prises par la fédération sont pas suffisantes ». Raymond Ternat aura beau rappeler que « la fédération a mis en place des mesures », la tension ne retombera pas, au contraire. Luc Hincelin, après avoir affirmé « comprendre l’exaspération », a rappelé l’existence d’une « boîte à outils » dans le Gard, qui comprend les tirs de nuit, les cages pièges ou encore l’ouverture prolongée de la chasse. Des mesures qui ne suffisent donc pas, alors la fédération et la Chambre ont fait partir un courrier à la préfecture, pour demander notamment des tirs d’affût ou d’approche à partir du 1er avril. « C’est bien, mais nous on demande aussi à pouvoir mettre des cages, et pas qu’une seule », lui rétorquera Guilhem Rouvière.

« Sur les cages, on travaille dessus, mais on se heurte à des lois, mais c’est aussi pour ça que les courriers sont partis au ministère », notera Luc Hincelin, dans une ambiance toujours aussi houleuse. La représentante de la DDTM insistera sur le courrier, et le fait que le préfet suive de près le dossier, sans sembler audible, et Raymond Ternat se réfugiera derrière la loi, avant de pointer le vieillissement des chasseurs : « dans le département, tous les moyens possibles légalement ont été mis en place. Sur le terrain, ceux qui prélèvent, ce sont les chasseurs, et nous avons un problème d’effectifs. »

Hier soir, à Laudun (Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

Patrice Prat entre en scène

Sauf que l’argument de la loi ne tient plus pour les agriculteurs : « chaque année vous nous jouez un air de flûte. Mais vous allez les adopter ces mesures ! » tonnera Guilhem Rouvière, avant que des voix s’élèvent dans la salle, notamment pour déplorer se trouver « face à un mur ». « On a toujours la problématique, malgré la mise en place de mesures que les autres départements n’ont pas », tentera Raymond Ternat, dans un dialogue de sourds avec les agriculteurs excédés : « mais il y a de plus en plus de morts sur les routes ! Le sanglier, c’est leur gagne pain à la fédé, combien la fédé encaisse de timbres gros gibier par an ? »

Le député Patrice Prat parviendra à faire revenir le calme en prenant la parole pour se dire « tout à fait disposé à m’impliquer personnellement dans ce dossier » et de mettre en garde contre le fait « d’opposer les gens entre eux, il faut essayer de voir comment avancer collectivement. » Le parlementaire se proposera d’initier une table ronde en préfecture avant d’annoncer « entamer avec Fabrice Verdier (député de la 4e circonscription, ndlr) une démarche collective » tout en douchant les espoirs d’une proposition de loi : « rien ne va se passer au niveau de la loi car il y'a des élections dans six mois, mais il y a des choses qui sont de l’ordre du pouvoir réglementaire des ministères » lancera le député, qui finira son propos sous les applaudissements nourris des agriculteurs.

Pas de quoi faire totalement retomber le soufflé. Ainsi, Guilhem Rouvière lancera que « s’il n’y a pas d’évolution sur les cages, on en mettra quand même chez nous, et ne nous envoyez pas vos gardes, ni l’ONC, car là ça finira mal, vous êtes prévenus. » Vu l’exaspération perçue vendredi soir, ce ne serait malheureusement pas étonnant.

Thierry ALLARD

thierry.allard@objectifgard.com

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