Publié il y a 2 ans - Mise à jour le 08.06.2022 - francois-desmeures - 5 min  - vu 1053 fois

SAINT-JEAN-DU-GARD Légion étrangère : opposants et Safer discutent pression foncière

Le président et les co-directeurs de la Safer sont venus dialoguer avec les opposants de la vente d'une ferme à la Légion étrangère (photo François Desmeures / Objectif Gard)

Michel Allemand, président gardois de la Safer, entre Frédéric Mazer à gauche (Modef) et Paul Ferté (Confédération paysanne). (Photo François Desmeures / Objectif Gard)

Une soixantaine de manifestants du collectif Vallées cévenoles démilitarisées et des syndicats agricoles Confédération paysanne et Modef ont manifesté à Nîmes, devant la Safer du Gard. Une délégation a été reçue par son président, Michel Allemand, et ses co-directeurs, Michaël Fourel et Hervé Flament. Les trois protagonistes ont communiqué un cahier des charges au ministère des Armées qui interdirait les activités militaires.

Et si, au pied du col Saint-Pierre, un cahier des charges venait à faire capoter la vente de la ferme de Banières bas au ministère des Armées ? À la suite des quelques heures de manifestation et de concertation au siège gardois de la Safer, au Mas de l'agriculture à Nîmes ce mercredi, c'est la question qui reste en suspend, dans l'attente de la réponse du ministère des Armées à ce même cahier des charges.

La Safer accusée de surestimer les biens agricoles

Prévenus du pique-nique de protestation, le président gardois du comité technique de la Safer, Michel Allemand, et ses directeurs sont descendus discuter avec les opposants à la vente de la ferme et ses 12 hectares, dont six de terres agricoles. On a d'abord parlé prix de vente, alors que la ferme, il y a trois ans, était estimée 410 000 € par un agent immobilier. Présente ce mercredi, la propriétaire d'un élevage d'ânes l'avait alors visitée... mais avait renoncé quand le montant - alors que la vente du bien était confiée à la Safer - avait grimpé à 585 000 €.

"Qui a fixé le prix ?" demande une contestataire. "Il est entériné par une commission du Gouvernement qui représente le ministère des Finances et celui de l'Agriculture", répond Michel Allemand. "L'évaluation des domaines, à 2 000 ou 3 000€ près, était la même que la nôtre", ajoute Michaël Fourel, directeur gardois de l'organisme foncier agricole. "À Saint-André-de-Valborgne, la ferme d'Auzillargues, estimée à 385 000 € par la Safer, a finalement été vendue 180 000 €, prend en exemple l'apiculteur et membre de la Confédération paysanne Hervé Parrain. Les propriétés échappent aux agriculteurs à cause de la surestimation de la Safer."

Sur les sentiers à proximité de Banières, les riverains ont déployé leur opposition (photo DR)

L'activité militaire irrite également les opposants. Michel Allemand répète rapidement la position de son président régional, Dominique Granier, sur les activités envisagées sur place par la Légion étrangère (relire ici). "Je suis tout à fait contre qu'ils utilisent leurs armes dans les Cévennes." Et rappelle la volonté de "donner la partie agricole en bail à un agriculteur". Une clause insérée pour acceptation par la commission d'attribution de la Safer en décembre, mais que Dominique Granier entendait comme des simples conventions de mise à disposition d'un an renouvelable.

La Légion étrangère interdite d'activités militaires

Sauf que cette fois-ci, le cahier des charges récemment envoyé par la Safer au ministère des Armées, préalable à ce que l'acte de vente soit signé, parle bien de bail rural, d'une durée de neuf ans renouvelables. Un bail auquel Objectif Gard a eu accès et qui engage l'acquéreur "à louer la partie non-bâtie de la propriété par bail rural ou autre contrat écrit agréé par la Safer à un ou plusieurs exploitants agréés par la Safer".

Soit les parcelles agricoles, mais aussi la partie forestière du mas de 12 hectares. Seul resterait alors le bâti aux légionnaires. Qui ne sont pas non plus les bienvenus dans la forêt hors de la propriété, les riverains ayant menacé de supprimer l'accès aux sentiers de randonnée - dont le chemin de Stevenson - si les militaires les utilisaient comme terrain d'exercice. Safer, opposants - et bien sûr les vendeurs pris dans cette polémique - attendent donc cette réponse de l'armée.

Les dirigeants de la Safer ont finalement reçu une délégation durant plus d'une heure (photo François Desmeures / Objectif Gard)

Elle ne suffira pourtant pas à calmer les oppositions, notamment les reproches formulés à la Safer, accusée par les opposants de vendre systématiquement au plus offrant, fusse-t-il porteur un projet non-agricole. Une bonne part de la discussion de l'après-midi, entre les trois acteurs Safer et une délégation d'opposants, a porté sur le sujet. "Quand on est vendeur, on veut toujours vendre au plus haut", plaide le directeur gardois de l'organisme agricole, Michaël Fourel, qui rappelle que son organisme doit aussi préserver l'intérêt des vendeurs. "Sur le secteur des Cévennes, il y a un marché qui n'est pas celui de l'agriculture."

"Ce n'est pas de notre faute si en ce moment les Cévennes sont si demandées", se désole Michel Allemand. Manière de dire que les prix voulus par les vendeurs permettent difficilement l'installation d'un paysan. "Si c'est l'État qui vient, qui a forcément les moyens, les dés sont pipés", commente Frédéric Mazer, éleveur et syndicaliste au Modef.

"On a demandé à avoir un outil de préemption qui sépare le bâti du non-bâti, plaide Michaël Fourel. Ça nous permet de ne préempter que la partie agricole. Mais le contre-effet, c'est qu'on ne peut plus discuter le prix sur la partie bâtie..." "Et vous ne pouvez pas vous retirer de la vente, la laisser faire entre l'armée et les vendeurs, et la préempter après ?", tente Frédéric Mazer. "Le commissaire de gestion ne validerait pas une préemption sur une vente au même prix", explique Hervé Flament.

"Trois propriétés agricoles ont été vendues dans ce secteur récemment, entre 8 et 12 hectares, poursuit Michel Allemand. Elles ne sont pas passées par nous et se sont vendues entre 450 000 et 800 000 €... Si on ne représente pas aussi l'intérêt du vendeur, est-ce que les propriétaires viendraient nous voir ? On a fait deux fois plus de préemption dans le Gard en 2021 qu'en 2020. Je suis monté manifester sur le Larzac, je viendrai manifester avec vous demain si l'armée fait des manœuvres à Saint-Jean-du-Gard."

"Ils vous refuseront le bail rural une fois l'acte signé"

"Pourquoi on est là ? Parce que la confiance est rompue, reprend Frédéric Mazer. Vous nous promettez de signer un bail rural, ils vous le refuseront une fois l'acte de vente signé." "On ne signera l'acte qu'une fois que le bail rural aura été signé", promet Hervé Flament "les yeux dans les yeux. Si ça se fait autrement, la Safer cassera la vente." "Ça va vous coûter très cher et ça vous coûterait moins cher de casser la vente aujourd'hui, rétorque Frédéric Mazer. Notre proposition, soit la Safer rachète la partie agricole, soit on la rachète en collectif. Si la partie agricole est vendue à l'armée, on durcit la lutte."

Le collectif, par la voix de l'élue d'opposition à Saint-Jean-du-Gard, Elsa Mas, a souhaité que le bâti ne revienne pas non plus à la Légion, "car on a besoin de famille et de vie, notamment pour remplir nos écoles. Il va falloir que les vendeurs aussi se remettent autour de la table." Confédération paysanne et Modef ont aussi appelé de leur vœux une médiation entre vendeurs, opposants et Safer.

Cinq candidatures sont déjà parvenues sur les bureaux de la Safer pour la partie agricole de la ferme de Banières bas. "Un éleveur de bovins, deux d'ovins, une personne qui a des chevaux et un projet viticole pas adapté parce qu'il ne peut pas y avoir de culture pérenne", a détaillé Michel Allemand. Des dossiers suspendus, eux aussi, à la décision du ministère des Armées sur le cahier des charges de la Safer.

François Desmeures

francois.desmeures@objectifgard.com

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