ALÈS Grève chez Merlin Gérin : un bras de fer qui dure
Si le dialogue n'est pas totalement rompu, la direction du groupe Schneider Electric s'arc-boute sur ses positions, tandis que les salariés de Merlin Gérin Alès ne desserrent pas l'étreinte en débrayant depuis mardi matin.
En début de semaine, quelques heures après avoir planté le piquet de grève devant l'entrée de l'usine Merlin Gérin d'Alès, les grévistes se disaient prêts à livrer bataille plusieurs jours s'il le fallait (relire ici). Quatre jours plus tard, ils sont toujours là. Si le dialogue n'est pas totalement rompu entre les délégués syndicaux (DS) et la direction du site alésien (spécialisé dans la fabrication de disjoncteurs), membre du groupe Schneider Electric, les discussions ont laissé sur leur faim les premiers nommés.
En effet, ce vendredi à 16 heures 30, le directeur local, accompagné par la directrice des ressources humaines, a une nouvelle fois accepté la confrontation. "On est là toute la journée et au final la direction nous reçoit en fin de journée. C'est stratégique. Elle mise sur la fatigue en nous laissant pourrir devant le portail toute la journée", veut croire Gérald Charrière, délégué syndical CFDT, qui s'est heurté à une fin de non-recevoir.
Une perte de 350 000 euros par jour
Pourtant, en revoyant leurs ambitions à la baisse puisque les salariés se sont mis d'accord pour concéder une hausse générale des salaires de l'ordre de 2,3% (contre 2,8% initialement), les délégués syndicaux se voulaient confiants à l'heure de disputer un énième round du bras de fer avec la direction. Mais ce lundi sera bel et bien le jour de "l'ultimatum" pour les salariés de Merlin Gérin qui, s'ils n'acceptent pas une hausse de 2,1%, retomberont aux propositions de départ de la direction, soit 1,2% d'augmentation générale et 1,2% d'augmentation individuelle.
"On demande juste une bascule des augmentations individuelles vers les augmentations générales car on sait tous que l'inflation va toucher tous les salariés. Notre proposition s'établit à enveloppe constante, sans budget supplémentaire. Mais la direction préfère perdre 350 000 euros par jour en raison du blocage de l'usine alésienne qui ne tardera pas à impacter aussi nos filiales étrangères. C'est du dogmatisme qui frise la folie !", s'emporte Pierre Mounier.
S'il partage volontiers le point de vue de son camarade syndiqué quant au non-infléchissement de ses dirigeants, Gérald Charrière livre une toute autre analyse : "J'y vois presque une discrimination envers les Cévenols. Pour la direction du groupe, faire plier le site alésien, quand on sait à quel point on peut être résistant, ça serait un grand coup !" Ainsi, alors que la direction a refusé l'offre de la présidente de la région Occitanie, Carole Delga, se proposant de jouer les médiatrices, le jusqu'au-boutisme des deux camps pourrait bien faire durer le conflit.
Une lutte fédératrice
"On est prêt à tout et on s'attend à tout", prévient Pierre Mounier. Et d'ajouter : "Peut-être que la police viendra nous déloger. Mais que la direction y réfléchisse bien, car en termes d'image, ça ne serait pas terrible." Alors que les délégués syndicaux recensent 98% de grévistes, se posera un jour la question des conditions d'un réamorçage de l'activité. "Ce n'est pas avec des miettes qu'ils vont arriver à enclencher une reprise, car tout le monde sera frustré. Si on reprend le boulot avec cet état d'esprit, ça va être catastrophique. La dynamique est cassée !", jure le délégué syndical CGT.
Les 150 euros supplémentaires sur la "prime vacance" qu'ils réclament, assortis à une prime exceptionnelle qui couvrirait les jours de grève, feraient sans doute passer la pilule. En attendant, l'équipe "semaine" et l'équipe "week-end" se relaient autour du piquet de grève. "Des cadres passent la nuit avec nous, c'est du jamais vu !", se marre Pierre Mounier. Et Gérald Charrière de conclure : "Ça aura au moins eu le mérite de souder les troupes. Les gens ont appris à se connaître. C'est très fédérateur !"
Corentin Migoule
Depuis le début de la semaine, les élus locaux se succèdent chez Merlin Gérin Alès. Les conseillers régionaux Jean-Luc Gibelin et Jalil Benabdillah ont été les premiers à assurer "une écoute attentive" sur site en début de semaine. Les communistes Sylvain André, Patrick Malavieille et Paul Planque, le maire de Saint-Privat-des-Vieux, Philippe Ribot, et le président d'Alès Agglomération, Christophe Rivenq, ont tour à tour rendu visite aux grévistes. "Quand ils voient le panneau de la Région qui a subventionné l'usine devant l'entrée (notre photo), les élus se sentent trahis par ce groupe", rejoue Gérald Charrière. Et d'ajouter : "Et je ne parle même pas des aides de l'État, dont le Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, que le groupe Schneider Electric a perçues. Les élus locaux sont dégoûtés de voir l'argent public dilapidé."
Contactée en fin de journée ce samedi, la direction n'a pas donné suite à nos sollicitations.
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