Publié il y a 1 h - Mise à jour le 07.11.2025 - François Desmeures - 4 min  - vu 108 fois

ALÈS Violences au Prolé : les victimes craignent l'enlisement, le procureur annonce de possibles interpellations

Les avocats Sophie Mazas, Ralph Blindauer et Alain Ottan, ce vendredi, au Prolé d'Alès

- François Desmeures

Après un premier épisode de tension le 28 mai, le Prolé d'Alès subissait, le 30 mai, l'attaque de plusieurs personnes apparemment issues de l'extrême-droite. Ce vendredi, une partie des victimes et leurs avocats ont fait part de leur inquiétude, alors qu'ils ne parviennent pas à obtenir des nouvelles de l'avancée de l'enquête, six mois plus tard. Pour le procureur de la République d'Alès, Abdlekrim Grini, des interpellations pourraient intervenir dans les semaines à venir.

Les avocats Sophie Mazas, Ralph Blindauer et Alain Ottan, ce vendredi, au Prolé d'Alès • François Desmeures

Trois militants d'extrême-droite au comportement désagréable, qui apposent un autocollant du groupe identitaire du Bloc montpelliérain sur le comptoir du Prolé d'Alès, le premier soir de la feria d'Alès, mercredi 28 mai dernier. "On pense qu'ils sont venus pour un repérage, explique l'une des victimes des violences, Cécile Alphon-Layre. On les voit, sur une vidéo, coller le sticker sur notre comptoir. On leur a demandé calmement de sortir."

Le vendredi soir, ils sont, cette fois-ci, une dizaine. "Le chef de meute est venu poser son bras sur le comptoir, avec tous ses tatouages néo-nazis." Et les violences débutent alors que des personnes présentes leur demandent de quitter les lieux. "Bousculade, coups de poing, lacrymogènes, un camarade frappé à terre par trois d'entre eux, etc."

L'évacuation d'un blessé, dans la rue du Prolé, le 30 mai dernier à la suite de l'agression • DR

Il n'aura pas fallu de longues recherches, selon les victimes, pour identifier certains des auteurs des violences. Notamment le "chef", venu avec un tee-shirt de l'entreprise pour laquelle il travaille, à Nîmes, et aisément reconnaissable sur des photos de la page Facebook de ce même commerce. "On a transmis ces éléments aux services de police." De même que des captures d'écran des réseaux sociaux du Bloc montpelliérain qui se vante d'actions de "bousculement de ces deux départements" - Hérault et Gard - alors même qu'ils affirmaient, au lendemain de l'agression du Prolé, ne jamais venir dans le Gard.

"Les auteurs ont été identifiés, l'enquête a été faite par les victimes..."

Une dizaine de plaintes ont été déposées par les victimes, dont les personnes morales de l'association gestionnaire du Prolé et de la section alésienne du Parti communiste. Les sœurs victimes présentes ce samedi, Cécile et Elsa Alphon Layre, rappellent "les séquelles psychologiques pour notre camarade cheminot frappé à terre (et qui eut un mois d'arrêt de travail, NDLR), alors que sa femme, enceinte, était là. Les victimes sont dans le questionnement. Dans un État de droit, il faut qu'il y ait une justice. Quand on voit certains auteurs aller sur le lieu de travail de certaines victimes, qu'ils habitent le territoire et que nous avons été identifiées dans la presse, quelle est notre protection ? Nous en avons encore croisé un qui buvait tranquillement un coup en terrasse en centre-ville d'Alès, cet été. J'ai fait plusieurs tours en ville avant de rentrer chez moi..."

Pour l'un des trois avocats qui représentent les victimes, Me Alain Ottan, "elles ont droit à une explication sur une enquête qui a été ouverte dès le lendemain". Une temporalité sur laquelle insiste justement le procureur de la République, Abdelkrim Grini, pour contrer la crainte de désintérêt exprimée par les avocats. "Depuis cette date, poursuit l'avocat, nous n'avons pas de nouvelles. Nous avons essayé d'avoir des contacts avec le Parquet, mais c'est silence complet. Les auteurs ont été identifiés, l'enquête a été faite par les victimes..." Trois auraient été reconnus, selon les avocats, sur la dizaine d'agresseurs. Les plaignants espèrent que la vidéosurveillance de la rue est exploitée pour identifier d'autres agresseurs.

"Je ne suis pas de ceux qui pensent qu'on a la police la plus bête du monde"

Les victimes - dont certaines soulignent qu'elles se sont parfois heurtées à des difficultés pour déposer plainte - ont écrit à Abdelkrim Grini individuellement pour connaître l'avancée de leur dossier. Puis, la semaine dernière, une lettre collective lui a été adressée. Que le procureur de la République reconnaît avoir bien reçu, mais avoir manqué de temps pour y répondre. "On veut bien tout comprendre, enchaîne Me Ralph Blindauer, que le Parquet soit surchargé, et sans doute en sous-effectif. Mais il faut encore qu'on nous parle ! Or, aucun témoin n'a encore été entendu. Nous avons des doutes sérieux sur le démarrage de cette enquête. Je ne veux pas dire qu'on pense qu'elle est enterrée, mais on subodore qu'il y a d'autres priorités."

Sophie Mazas, avocate montpelliéraine, illustre le retard dénoncé en prenant pour exemple les violences commises à la faculté de Droit de Montpellier, en 2018 (relire ici le rapport des inspecteurs de l'Éducation nationale sur cet épisode). "Les victimes avaient identifié leurs agresseurs. L'enquête a été lancée sous la pression du procureur de la République, qui avait mis en garde à vue le doyen de la faculté ainsi qu'un professeur. Quand l'enquête ne démarre pas de façon spontanée, le procureur doit mettre en marche la puissance publique."

"L'enquête se poursuit, ce n'est pas parce qu'on ne voit rien qu'il ne se passe rien"

"Je ne suis pas de ceux qui pensent qu'on a la police la plus bête du monde, reprend Ralph Blindauer. La plupart des auteurs sont fichés. Si ça n'avance pas, c'est qu'il y a, quelque part, un blocage." Avant d'en appeler au procureur Grini : "Usez de vos prérogatives de chef de Parquet : si la police n'avance pas, confiez l'affaire au service de police judiciaire !"

C'est justement ce qui a été fait, oppose le procureur de la République à Objectif Gard : il a transféré, en début d'été, l'affaire au service de la police judiciaire de Montpellier. "Compte tenu de la gravité et de la particularité des faits, justifie Abdelkrim Grini, ainsi que de la complexité des investigations à mener." Les auteurs "graviteraient dans la mouvance d'extrême-droite, confirme le procureur d'Alès. Un point a été fait il n'y a pas longtemps et nous espérons pouvoir sortir ce dossier dans les semaines qui viennent. L'enquête se poursuit, ce n'est pas parce qu'on ne voit rien qu'il ne se passe rien."

"Des interpellations dans les semaines qui viennent"

S'il confirme avoir reçu "le courrier d'un avocat auquel je n'ai pas répondu", faute de temps, Abdelkrim Grini confie que ce n'est pas sa "priorité. La mienne, c'est que les investigations se fassent. Ce n'est pas pour justifier un retard - il n'y en a pas, pour moi - mais vous savez aussi l'impact du narcotrafic à Alès et les nombreux homicides qui occupent la police judiciaire de Nîmes et de Montpellier."

"Dans les semaines qui viennent, je serai en mesure de clore le dossier, répète le procureur Grini pour rassurer les victimes. Mais il faut, a minima, réunir des faisceaux d'accusation. Il ne serait pas responsable de faire ça à la hâte. Mais le dossier n'est pas noyé dans la masse, il fait partie du haut de la pile. Il a été ouvert contre X, mais devrait donner lieu à des interpellations dans les semaines qui viennent."

Avocats, victimes et responsables du PC espèrent une avancée rapide du dossier judiciaire • François Desmeures

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