Hier soir, jeudi 6 novembre, la scène nîmoise a accueilli Éclipse, une création du circassien Léo Rousselet. Version longue désormais — quarante-cinq minutes — ce solo jonglé prolonge sa recherche sur la perception, le rythme et l’illusion. Et quelle illusion ! Magnifique, merveilleuse, somptueuse, absolue, totale.
Illusion obscure
Sous une lampe suspendue, parfois récalcitrante, la balle blanche en mouvement devient le centre d’un univers réduit à l’essentiel. Une chaise, un chandelier, quelques allumettes, un tas ! Une enceinte grésillante diffuse du vieux tango. Rousselet joue avec les défaillances de la lumière et de la durée du noir. C’est « Fra » qui est aux manettes, derrière le rideau…
Les coupures lumineuses créent des suspensions dans lesquelles la balle semble se figer, flotter ou disparaître. La lumière devient essentielle, actrice. Le spectateur perd ses repères, fasciné par cette mécanique de précision. Parfois hilare, tellement c’est drôle. Et puis impressionné, sidéré.
Jeux d'eau
Formé à l’Ésacto’Lido de Toulouse, l’École supérieure des arts du cirque, l’artiste pousse ici son travail sur la frontière visible-invisible. La virtuosité passe au second plan. L’essentiel se joue dans la perception : celle de l’œil, trompé par la vitesse et l’intermittence. Au fil des séquences, le personnage s’enfonce dans un monde absurde où la logique se dérègle.
Et l’eau, on en parle ? L’eau coule d’on ne sait où, partout et nulle part, alors que la bougie s’obstine à s’éteindre. Les objets paraissent dotés d’une volonté propre. Un grille-pain, oui, un grille-pain lui donne la réplique. Cette étrangeté évoque les films de Buster Keaton, une influence qu’il ne revendique pas, mais dont on retrouve la maladresse calculée et l’humour mécanique. Génial.
Lui, ce n'est pas un acteur, il n’est pas un clown non plus, il est un passeur d'émotion, le génie que l'on ne frotte pas. Et au fond de tout ça, qu'y a-t-il ? Ce que chacun y voit, ce qu’il reçoit, ce qu'il ressent, ce qu’il invente. Comme cette étudiante à qui cela évoque l’eau qui traverse le toit. Chacun suit son sens.
Les sonorités anciennes installent une lenteur particulière, un rythme hypnotique. Le tango ancien, celui de Carlos Gardel et sa voix qui sort d’un vieux transistor.
Conçu et interprété par Léo Rousselet. Diffusion : Baron Production, Jordan Enard. Production : Cirque des Petites Natures. Vidéo : Vincent Pinson. Spectacle déconseillé aux personnes épileptiques ou sensibles aux lumières stroboscopiques.