Publié il y a 2 ans - Mise à jour le 27.02.2022 - pierre-havez - 3 min  - vu 703 fois

AU PALAIS La juge : « Vous leur avez offert du cannabis pour qu’ils ne portent pas plainte ! »

Le tribunal correctionnel de Nîmes. Photo Tony Duret / Objectif Gard

La salle d'audience du tribunal correctionnel de Nîmes. (Photo Tony Duret / Objectif Gard)

À peine majeurs, Jean-Baptiste et Mohammed ont voulu jouer aux caïds à Roquemaure. Dénoncés par un adolescent qu’ils tentaient d’intimider, ils écopent tous deux de huit mois d’emprisonnement pour trafic.

Après quelques jours de détention provisoire, les deux amis de 18 ans, sweat-shirt gris clair et veste de sport gris foncé, tentent de sauver la face, dans le box des détenus du tribunal correctionnel de Nîmes, mardi 22 février.

Interpellés en possession d’un couteau et de cannabis, ils sont jugés en comparution immédiate pour vente de stupéfiant et détention d’arme. C’est un jeune Roquemaurois de 13 ans qui a déposé plainte à la gendarmerie, quelques jours plus tôt. Les deux apprentis dealers l’avaient abordé sur un pont pour lui demander de faire le guet pour eux. Petit à petit, ils le somment de vendre du cannabis à leur place. Lorsque l’adolescent finit par refuser, ils le menacent. « Sauf que l’adolescent est allé en parler à ses grands-frères qui sont venus vous trouver pour une petite explication qui tourne en bagarre, indique la présidente, Béatrice Almendros. Visiblement, vous n’en meniez pas large, car le lendemain, vous êtes même allés chez eux leur offrir du cannabis pour qu’ils ne portent pas plainte ! Mais ils ont refusé. »

« Jeunes et roublards »

Les deux jeunes tentent de faire bonne figure en gardant le silence. « Malgré tout, vous avez continué à faire les malins en garde à vue, reprend la juge. Vous avez beau être jeunes, vous vous montrez assez roublards : narguant les gendarmes tant qu’on ne vous met pas les preuves sous les yeux. » L’enquête des gendarmes a pourtant permis de confirmer que leur petit business leur rapportait au moins 900 euros par semaine. Chez eux, on retrouvera ainsi 350 euros en petites coupures de 10 ou de 20 euros.

« Ce n'est pas banal de se lancer dans le trafic de stup’ pour se faire des sous à votre âge ? », lance la présidente à Mohammed. Le jeune ne perd pas ses moyens : « C’était le temps de trouver un vrai travail et de s’inscrire à Pôle Emploi », prétend-il en haussant les épaules. L’autre enchaîne d’une voix forte : « Je n'avais pas de sous ! » Pas mécontent de leur petit numéro, les deux échangent des sourires, qu’on devine malgré leurs masques.

Cynisme apparent

La juge se fait plus sévère. « Mais vous savez quelle peine vous encourrez ? C’est 10 ans. Et si vous êtes condamnés, vous risquez de vous retrouver en récidive légale pour de nombreuses autres infractions, à cause de cela, les alerte-t-elle. Tout ça pour s’acheter des vêtements. Et en entraînant des gamins avec vous… Est-ce que vous réalisez maintenant ? » Visiblement assez peu concernés par l’avertissement, les deux lâchent un faible « oui » du bout des lèvres.

Jean-Baptiste est un gros fumeur. Il tourne à une dizaine de joints par jours, ce qui explique peut-être son détachement. Mais Mohamed explique qu’il compte travailler dans la manutention et ne consomme pas. La présidente est un peu choquée par son cynisme apparent. « Mais c’est presque pire, car vous revendez n’importe quoi à des jeunes, juste pour vous faire de l’argent ! », rétorque-t-elle

« La panique dans leur regard »

« Malgré quelques jours en détention, ils ont l’air très décontractés, confirme le procureur. Ce qui interroge aussi, c’est leur jeunesse et leurs difficultés d’insertion professionnelle. Le chemin que vous tracez vous amène tout droit vers des mesures privatives de liberté, vous savez ! Êtes-vous aujourd’hui en capacité d’aller vous présenter devant un employeur pour trouver du travail ? Ce n’est pas ce que vous avez fait jusque-là… » Jonathan Heurguier requiert 10 mois de prison avec sursis contre les deux trafiquants en herbe, avec une obligation de travailler pour le premier et une obligation de soin pour le second.

Leur avocate tente de nuancer cette mauvaise image. « Ils donnent effectivement l’impression de ne pas prendre la mesure de tout ce qui se passe et de ne pas avoir compris la gravité de ce qu’ils ont fait. Mais quand je leur ai dit, dimanche, qu’ils risquaient de dormir en prison, j’ai vu la panique dans leur regard. », assure Ludivine Glories. Condamnés à 8 mois chacun, dont 5 avec sursis, les deux jeunes n’y retourneront pas cette fois.

Pierre Havez

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