Ce refus d’obtempérer aurait pu coûter la vie à trois policiers nationaux nîmois. C’est aux alentours de 4h du matin, dans la nuit du 5 novembre 2025, que Soufiane, le prévenu, a tenté d’échapper à un contrôle de police. Aperçu par un équipage de la brigade anticriminalité zigzaguant dans le centre-ville de Nîmes, le prévenu, au volant d’un Renault Modus ne s’est pas arrêté, malgré les avertissements sonores et lumineux émis par le véhicule banalisé de la Bac. « J’ai vu les lumières, mais je ne pensais pas que c’était pour moi », raconte-t-il à l’audience, présidée par Anne-Carine David. Le jeune homme a ensuite accéléré, puis s’est engouffré dans le sens contraire de la circulation sur plusieurs axes du centre-ville, avant de prendre un rond-point à l’envers et de percuter violemment un véhicule de police, arrivé en renfort pour cesser sa fuite, au niveau du chemin de Tire-Cul, toujours à Nîmes.
Face à la violence du choc, les trois policiers nationaux ont été transportés au CHU de Nîmes. Leur ont été prescrits quatre, cinq et sept jours d’interruption totale de travail pour de nombreuses dermabrasions, des douleurs au niveau des lombaires, ainsi que des hématomes sur diverses parties de leurs corps. « Il y a eu des pertes de connaissance de la part de deux des policiers », lance l’avocate intervenant aux intérêts de l’Agent judiciaire de l’État. L’événement reste un traumatisme pour les trois policiers. « Cet accident m’a vraiment choqué », évoque, par écrit, l’un des fonctionnaires.
« J’ai eu peur »
« Il y a eu un tir, j’ai eu peur, j’ai accéléré », lance le prévenu pour justifier sa fuite. Il soutient d’ailleurs avoir pensé, sur le moment, être la cible d’un groupe armé. Pourtant, aucun élément de la procédure ne confirme l’existence d’un tir d’arme à feu, ni le rapport des enquêteurs, ni la présence d’une éventuelle marque sur la voiture. Seule la vitre du passager avant du véhicule du prévenu a été brisée. En possession de deux couteaux, et d’un pochon de cannabis, le prévenu circulait sans assurance, et en excès de vitesse. Au total, dix chefs de prévention sont retenus à son encontre. « C’est un danger public », lance maître Lauriane Dillenseger, avocate de la partie civile, intervenant pour les trois policiers blessés. Pour justifier sa peur, il soulève le cas de son demi-frère : « J’ai perdu mon frère à cause de la violence d’un gendarme », lance-t-il.
Après l’accident, le prévenu a été interpellé par les forces de police. Placé en garde à vue, il a d’abord refusé de se prêter aux tests de dépistage d’alcoolémie et de consommation de stupéfiants. Ce n’est qu’une fois au CHU de Nîmes, où il a été envoyé pour constater d’éventuelles blessures des suites du choc, qu’il s’est prêté à des analyses médicales, toutes deux revenues positives. « Ma vraie addiction, c’est l’alcool », se désole Soufiane.
Une peine mixte
« Il a failli tuer les occupants de ce véhicule », explique Frédéric Kocher, procureur de la République. Le ministère public a alors requis une peine mixte à l’encontre du prévenu, soit 3 ans d’emprisonnement, dont 1 an assorti d’un sursis probatoire. « C’est un homme malade que vous avez à juger », lance maître Élodie Ginot, avocate de la défense. « À trois secondes près, il ne percutait pas le véhicule », ajoute-t-elle.
Après délibération, le tribunal l’a relaxé des faits de violences volontaires, de refus de se prêter aux tests de détection d’alcool et de stupéfiants, mais aussi des faits d’usage de stupéfiants. Il est reconnu coupable du surplus. Les violences volontaires sont requalifiées en blessures routières, le tribunal n’ayant pas reconnu l’intentionnalité du choc occasionné au véhicule de police.
Pour ces multiples faits, et dans le sens des réquisitions du ministère public, le prévenu a été condamné à 3 ans d’emprisonnement, dont une année assortie d’un sursis probatoire. Soufiane a donc été maintenu en détention. À l’issue de sa peine ferme, il sera soumis à une obligation de soin, de travail et de réparation du dommage qu’il a causé. Il doit alors payer 600 € à chacune des victimes au titre de leurs frais de procédure et plus de 34 000 € au service de l'État, pour les dommages occasionnés au véhicule de police. L’affaire est renvoyée sur intérêts civils, pour permettre le chiffrement du préjudice des trois fonctionnaires.
Un traumatisme de jeunesse
C’est en 2003 que le demi-frère du prévenu est décédé à la suite d’un délit de fuite, après une série de cambriolages. Le jeune adulte aurait, lors de la course-poursuite, tenté d'échapper aux forces de l'ordre. C’est à cette occasion que les gendarmes ont ouvert le feu, le touchant d’au moins une balle, au niveau de la tête. À cette époque, le prévenu avait une dizaine d'années.