Publié il y a 2 ans - Mise à jour le 15.05.2022 - pierre-havez - 3 min  - vu 2728 fois

AU PALAIS « Vous collectionnez les images et les vidéos de l’anatomie des femmes, en particulier de leurs fesses ! »

La salle d'audience du tribunal correctionnel de Nîmes. Photo Tony Duret / Objectif Gard

La salle d'audience du tribunal correctionnel de Nîmes. Photo Tony Duret / Objectif Gard

Confondu par une jeune étudiante qu’il était en train de filmer dans les vestiaires de la piscine Nemausa, à Nîmes, Christophe est condamné à 6 mois de prison avec sursis, vendredi 13 mai. Chez lui, la police a retrouvé des centaines de vidéos et de photos de fesses de femmes prises à leur insu.

Le pharmacien de 62 ans avait été interpellé fin novembre 2021 par les policiers de la sûreté départementale, après avoir été surpris en train de filmer sous la porte d’une cabine de vestiaire dans laquelle une étudiante de 20 ans était en train de se dévêtir. Mais au moment de se changer, Constance* sort rapidement pour confondre le voyeur dans la cabine d’à côté, et l’empêche d’effacer la vidéo qu’il tente de supprimer.

Costume sombre, chemise blanche et tempes grisonnantes, l’élégant sexagénaire bat sa coulpe à l’audience correctionnelle du tribunal judiciaire de Nîmes, vendredi 13 mai 2022. « Je veux présenter toutes mes excuses à la victime. Pourquoi ce comportement totalement irrespectueux des règles sociales ? Comment j’en suis arrivé là ? Mes séances auprès d’un psychologue ont fait ressortir une dérive vers une recherche d’excitation sexuelle supplémentaire, au moment de la sortie du confinement, explique le prévenu. Le contexte a été très difficile à vivre pour moi : après un burn-out en début d’année, le confinement m’a forcé à vivre éloigné de ma compagne. Mais elle me soutient toujours, et je vous garantis que cela ne se reproduira pas ! »

Plus de 300 photos volées

La perquisition de son ordinateur par les enquêteurs a cependant permis de découvrir plus de 300 photos et vidéos de femmes nues, en maillot ou habillée dans les vestiaires de la piscine ou dans la rue. « Ce n’est pas la première fois, pointe la présidente, Elodie Dumas. Vous semblez plutôt collectionner les images et les vidéos de l’anatomie des femmes, et en particulier de leurs fesses ! Ça en fait beaucoup tout de même, non ?»

Le pharmacien semble un peu embarrassé. « Pour transformer des vidéos floues en photos à peu près lisibles, ça demande un certain nombre d’images différentes, ce qui peut sembler beaucoup, tente-t-il d’expliquer. Mais sur le nombre, il y a beaucoup d’images d’adultes, prises sur des sites Internet autorisés, ainsi que celles que j’ai prises moi-même à l’aveugle. Et sur celles-ci, il est impossible de reconnaître la personne, et je n’ai jamais eu l’intention de les partager sur les réseaux sociaux. »

« Qu’est-ce qu’il y a d’artistique dans une cabine d’essayage ? »

« Comme elles ne le savaient pas, elles n’étaient pas victimes ? », l’interrompt la juge. La procureure renchérit. « Vous avez déclaré être davantage dans l’esthétique que dans le pervers, vous pouvez m’expliquer ce qu’il y a d’artistique dans une cabine d’essayage ? », enfonce Estelle Meyer. Le sexagénaire reste sans voix. « Non, je comprends que ça ne tienne pas la route », admet-il d’une voix faible.

L’avocat de l’étudiante tente d’écorner l’image polissée du pharmacien de 62 ans. « Votre profil de senior idéal peut aussi paraître inquiétant, monsieur, attaque-t-il. En outre, vous êtes aussi tombé sur une victime au profil idéal, puisque, malgré son traumatisme, Constance a trouvé le courage de vous faire attraper. Mais cela a réveillé chez elle des choses douloureuses puisqu’elle est toujours aujourd’hui régulièrement suivie par une psychologue. Elle espère que ce jugement lui permettra de passer à autre chose. »

« Il n’y a pas une, mais probablement des centaines de victimes »

La procureure demande 8 mois de prison avec sursis contre Christophe. « On peut comprendre le désir, le manque, c’est humain. Mais prendre des photos perverses - car elles ne sont pas artistiques, ou sinon il aurait fallu vous reconvertir dans la photo et recruter des mannequins pour faire des nus - sans consentement, c’est un viol de l’intimité qui est prohibé par la loi, explique Estelle Meyer. Or, il n’y a pas une seule victime, mais probablement des centaines ! »

« Mon client est terrassé par la honte, il n’imaginait pas l’impact que cela a pu avoir chez Constance. Mais il n’y a pas non plus des centaines de victimes car beaucoup de photos ont été prises sur Internet ou dans des lieux publics, et toujours pour son usage privé, rétorque l’avocate du prévenu, Hélène Mordacq. Il a traversé une période difficile. Mais grâce à cette procédure, l’incongruité de son comportement l’a frappé. Je m’avance rarement à la place de mes clients, mais là vous pouvez être sûr que c’est derrière lui. »

Pierre Havez

Pierre Havez

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