Publié il y a 17 jours - Mise à jour le 15.11.2024 - François Desmeures - 4 min  - vu 620 fois

FAIT DU JOUR À Saint-Hippolyte-du-Fort, un architecte souhaiterait voir les 93 fontaines classées

La fontaine des griffons, devant la mairie

- François Desmeures

Architecte, Jeroen van der Goot a commencé à s'intéresser aux fontaines de son village, pour finalement en dénombrer près de 100. Loin, encore, du record d'Aix-en-Provence mais assez pour s'interroger sur une présence aussi massive et envisager un travail de classement. L'architecte s'est pris au jeu, a lancé un "consultation", intéressé la Mission patrimoine à son action. Mais se désole de ne pas trouver d'écho à son projet dans la municipalité. 

La fontaine des griffons, devant la mairie • François Desmeures

"Les fontaines, c'est un sujet magique dans la famille. J'ai commencé en lien avec l'histoire des travaux du Plan, qui m'avait mis en rogne." Le domicile de Jeroen van der Goot, équipé lui aussi d'une fontaine, donne justement sur ce Plan rénové de frais, mais dont les travaux de restauration ont vu le déplacement de la fontaine. "J'ai d'abord commencé à identifier les fontaines publiques, puis j'ai filtré par date à partir d'un certain nombre. J'ai découvert énormément d'anecdotes, notamment que  quand la municipalité de l'époque a voulu faire un réseau de fontaines basses, ils se sont rendus à la source à Cros."

De cette source partirait une conduite d'1,5 km, "qui passe sous l'Argentesse et le Vidourle", en siphon. Mais surtout, Jeroen van der Goot constate rapidement que la période de prolifération des fontaines dans le village remonte "à la période des troubles religieux, entre catholiques et protestants. Un nuage dense correspond à la période, sans doute parce que les gens étaient prisonniers des catholiques, je suppose." 

Jeroen van der Goot habite en face du Plan, à Saint-Hippolyte-du-Fort • François Desmeures

"C'est à ce moment-là que le sieur Bastide a proposé à la communauté de créer des fontaines publiques, pour toucher l'égoût. Un droit qu'il a revendu à ses voisins. Mais comme ils avaient fait une erreur de dimensionnement dans les canalisations, il restait un rab de 30%. C'est un certain Durand qui s'est porté acquéreur de cet excès." Acquérir le statut d'égoutier, cela revêtait l'intérêt de pouvoir revendre de l'eau et, donc, d'en tirer trois sous. 

"Je pensais que mes recherches allaient faire que les Cigalois auraient trouvé un sujet d'exception pour mettre en avant le bourg moribond"

Jeroen van der Goot, instigateur de la pétition pour le classement des fontaines de la commune

"Je suis parti du cadastre, avec les puits, les sources, et les fontaines. Puis, j'ai créé un groupe Facebook "Saint-Hippolyte-du-Fort insolite" et certains membres se sont montrés très intéressés." Et, rapidement, la comparaison - quelque peu démesurée - avec Aix-en-Provence a émergé. La cité aux 1 000 fontaines n'en compte, en réalité, "que" 350. Mais sur sur une surface bien plus importante "Quand on a atteint les 90 à Saint-Hippo, on a commencé à être pris au sérieux. Je pensais alors que mes recherches allaient faire que les Cigalois auraient trouvé un sujet d'exception pour mettre en avant le bourg moribond, dans lequel le tourisme baisse", s'enthousiasme alors Jeroen van der Goot. Mais son idée ne reçoit pas l'attention qu'il escomptait de la part de la municipalité. Il faut dire que les interlocuteurs partent de loin. Et que, au-delà même du projet du Plan contre lequel s'affichait Jeroen van der Goot, ce dernier n'a jamais caché son animosité envers les élus actuels. 

"La municipalité, poursuit ainsi Jeroen van der Goot, ils ont la fontaine des Griffons sous leur fenêtre, qui devrait les faire bondir : sur les douze griffons du départ, il n'y a plus que deux têtes de griffon. Cela montre qu'ils ne sont pas précoccupés par le sujet", c'est-à-dire celui devant aboutir au classement des fontaines. Un travail qui serait de très longue haleine, et juridiquement compliqué, Jeroen van der Goot espérant mettre dans le même panier fontaines publiques et privées. Et, même si sa pétition dépasse désormais les 14 400 signatures, et a obtenu le soutien de la Mission Bern, les obstacles restent nombreux. 

"On s'inscrit dans un plan de rénovation de fontaines, progressivement"

Bruno Olivieri, maire de Saint-Hippolyte-du-Fort

Côté municipalité, le maire, Bruno Olivieri, conteste de ne pas s'intéresser au patrimoine hydraulique. "On s'inscrit dans un plan de rénovation de fontaines, progressivement. On a rénové celle du Plan, celle de la place de la Canourgue et les autres seront faites petit-à-petit." Souhaitant mettre à distance les polémiques avec son citoyen cigalois, le maire salue "une très bonne initiative, de la part de M. van der Goot, je souscris à la démarche. Mais ce n'est pas que son affaire et ça doit concerner tous les Cigalois."

La fontaine de l'Église • JG

Jeroen van der Goot souligne, lui, que la pétition lui permet de faire réagir des "exilés" de la commune, que les signataires sont pour un quart cévenols, un autre quart parisiens, un troisième quart des départements proches et le dernier quart du reste de la France. Ce qui va bien au-delà de ses 1 000 abonnés sur sa page Facebook, même si lui espère jusqu'à 200 000 signatures. Mais pour Bruno Olivieri, ce que le classement - hypothétique à ses yeux - poserait comme problème serait pire que l'absence de classement. 

"Nous avons trois périmètres qui dépendent des architectes des bâtiments de France (ABF) dans la commune, explique le maire de Saint-Hippolyte-du-Fort. Si, comme chez nous pour la plupart, il n'y a pas de co-visibilité, on peut demander un avis simple aux ABF pour une modification urbaine. Je trouve le compromis intelligent. Si les fontaines sont classées, on aura de la co-visibilité de partout. On devra donc passer par l'avis conforme des ABF pour toute modification, ce qui est bien plus lourd, voire empêchera des travaux." 

Enfin, le maire soulève aussi l'aléa météorologique, même si 2024 fait exception : "Il y a quand même, aussi, la question de la ressource. Une partie des fontaines ne coule plus depuis 50 ans. Certaines, on les met en circuit fermé. Et d'autres, on nous empêche de les ouvrir en été." Ces "monuments", s'ils restent visibiles, ont donc bien souvent perdu leur destination.

Si la pétition - ou, plutôt, "la consultation", préfère Jeroen van der Goot - obtient un relatif succès sur Internet (*), on est encore bien loin des 200 000 signatures éventuellement espérées par l'habitant du Plan. "Le patrimoine local n'appartient pas qu'à nous et au conseil municipal, insiste Jeroen van der Goot en évoquant ses appuis extérieurs. Mais si les Cigalois ne soutiennent pas la demande, ce sera à prendre en compte"... 

(*) La pétition en question est à retrouver ici. Par ailleurs, Jeroen van der Goot participe à un blog où figure une partie de ses recherches sur les fontaines, à retrouver ici.

François Desmeures

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