Publié il y a 3 mois - Mise à jour le 10.09.2025 - François Desmeures - 4 min  - vu 2411 fois

FAIT DU JOUR Après 10 ans d'oignons doux en monoculture, Jérôme Daumet améliore sa production et diversifie son offre

Jérôme Daumet en plein nettoyage de ses oignons doux des Cévennes AOP bio

- François Desmeures

Implanté à Notre-Dame de la Rouvière, Jérôme Daumet avait envie d'évoluer dans sa production et de varier son activité. Il a choisi de sortir de la coopérative pour explérimenter et atteindre une production en agriculture biologique et tente des méthodes pour être plus économe en eau, avec succès pour l'instant. En parallèle, il tente d'exploiter aussi ses talents de guide d'accompagnateur de moyenne montagne. Rencontre. 

Jérôme Daumet en plein nettoyage de ses oignons doux des Cévennes AOP bio • François Desmeures

Il suffit de passer quelques épingles au-dessus de la fulature du Mazel pour atteindre l'exploitation, le Gaillou. L'appartenance à l'appellation d'origne protégée (AOP) oignon doux des Cévennes figure bien en entrée de chemin. Mais elle ne suffit plus à résumer l'activité de Jérôme Daumet, même si  c'est bien le succès des oignons qui lui a permis d'envisager autre chose. 

"Pendant dix ans, j'ai fait de l'oignon doux en monoculture, entame l'agriculteur. En conventionnel et en appellation, on était deux sur l'exploitation. Puis, mon associé a souhaité sortir du GAEC (groupement agricole d'exploitation en commun, NDLR). Je me suis posé la question de quoi faire." Dans le même temps, Jérôme est séduit par le travail mené à la coopérative Origine Cévennes, "une réflexion sur une évolution de nos pratiques et une limitation des intrants et des herbicides. Notamment pour ne pas se retrouver au pied du mur si les molécules venaient à disparaître." 

"J'avais cette fibre-là, poursuit Jérôme Daumet pour expliquer sa sortie de la coopération. Je voulais mettre en pratique ce qu'on avait eu comme expérimentation." Avec le souhait, au final, d'évoluer vers l'agriculture biologique, "pour pratiquer une rotation des cultures, avec des pommes de terre ou du tournesol de semence bio, par exemple". Les parcelles récupérées à son associé et la fin des créances lui ont autorisé la mise en marche de son projet.

"Je fais sauter de petits verrous petit à petit"

"Je suis en dernière année de conversion, poursuit Jérôme Daumet. Avant de produire, l'idée était de passer par des phases-test, sans se mettre de pression sur le résultat." Jérôme Daumet essaie de travailler en planche, pour autoriser un binage contre les mauvaises herbes. Car avec le peu de feuillage de l'oignon, l'herbe pousse et entre en concurrence avec la production. "Cette année, j'ai developpé une technique de paillage en toile tissée, récupérable sur plusieurs saisons. Je repique dans de petits trous, pour éviter l'ennherbement, en couvrant les passe-pieds pour ne pas que l'herbe y pousse non plus. Je fais sauter de petits verrous petit à petit." 

François Desmeures

Côté arrosage, l'exploitant a également troqué l'aspersion pour le goutte-à-goutte, "même au moment du repiquage". Soit de substantielles économies d'eau et un risque moindre de maladies fongiques. "Le verrou a sauté, ça fonctionne, se réjouit Jérôme. L'autre verrou, que je craignais, consistait à voir si le bulbe allait se former correctement dessous. Et, finalement, oui. C'est l'avantage de la toile tissée, elle permet un échange entre sur et sous la bâche." 

Le troisième verrou aurait pu être la couleur de l'oignon. "Il est plus coloré, plus cuivré. Mais si son protocole de séchage est optimal, la couleur est très acceptable." Et s'il s'attendait logiquement à une baisse de rendement en passant à l'agriculture biologique, Jérôme Daumet constate, cette année, une production "proche du conventionnel. Mais la météo a été de notre côté, on a été particulièrement bien servis."

Jérôme relève aussi que la culture biologique des oignons n'est pas forcément adaptée aux fonds de vallées humides et préfère les coteaux aérés, ce qui limite sa potentielle zone de production et conserve au conventionnel tout son intérêt. "Et puis, je reste prudent : le paillage et le goutte-à-goutte donnent de bons résultats. Mais ce n'est pas parce que ca a marché une fois que ça va marcher à chaque fois." Pourtant, même sous la canicule précoce de la fin juin, il a vu ses oignons résister sans problème, en conservant de l'humidité dans la terre. Reste un éventuel retour de la cicadelle, comme en 2022. "On a quand même des solutions alternaltives, avec des produits de bio-control, rassure Jérôme Daumet, même si ce n'est pas miraculeux." 

Jérôme Daumet craignait une coloration trop cuivrée de sa production mais il n'en est finalement rien • François Desmeures

Finalement, cette année, il a produit six tonnes d'oignons doux AOP sur une surface d'environ 1 000 m2. Et sa démarche intéresse : il a pu réaliser une démonstration de son travail au bord d'un champ, en présence de vingt-cinq personnes, dont des collègues coopérateurs ou des ingénieurs de l'INRAE (Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement). "L'idée est aussi d'en amener d'autres vers cette dynamique."

Mais pas de s'arrêter en si bon chemin. Car Jérôme Daumet ne cherchait pas que l'innovation, mais aussi la diversification de son activité, ce qu'il a déjà commencé à concrétiser. "Je suis, aussi, accompagnateur en montagne. J'ai l'ambition de développer l'agritourisme autour de la culture en terrasse." Celle-là même qui a façonné les paysages cévenols, et les façonnent encore dans cette haute vallée de l'Hérault. "Ce n'est pas tant pour faire du business que pour montrer comment on travaille." 

Des séjours bivouac ont déjà vu le jour, "notamment avec des tentes suspendues, en faisant passer les randonnées par les terrasses cultivées. Je pense aussi à des randos gourmandes, avec pélardons, châtaignes et oignons doux, cuits et crus." Et l'enthousiasme de Jérôme franchit un autre cap, qu'il a imaginé en pratiquant la vente directe auprès d'enseignes de Montpellier ou Nîmes. "Les magasins sont friands d'une gamme plus développée,  d'une gamme de produits transformés. Dans le futur, je souhaite développer un atelier transformation sur la ferme, un atelier-cuisine sur place."

Résolument, Jérôme a donc abandonné sans regret la mono-culture. "Peut-être que je monterai à 3 000 m2 d'oignons, mais je ne referai plus jamais un hectare", confesse-t-il. La bonne valorisation de sa production l'autorise désormais à varier ses choix professionnels, pour ajouter du plaisir au travail quotidien. 

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