Publié il y a 2 h - Mise à jour le 17.10.2025 - François Desmeures - 4 min  - vu 94 fois

FAIT DU JOUR Châtaigne des Cévennes : une AOP en bonne santé dans une forêt en danger

Nadia Vidal, président de l'AOP Châtaigne des Cévennes

- François Desmeures

De sa châtaigneraie, la présidente de l'AOP Châtaignes des Cévennes, Nadia Vidal, est partagée entre ce que l'AOP a fait gagner à la châtaigne cévenole, la joie de voir de nouveaux exploitants s'installer malgré la difficulté d'accéder au foncier, et la crainte pour l'état sanitaire de la châtaigneraie. Rencontre sur les hauteurs du Collet-de-Dèze, dans les quatre hectares de châtaigneraie de l'exploitante.

Nadia Vidal, président de l'AOP Châtaigne des Cévennes • François Desmeures

La ZX break monte doucement dans le chemin couvert de bogues récemment tombées, où quelques châtaignes écrasées témoignent du passage régulier de véhicules. Sur les hauteurs du Collet-de-Dèze (Lozère), à deux pas de la route des Crètes, direction l'une des placettes de production de Nadia et Jean-Luc Vidal, castanéiculteurs depuis 2004, qui exploitent quatre hectares de vergers ; souvent de vieux arbres, "entre 200 et 300 ans", mais aussi des parcelles en cours de résurrection.

"Ici, c'est une parcelle qu'on a coupée à blanc, puis re-greffée quatre ans après, entre 2009 et 2013, explique Jean-Luc Vidal. Normalement, il faut attendre 15 ans pour que l'arbre arrive à maturité." Malgré les deux périodes de canicule - "et les sangliers, très nombreux cette année", complète Nadia Vidal - les arbres donnent déjà, du haut de leurs 12 années.

La figarette, précoce et qui part plutôt en farine, a déjà été ramassée, "la pélégrine a commencé à tomber à la fin de la semaine dernière et la bouche-rouge commence juste, détaille Nadia. On vend la pélégrine plutôt en frais. On transforme le reste et on vend tout en direct dans les salons, les foires, comme au Miam à Alès, ou au salon de l'agriculture, à Paris, qu'on a fait pendant onze ans. Ou encore dimanche prochain, à la foire de la pomme et de l'oignon doux du Vigan."

Le ramassage des châtaignes est toujours en cours en cet automne 2025 • François Desmeures

Présidente du syndicat d'appellation, Nadia Vidal s'inscrit pleinement dans l'Appellation d'origine protégée (AOP), reconnue en janvier 2023 pour la châtaigne fraîche, sèche et en farine (et qui a succédé à l'AOC, décrochée en 2020). "On a de plus en plus de producteurs, se félicite Nadia Vidal. D'une quarantaine en 2023, on est 70 aujourd'hui." Majoritairement en Lozère, puis dans le Gard et dans l'Hérault (*), même si les voisins héraultais perdent des hectares de châtaigneraie, du fait du manque d'altitude et "du vieillissement des exploitations"

La Châtaigne des Cévennes a obtenu l'AOP en janvier 2023 • François Desmeures

L'AOP produit environ 140 tonnes. "En moyenne, on produit environ 800 kg par hectare", calcule Nadia Vidal. Qui s'écoulent très majoritairement en vente directe, à travers des produits transformés (sirops, confiture, purée, etc.). "En matière d'AOP, les collecteurs n'étaient pas notre priorité", résume la présidente de l'appellation. L'AOP couvre ainsi près de 10 % de la production cévenole, d'environ 1 500 tonnes, loin derrière le roi ardéchois, avec 5 000 tonnes.

"Même si ce n'est pas l'Amérique, il y a quand même une valorisation importante avec l'AOP, se félicite la présidente, notamment avec la châtaigne fraîche qui se paie un peu plus. En Cévennes, on n'a pas de gros calibre, comme dans le sud-ouest où ils irriguent, mais les qualités gustatives sont reconnues." Sans savoir si cela provient de l'obtention de l'AOP, Nadia Vidal dit voir "pas mal d'installations de jeunes, c'est rassurant, notamment dans la vallée du Galeizon".

À cause des sangliers et des cervidés, certaines parcelles sont clotûrées, ce qui a un coût... • François Desmeures

"Mais la difficulté, poursuit la castanéicultrice en ouvrant le chapitre des freins au développement, c'est que, quand quelque chose se vend, on se heurte à la loi de 2009 qui servait à remembrer les forêts : toute parcelle de bois de moins de quatre hectares, la Safer n'a plus de droit de préemption. Via notre syndicat national, on a essayé de faire remonter le problème pour faire abroger cette disposition pour les forêts de châtaigniers. Ça fait deux ans qu'on met la pression, mais c'est un peu en standby et avec ce qu'il se passe au niveau du Gouvernement..."

Du coup, les parcelles des châtaigniers tombent souvent dans la main du propriétaire du terrain voisin, qui n'est pas nécessairement exploitant. Et les vergers dépérissent. "Ça gêne l'installation et le développement des exploitations", conclut Nadia Vidal. Qui n'oublie pas, non plus, la véritable crise du logement de la région, soit par absence de location, soit par des ventes au tarif prohibitif. Nadia Vidal salue, en revanche, les aides à la rénovation proposées par la région Occitanie.

Une nécessité, en réalité, alors que le changement climatique frappe sèchement aux portes des Cévennes. Les vergers des versants méridionaux souffrent, ainsi que ceux qui manquent de sol profond... ou de regénération. "Le châtaignier a besoin de chaleur, mais pas sur d'aussi longues périodes, se désole Jean-Luc Vidal. On est monté jusqu'à 40° cet été, on voit la différence au niveau du calibre des châtaignes... Et puis, avec la chaleur, les précoces tombent début septembre. Mais il fait trop chaud, elles ne se vendent pas ! On a plutôt envie de manger une salade..."

François Desmeures

"On travaille actuellement sur un plan national de cinq ans, reprend Nadia Vidal, signé l'an dernier avec l'État, autour des problématiques des maladies du châtaignier et du changement climatique. Ainsi qu'avec l'INRAE (Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement), sur l'expérimentation de plants résistants. Ici, on est sur du sativa, du châtaignier endémique."

"Et si personne n'entretient la châtaigneraie, on va vers une catastrophe, alerte la présidente de l'AOP Châtaignes des Cévennes. La déprise agricole, on la voit. Et toutes les terres qui ne sont plus exploitées sont vouées aux incendies." Ça et là, au milieu des châtaigneraies, on voit d'ailleurs quelques bosquets de pins maritimes remonter de la vallée Longue.

En plus de ces études nationales et des aides régionales, Nadia Vidal veut croire aussi dans la force de suggestion de l'AOP. "Elle véhicule une image du territoire. D'ailleurs, on a des produits en prévision, comme celui de faire une route touristique de l'AOP Châtaignes des Cévennes sur les trois départements. On voudrait en profiter pour montrer tout ce qu'apportent les châtaigniers, comme nourrir les animaux sauvages ou les abeilles." En plus d'offrir, en ce moment, de superbes paysages cuivrés sur les reliefs des vallées cévenoles.

(*) Ainsi qu'un village dans le Tarn et un autre dans l'Aveyron. Dans les Cévennes gardoises, seul le causse Noir, est hors zone AOP.

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