Objectif Gard : Le Téléthon, c'est dans un peu plus d'un mois. Comment se présente cette édition, dans quel état d'esprit vous et les bénévoles êtes à l'approche de cet évènement ?
Laurence Tiennot-Herment : Toujours un peu impatients et un peu fébriles. Je crois que c'est ce qu'il faut dire à l'approche de l'évènement parce que du succès des deux jours dépendent toutes les actions que nous devons mener l'année qui suit. On n'a pas de plan B, pas d'opération de rattrapage. Quand on met le compteur à zéro, on met vraiment le compteur à zéro. Donc ça, c'est aussi extrêmement important avec des équipes sur le terrain qui par rapport au covid aujourd'hui ont retrouvé une certaine sérénité et la convivialité, de nouveaux rendez-vous, le lien social sur le terrain, pouvoir organiser des grands rassemblements, des dîners, des déjeuners. Donc des moments où on se retrouve tous. Et puis, on a plein de bonnes nouvelles à partager avec toutes celles et tous ceux qui font le Téléthon, des traitements. En 2021, le premier traitement pour l’amyotrophie spinale (une maladie neuromusculaire génétique rare, NDLR) commençait tout juste à sortir. Aujourd’hui, près de 5 000 enfants ont pu être traités avec ce médicament de thérapie génique, qui aujourd'hui sauve la vie des enfants.
Donc il y a du concret qui débouche du Téléthon ?
Il y a du concret qui sort de cette mobilisation qui est énorme chaque année. Il y a du concret qui sort des laboratoires du Téléthon, des équipes de recherche du Téléthon qui sont financées grâce aux moyens de la générosité publique. Quelle est l'organisation qui peut s'enorgueillir d’avoir créé ses propres laboratoires de recherche parce qu'on a cru à telle stratégie, la génétique, la thérapie génique, des thérapies innovantes ? Nous avons créé nos propres labos grâce évidemment à la générosité publique, recruté nos propres équipes de recherche. La grande majorité des chercheurs, ils cherchent toute leur vie. Ils sortent de belles publications, mais pas forcément des candidats médicaments qui vont devenir de vrais traitements. Dans nos labos, ce que l'on demande à nos chercheurs, c'est de partir de la paillasse, puis de tester chez la souris avant de pouvoir tester chez l'homme pour qu’ensuite, ça devienne un traitement. Et ça, le fait de passer de la recherche aux médicaments et d'être cette association qui a créé ses labos, recruté ses équipes et aujourd'hui que nous soyons à l'origine de traitements qui sauvent des vies qui sont nés dans ces labos, ça mérite d'être souligné. Et si nous n'avions pas eu cette générosité-là, nous n'en serions pas là. Il faut aussi cette détermination, ces choix scientifiques courageux pour aller de la paillasse jusqu'au lit du malade. C’est vraiment un objet de fierté et les mots sont bien fades par rapport au caractère exceptionnel de ce que collectivement nous avons réussi à faire.
7 000 maladies rares
Pouvez-vous donner un exemple de thérapie aujourd'hui en place ?
Sur les affiches du Téléthon, on a le petit Noé, qui est concerné par l’amyotrophie spinale, une maladie rare, mortelle dans la majeure partie des cas avant l'âge de deux ans pour les enfants. Aujourd'hui, un médicament, un traitement de thérapie génique, est né au sein de notre laboratoire Généthon, c'est une injection en une fois qui corrige le gène à l'origine de la maladie chez ses enfants. Grâce à ce traitement, des bébés qui étaient condamnés aujourd'hui vivent, fêtent des anniversaires. Je suis invitée à des anniversaires d'enfants de 5, 6 ans alors qu’ils n'auraient pas vécu au-delà de deux ans s'il n'y avait pas eu ce traitement de thérapie génénique. Et ça, ça fait partie des résultats depuis ces cinq dernières années où il y a une accélération des succès thérapeutiques. Le petit Paulin (qui figure sur une autre affiche, NDLR) a la myopathie de Duchenne. Pour cette maladie, nous en sommes au stade des essais chez l'homme d’un traitement de thérapie génique, lui aussi né au sein du laboratoire Généthon. Trois enfants ont été traités à la dose thérapeutique avec des résultats extraordinaires.
Rappelons que la myopathie de Duchenne est une maladie mortelle, et une des maladies rares les moins rares, avec 150 à 200 nouveaux cas par an.
C’est effectivement une des maladies rares les moins rares, c'était la maladie de mon fils. On peut dire qu’elle est emblématique de notre association, c’est une maladie évolutive mortelle et une maladie très complexe, une des plus complexes des 7 000 maladies rares. Les malades décèdent entre 20 et 35, 40 ans. Mais aujourd'hui, on a des résultats chez trois enfants à la dose thérapeutique. Il faut qu'on multiplie ça sur 64 enfants, et là il nous faut plus de 115 millions d'euros sur trois ans, juste pour cette maladie et pour cette stratégie thérapeutique. Il y a 7 000 maladies rares. Donc la bonne nouvelle, c'est qu'il y a des traitements qui sauvent des vies. L'autre bonne nouvelle, c'est que ça a généré une accélération avec de plus en plus de candidats médicaments qu’il faut tester chez l'homme. La moins bonne nouvelle, c'est que ça coûte énormément et que ça dépend très majoritairement des fonds du Téléthon.
« L’accompagnement, une mission forte de l’AFM »
Avec à terme l'espoir de voir ces enfants guérir ?
Exactement. Un autre gros enjeu est de pouvoir les traiter le plus tôt possible. Et là aussi on se bat pour le dépistage néonatal dans ces maladies-là pour lesquelles aujourd'hui il y a des traitements dont on sait que quand ils sont administrés le plus tôt possible, ils sont le plus efficace possible. On a beaucoup de combats à mener pour développer la recherche, faire que ça donne des traitements, faire qu'il y ait du dépistage néonatal dans ces maladies pour que les bébés et les enfants soient traités le plus tôt possible. Et puis aider, accompagner les familles en attendant les traitements.
L’accompagnement des familles, c’est aussi une des missions de l’AFM-Téléthon ?
Oui, l'accompagnement, c'est aussi une mission forte de l’AFM. Aider les familles dans leur parcours de vie, parce que quand on vient d'apprendre qu'on a une maladie rare, que ça va être évolutif et qu'il n'y a pas d'autre solution s'il n'y a aucun traitement, il faut être accompagné. Quelle va être la consultation spécialisée de proximité ? Est-ce que je vais trouver un kiné ? L’école, je veux quand même que mon enfant soit scolarisé, mais comment informer l'équipe pédagogique, il va y avoir besoin de telle ou telle aide technique, quels sont mes droits ? Il y a le malade et sa famille, et tout autour une jungle d’interlocuteurs auxquels ils sont confrontés. Donc nous avons des salariés qui accompagnent les malades et les familles dans ce parcours de santé pour essayer de le rendre le plus fluide possible.
Le Téléthon, c'est aussi beaucoup de bénévoles sur le terrain qui vont mener des actions. L’idée de votre venue à Roquemaure était aussi de venir à leur rencontre ?
Exactement, c'est pour venir à la rencontre des bénévoles, des familles aussi. C'est une reconnaissance pour les bénévoles. Ça encourage, et puis ça nous fait beaucoup de bien aussi de venir sur le terrain. Un président qui se coupe du terrain, ce n'est pas très bon. Je suis très souvent sur le terrain, il faut un juste équilibre pour porter les bons messages, les bons plaidoyers jusqu’au plus haut niveau de l'État, et concernant les malades, les familles et les bénévoles, il faut pouvoir les rencontrer, comme ici à Roquemaure, où je n’étais jamais venue.
Plus d’informations sur le Téléthon ici.
Quelques chiffres
Roquemaure fait partie de la coordination Gard Nord, qui couvre 201 communes, dont Bagnols et Alès.
À ce jour, 54 communes sont déjà mobilisées pour l’édition 2025, dont Bagnols, Montclus, Roquemaure, Saint-Alexandre, Saint-Geniès-de-Comolas, Saint-Pons-la-Calm, Saint-Victor-la-Coste ou encore Sauveterre, où des événements seront proposés.
422 000 euros ont été collectés sur la zone Gard Nord en 2024 dont 181 000 euros grâce aux 126 actions de terrain organisées dans 70 communes par des bénévoles.