Publié il y a 2 ans - Mise à jour le 04.09.2022 - marie-meunier - 6 min  - vu 2640 fois

FAIT DU JOUR Martin Roy, le facteur adoré de Sauveterre de retour après sept mois d'hospitalisation

Martin Roy au côté de sa compagne, Sylvie Leignel. (Marie Meunier / Objectif Gard)

Il y a des histoires dramatiques à l'issue tragique. Heureusement, celle de Martin Roy se termine bien. Le facteur des Sauveterrois et une partie des Roquemaurois a été touché par la forme la plus grave du covid-19 et a bien failli y laisser sa vie. Pendant ses sept mois d'hospitalisation, l'homme a bénéficié d'une immense vague de soutien de ses proches, des habitants et même bien au-delà. 

C'est parfois dans les moments les plus durs que la nature humaine montre ce qu'elle a de meilleur. Encore aujourd'hui, Martin Roy n'en revient pas de toute la chaleur, la compassion et l'empathie dont ont fait preuve les Gardois. Lui et Sylvie Leignel, sa compagne, leur adressent "mille mercis". Ils étaient d'ailleurs nombreux à être présents lors de son pot de retour en août pour témoigner de leur attachement et leur soulagement. Arrivé en France il y a 22 ans, Martin Roy est facteur depuis 13 ans à Sauveterre et cinq ans à Roquemaure. Son accent trahit ses origines québécoises mais marque les mémoires dès la première rencontre. Il lui vaut quelques surnoms un peu cliché, mais affectueux tels que "le Caribou", "le Bûcheron" ou "le Canadien".

Martin se décrit comme un facteur à l'ancienne. Il prend le temps de sourire, de parler aux habitants. "Mon patron aura beau me mettre la plus grosse tournée, je prendrai toujours le temps de dire bonjour", assure-t-il. Et d'ajouter : "J'ai une magnifique relation avec Sauveterre, c'est mon village de coeur." Pendant des années, il a porté les nouvelles aux autres. Aujourd'hui, ce sont les autres qui prennent des siennes et lui font parvenir des messages plein d'espoir. C'est peut-être un juste retour des choses après tout...

Nous rencontrons Martin Roy au hameau de Four, à Sauveterre, dans l'appartement de sa compagne, Sylvie Leignel. Il nous accueille avec un grand sourire, relié à sa bouteille d'oxygène par une canule. Il est encore difficile pour cet homme de 61 ans de sortir et de marcher. Ses poumons ont été très abîmés par le virus, ses muscles restent très douloureux. Son emploi du temps est rythmé par la rééducation deux fois par semaine chez le kiné, par les séances d'altères et par les visites de son entourage. "Je ne devrais plus être là aujourd'hui alors beaucoup de monde veut me voir", glisse-t-il en préambule.

"Je pensais partir pour deux jours (...) Je suis revenu sept mois plus tard"

Le 25 décembre 2021, la vie de Martin Roy a basculé, alors que le facteur était très heureux. C'est la première fois en treize ans qu'il est en vacances à Noël et au jour de l'An. Des congés qu'il compte bien passer auprès de sa chère Sylvie, avec qui il est en couple depuis un an et avec qui il cherche une maison pour s'installer à deux. À ce moment-là, l'épidémie de covid-19 connaît une nouvelle vague : "J'avais conscience qu'il y avait quelques cas. Pour moi, la maladie pouvait vous clouer 15 jours au lit au pire des cas", s'imaginait-il. Malheureusement, Martin Roy va développer la forme la plus virulente du virus.

Mal en point, il décide d'effectuer plusieurs tests. À chaque fois, la disquette devient "rouge écarlate" au bout de quelques secondes seulement. Aucun doute, il a attrapé le covid et reste enfermé chez lui, à Laudun-l'Ardoise. Quelques jours plus tard, se sentant au plus mal, les pompiers l'emmènent au centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze : "On m'a dit de préparer un sac, je ne savais même pas quoi mettre dedans. Je pensais partir pour deux jours le temps de me rétablir. Je suis revenu sept mois plus tard." Rapidement, Martin Roy est transféré sur Alès et les médecins lui annoncent le 12 janvier 2022 qu'on va devoir le placer dans le coma car son état se dégrade trop vite. "On m'a demandé si je voulais écrire à mes proches avant. Je ne pouvais pas. Trente minutes plus tard, je suis seul dans mon lit d'hôpital, ça va mal. J'ai finalement envoyé un SMS à Sylvie et à mes filles (âgées de 16, 10 et 22 ans)", se remémore avec émotion le facteur. Ce message, Sylvie le verra cinq minutes après envoi. Trop tard pour avoir une réponse de son homme. Dedans, il lui annonce que c'est sûrement la dernière fois qu'il lui écrit. Tout s'écroule.

À Sauveterre, les habitants s'inquiètent de l'absence de leur facteur et s'interrogent sur les réseaux sociaux. Sylvie répondra que Martin est dans le coma. Elle commencera ainsi à donner chaque soir des nouvelles sur Facebook. Ses publications sont suivies assidument par les habitants mais pas seulement. L'histoire de Martin trouvera écho au-delà du Gard, jusqu'en Charente, en Suisse, au Québec et même au Gabon. Très croyante, Sylvie prie pour le réveil de son homme et invite chacun à en faire de même. Elle élève sa foi pour donner toutes les chances de survie : "J'avais enfin trouvé une lumière dans ma vie et j'allais la perdre. C'était inconcevable que l'on éteigne mon rayon de soleil." Autour d'elle, un cercle de solidarité se crée. Elle qui ne connaissait personne à Sauveterre se fait harponner à chaque fois qu'elle sort dans la rue au sujet de Martin et reçoit de l'aide et une écoute incroyables.

Pink Floyd à fond dans la chambre d'hôpital

À l'hôpital, Martin devient le patient le plus ancien du service de réanimation. Infirmiers et aide-soignants tentent de le stimuler dans le coma en mettant de la musique dans sa chambre. Et pas n'importe laquelle : du blues et... Pink Floyd ! Même en pleine nuit. Mais son état de santé ne s'améliore pas. Les médecins estiment qu'il n'a plus qu'1 % de chance de s'en sortir. On annonce le 22 février à Sylvie et aux filles que leur papa va être débranché. C'était sans compter l'avis d'un médecin qui a tapé du poing sur la table et a finalement fait changer d'avis ses confrères. Après plusieurs tentatives de réveil, Martin Roy ouvrira miraculeusement les yeux le 1er mars. "J'étais là. Rien ne bougeait, il y avait juste ce regard intense et un sourire", se rappelle sa compagne.

Encore très médicamenté, le facteur a dû mal à distinguer la réalité des rêves. De son coma, il se rappelle encore des cauchemars où il est allongé par terre dans un garage, il n'arrive pas à se relever, il entend des voix mais personne ne vient l'aider. Les jours passent et petit à petit, le corps se remet en marche. Mais il attrape de multiples infections : champignon, bactérie, staphylocoque et une pneumonie. Au point que le 1er avril, les médecins décident de le replonger dans le coma. Le temps joue cette fois contre lui. Le 4 avril, "le warrior" se réveille à nouveau. Son moral en prend un coup quand il se rend compte que tous les progrès faits pendant un mois sont perdus. Martin doit tout réapprendre : à bouger ses doigts, ses mains, à parler, à respirer... Difficile au début de lire sur ses lèvres. Encore aujourd'hui, sa voix est étouffée à cause des effets de la trachéotomie qui a écrasé ses cordes vocales.

Retour à la maison en août

À la douleur se rajoute la peur de devenir un poids pour son entourage. Sylvie le rassure : il ne sera jamais un "boulet". Le 15 mai, Martin Roy quitte le service de réanimation. Le 3 juin, il intègre le centre de rééducation respiratoire Folcheran en Ardèche où il réapprend à marcher, à pédaler, sous les encouragements de l'équipe encadrante. À chaque séance, l'évolution est positive, même si ça ne va pas assez vite à son goût. Début août, il peut enfin rentrer chez lui.

Le chemin vers la guérison totale est encore long. Martin Roy voulait reprendre son métier qu'il aime tant au printemps, mais il ne sait pas encore s'il sera remis. Il vit encore sous oxygène 24h/24 mais il est là. C'est le plus important. "On a appris à relativiser. Il faut apprécier ce qu'on a plutôt que chercher le bonheur ailleurs", atteste Sylvie. Et Martin de rebondir : "On n'est pas sur un nuage, on est conscient qu'il y aura des problèmes mais quand on vit de belles choses, il faut en profiter." C'est bien le message que ce couple, soudé plus que jamais par l'épreuve, veut faire passer à ceux qui font face à la maladie : de ne pas perdre espoir et de ne pas s'empêcher de dire aux autres qu'on les aime.

Marie Meunier

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