FAIT DU SOIR Le social et médico-social en grève : "Les précaires accompagnent les précaires"
Ce jeudi 4 avril a été marqué par une grève nationale du social et médico-social. Dans le Gard, plusieurs piquets de grève se sont formés devant les établissements avant le grand rassemblement devant la préfecture, à Nîmes, à midi.
"On n'a jamais été aussi nombreux", assure Stéphane Vervacke, membre du collectif Travail social du Gard et aussi éducateur spécialisé à l'IME (institut médico-éducatif) de la Barandonne. Environ 90 % des personnes travaillant dans cet établissement de Pont-Saint-Esprit ont débrayé ce jeudi matin. Quasiment tous les métiers du secteur étaient représentés : éducateurs, secrétaires, agents de service, paramédicaux... Le piquet de grève a été tenu jusqu'à 10h à l'entrée de l'IME de Pont-Saint-Esprit et devant d'autres établissements gardois. Certains ont ensuite repris le travail, d'autres ont continué la mobilisation à Nîmes.
Si les hommes et les femmes du social et médico-social sont en grève, c'est qu'ils espèrent des moyens à la hauteur de leur mission. Celle de s'occuper convenablement des autres. "On nous demande de rendre un service de qualité mais il faut en face un budget de qualité. Le compte n'y est pas", déplore Salem Bouzehrir, délégué syndical et conseiller départemental Sud Santé Sociaux Gard-Lozère.
"Il y a un sentiment général de manque de considération des professionnels qui est justifié"
Le secteur espère de plus grandes ambitions budgétaires et des salaires plus élevés qui aujourd'hui ne suivent pas l'inflation et subissent le gel du point. "Nos salaires sont bas, les métiers plus du tout attractifs. Nos conditions de travail sont également compliquées. On est l'un des métiers où il y a le plus de burn-out. On juge que les conditions d'accueil pour le handicap, pour la protection de l'enfance, ne sont pas satisfaisantes non plus. Beaucoup trop d'enfants sont sur liste d'attente et ce n'est pas acceptable", liste Stéphane Vervacke.
L'attribution de la prime Segur de 183 € divise encore le secteur. Si les éducateurs y ont finalement eu le droit, les métiers support (cuisinier, agents d'entretien, secrétaire) ne sont pas éligibles. Alors que ce sont souvent des métiers mal rémunérés, parfois en-dessous du SMIC. Les salariés sont souvent contraints de trouver un complément de salaire pour vivre décemment. Mathieu Marque, le directeur adjoint de l'IME La Barandonne, soutenait d'ailleurs les grévistes ce matin : "Il y a un sentiment général de manque de considération des professionnels qui est justifié. Tout le secteur de la psychiatrie, du médico-social et de la protection de l'enfance est en colère. Une société qui va bien, c'est une société qui s'occupe bien de ses enfants en difficulté. Pour cela, il faut des professionnels rémunérés à leur juste valeur pour s'en occuper."
À Nîmes, 140 personnes étaient rassemblées devant la préfecture
Les grévistes s'opposent aussi à la fusion des conventions collectives chapeautée par Axess qui pourraient leur faire "perdre des congés et imposer des salaires au mérite avec la disparition des grilles", alerte Stéphane Vervacke, qui ne veut pas de convention au rabais. À Nîmes, Jacques Moscovitch, membre du bureau de la fédération nationale de l’action sociale France Ouvrière, soutient : “Monsieur Laforcade a été missionné par Jean Castex pour mettre en place une convention collective unique. Et c’est du chantage ! On nous dit que l’ensemble des salariés pourront prétendre éventuellement aux 183 € à condition de négocier une convention collective unique.” Les manifestants souhaitent maintenir la convention collective actuelle datant du 31 octobre 1951 et du 15 mars 1966.
“Aujourd’hui les précaires accompagnent les précaires”
Comme dans la fonction publique, le secteur du médico-social a subi le gel du point d’indice des salaires. “Notre salaire est gelé depuis 25 ans donc il ne suit pas l’inflation. Par rapport au pouvoir d’achat nous avons perdu 400 €. Alors nous demandons un rattrapage, et nous souhaitons être augmentés de 400 €”, lance Franck Walther, éducateur spécialisé, co-secrétaire du syndicat Sud Santé-Sociaux Gard Lozère et membre du collectif travail social du Gard. Les professionnels demandent de l'aide au gouvernement. "Toutes nos conditions de travail se précarisent. Nous devenons aussi précaires que ceux qu’on accompagne", certifie Élodie Cayuela, conseillère au sein du centre d'accueil pour demandeurs d’asile pour l’association La Clède.
Avec l’inflation, les travailleurs sociaux ont de plus en plus de mal à s’en sortir. Bernadette Elziere, secrétaire de l'action sociale Force Ouvrière du Gard, confie : “Nous ne venons pas travailler pour recevoir une misère. J’ai des collègues qui sont payés en-dessous du SMIC, ce n’est pas normal. Un million d'euros d’économies sur le sanitaire médico-social… On fait des économies sur les gens les plus faibles”. Des travailleuses sociales de La Croix-Rouge s’inquiètent : “Nous demandons les 183 € pour toutes et tous. Aujourd’hui, ce sont des précaires qui accompagnent des précaires. La situation est très inquiétante."
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