FAIT DU SOIR Plus de réseau à Pissevin : “Nous sommes en condition carcérale”
Victime de vols et d’actes de vandalisme du matériel, l’opérateur Orange a stoppé toutes ses interventions dans le quartier de Pissevin à Nîmes depuis septembre 2022. Les habitants se retrouvent sans réseau et réclament une solution. En vain.
“Ça fait quatre ans que ce problème perdure sans être résolu”, s’exclame Younes Amazian, un habitant de Pissevin. Depuis 2019, une partie des habitants du quartier rencontre des difficultés avec le réseau Internet. Orange est propriétaire du réseau dans le quartier. Problème, l’opérateur est victime depuis quatre années de nombreuses dégradations et d’une vingtaine de vols de câbles. “Apparemment, ils ont tout brûlé”, raconte une habitante. Depuis, plus de 30 plaintes ont été déposées. Chaque fois, la société de télécommunication venait restaurer les câbles mais sans issue puisqu'à chaque fois le réseau était à nouveau détérioré.
“Depuis quelques années nous n’avons plus accès à Internet. Ils nous ont coupé l’ADSL et la fibre optique”, indique Younes. En effet, depuis septembre 2022, Orange a suspendu ses interventions techniques de la fibre optique et du cuivre dans le quartier. Aliou Thioub, résident à Pissevin, est professionnel dans le câblage et le réseau Internet. Il explique : “Comme personne n’a accès à Internet, la solution des opérateurs est de booster les abonnements mobiles des clients pour qu’ils puissent se rabattre sur leur téléphone. Alors, tous les habitants impactés sont sur la même antenne et le réseau sature donc même sur le téléphone, tu ne peux plus te connecter.” Il reprend : “Un bon nombre de gens sont sans Internet, sans télé ni téléphone. C’est digne des conditions carcérales.”
Le problème des opérateurs
“On se fait facturer 39,99€ pour avoir une box Internet qui est saturée.” Les habitants sont excédés. “Free nous a conseillé la box 4G mais elle beugue très souvent. Quand ma famille a besoin de remplir des dossiers administratifs, c'est presque impossible”, explique un jeune du quartier. Younes constate le même problème : “Pour faire nos démarches administratives sur Internet, c’est très compliqué. On fait recharger des pages en continu en espérant que ça marche. Puis, ma mère travaille sur l’ordinateur et quand elle se connecte pour accéder à ses plateformes, c’est très difficile.”
“Sur les septs mois de service qu’ils nous ont facturés, nous n'avons eu qu’un seul mois d’Internet”, affirme Younes. En effet, les habitants continuent à payer les opérateurs pour accéder à la fibre optique… pour rien ! “Tous les mois nous payons notre abonnement alors qu’on a plus de réseau Internet. J’ai voulu tout résilier mais Free m’a annoncé que je ne serais pas remboursé si je procédais ainsi. Alors, j’ai demandé un remboursement mais depuis je n’ai plus de nouvelles. Donc je paye pour rien”, explique un résident de 26 ans. Aliou, lui, a pu régler le problème : “Je viens d’avoir un remboursement de 10 mois de paiement par SFR. J’ai dû faire beaucoup de démarches pour qu’ils me remboursent 500€. J’ai dû payer 500€ pour des services que je n’ai jamais eu.”
Armando Melim est directeur Orange des relations avec les collectivités locales du Gard. Il explique : “On ne s’est pas désengagé du quartier Pissevin, nous sommes toujours présents sur le réseau mobile.” L'opérateur Orange reste attentif à l’évolution de la situation. Un retour au calme dans le quartier permettrait d’envisager les interventions techniques dans un contexte plus serein pour les techniciens. De plus, la société de télécommunication attend une garantie de sécurisation des infrastructures réseaux. Le directeur affirme : “Notre objectif est de revenir le plus vite possible dans le quartier Pissevin. Nous sommes une entreprise privée qui essaye d’avoir le maximum de clients quel que soit le quartier. Nous prenons tous les clients."
Un soutien espéré
“On aimerait se faire entendre auprès de la Mairie de Nîmes afin qu’ils puissent nous aider à trouver une solution”, demande Younes Amazian. Les habitants attendent du soutien. “Aujourd’hui dans le quartier de Pissevin il n’y a plus d’institution. Avant nous avions la police, maintenant tout a été délocalisé. Il ne faut pas s'étonner de la misère et du climat qui règne dans ce quartier. C’est de la ghettoïsation”, affirme un représentant du quartier. Les habitants se sentent délaissés par les instances que ce soit par la Mairie ou par la préfecture.
"Dans cette situation, la solution n’est pas au niveau de la ville, renvoie Frédéric Escojido, élu de la ville de Nîmes. Elle est au niveau d’Orange qui est l’opérateur d'infrastructure. Et, la responsabilité, en termes de sécurité, revient à l’État même si la police municipale peut aider.” En septembre 2022, la ville a réuni la société Orange, la préfecture du Gard et un représentant des polices nationale et municipale afin de régler le problème. Pourtant, les problématiques persistent. “Nous avons essayé de réagir mais en même temps ce n’est pas nous qui sommes aux manettes”, prétend Frédéric Escojido.
“Il existe un rejet des responsabilités des institutions. Habitat du Gard ne veut pas sécuriser le réseau et les câbles. Tous les garages sont condamnés donc normalement personne devrait y avoir accès or toutes les portes sont ouvertes. Les locaux qui devraient avoir des clés spéciales sont accessibles. C’est dans ces sous-sols qu’il y a des incendies et des vols”, explique un professionnel de la fibre. Habitat du Gard informe qu’une partie des habitants demandent à ce que les sous-sols restent ouverts, d’autres qu’ils les ferment. “Et quand on met des portails automatiques ils sont vandalisés aussitôt. Nous sommes aussi victime de ces multiples dégradations qui gâchent la vie des habitants”, explique le bailleur social.
"Créer un collectif et tout réparer nous-mêmes"
Les habitants essayent tant bien que mal de trouver des solutions.“Orange dit que les techniciens ne veulent plus se déplacer. Dans notre quartier il y a beaucoup de professionnels de la fibre donc on pourrait créer un collectif et tout réparer nous-mêmes, affirme Aliou Thioub. Moi, je suis prêt à y participer.” Ils attendent le feu vert de la Municipalité. “Nous sommes disponibles. Après c’est à la Mairie de nous contacter. Nous avons déjà essayé de les rencontrer mais nous n’avons jamais eu de réponses. Puis ce n’est pas à nous de régler les problèmes de la Ville, même si nous sommes prêts à aider.” En dépit de leurs nombreuses sollicitations et demandes de solutions, les habitants de Pissevin espèrent encore une solution satisfaisante alors que leurs différents interlocuteurs se renvoient la balle.
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