Publié il y a 4 h - Mise à jour le 08.05.2025 - Propos recueillis par Romain Fiore - 4 min  - vu 71 fois

L'INTERVIEW Marc Lévy : « Il faut protéger la liberté en permanence »

Marc Levy

Marc Lévy pourrait venir en présentiel à Saint-Christol-les-Alès et au lycée Jacques-Prévert à l'automne prochain. 

- Romain Fiore

Engagé en tant que parrain, dans le projet d'un concours de composition épistolaire avec les lycéens du lycée Jacques-Prévert de Saint-Christol-les-Alès, l'écrivain Marc Lévy a pris le temps d'échanger sur le sujet de l'engagement et la résistance en visioconférence depuis New-York. 

Objectif Gard : À l'occasion du 80e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, vous avez décidé de collaborer avec le lycée Jacques-Prévert de Saint-Christol-lès-Alès afin de rendre hommage aux résistants. Est-ce courant que vous travailliez avec des lycées sur des projets importants comme celui-ci ?

Marc Lévy : Je fais pas mal de rencontres dans des lycées, pas spécialement pour parler du livre Les Enfants de la liberté, sur lequel les élèves ont travaillé. De manière plus générale, c’est pour parler du rôle du livre, de l’écriture, et de questions touchant à la liberté, notamment la liberté d’expression. C’est quelque chose que je prends plaisir à faire, parce que l’époque dans laquelle on vit nous montre à quel point il est important de rester très vigilants — plus que jamais d’ailleurs — sur la protection de ces valeurs. Donc je le fais deux ou trois fois par mois, mais pas dans le cadre de projets sur la Résistance, qui restent assez uniques.

Marc Lévy
Marc Lévy est l'auteur français le plus traduit à l'étranger dans le monde. • D.R.

Vous habitez depuis quelques années à New York, aux États-Unis, un pays qui a vu le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche et où se posent beaucoup de questions autour de la liberté d’expression, valeur que vous défendez. Selon vous, la démocratie est-elle en danger actuellement ?

J’en suis convaincu. Je pense même qu’on est à une frontière extrêmement dangereuse, proche d’un retour vers des régimes autocratiques, vu le récent développement de la situation politique aux États-Unis, qui est absolument catastrophique. C’est aussi inquiétant que ne l’a été la montée du nazisme en 1937. On voit aujourd’hui se dessiner un axe autoritaire et autocratique entre l’Amérique de Trump, la Russie de Poutine et la Chine de Xi Jinping. Ceci est la conséquence d’un phénomène que j’évoquais déjà il y a cinq ou six ans dans un roman intitulé C’est arrivé la nuit, à savoir l’alliance — comme ce fut le cas avec le nazisme — entre des milliardaires, des puissances financières majeures, et des régimes autocratiques, pour imposer un contrôle sur les populations et favoriser un enrichissement toujours plus important. C’est un phénomène qui se propage. Bien sûr que la démocratie est en danger. C’est précisément la raison pour laquelle Donald Trump s’allie avec la Russie de Poutine : parce qu’il s’agit d’un système d’autocratie capitaliste. Et il s’attaque à l’Europe, car c’est le dernier bastion de la démocratie.

Marc Levy
L'écrivain français était en visioconférence depuis New-York.  • Romain Fiore

Les jeunes se sont demandé quelles actions ils pouvaient mener pour préserver cette démocratie. Que leur répondez-vous ?

On en revient au roman Les Enfants de la liberté : c’est une question d’engagement et de vigilance. Le propre des autocraties et des dictatures, c’est de nous submerger d’informations qui nous écrasent, qui nous donnent l’impression que la montagne est trop immense pour qu’on puisse y faire quoi que ce soit. Or, c’est faux. Il y a beaucoup de choses que vous pouvez faire.
Aujourd’hui, le pouvoir, c’est l’argent. Si certains sont milliardaires, c’est parce qu’on achète leurs produits. Donc, demain, vous pouvez faire un choix militant : choisir vos modes de consommation, arrêter d’acheter leurs produits et de les enrichir. Les sanctions économiques, c’est à nous, les consommateurs, de les appliquer. Et c’est aussi à nous de faire respecter les lois en Europe sur la désinformation. Ensuite, vous avez un deuxième pouvoir : celui de l’engagement. Il est essentiel de s’informer, de bien s’informer, et de savoir distinguer les vraies informations des fausses. Quand on lit le livre, on se dit que les enfants qui étaient dans la Résistance en 1941 avaient une sacrée dose d’optimisme pour agir, et ils l’ont fait. Et c’est quand même la liberté qui a triomphé.

Les élèves du lycée ont participé à un concours épistolaire autour du récit d’une personne ayant pu croiser Ange Alvarez, résistant originaire de la commune et membre du train fantôme, que vous évoquez dans votre roman. Quels conseils leur avez-vous donnés ?

Je leur ai dit de ne pas oublier que ce qui caractérisait Ange Alvarez, comme tous les résistants, c’était leur formidable humilité. Ensuite, qu’ils considéraient ce qu’ils ont fait non pas comme un acte héroïque, mais comme quelque chose de normal. Quand j’ai interrogé mon père et ses amis, ils me disaient : « Nous ne sommes pas des héros, nous avons simplement fait ce qu’il fallait faire. » Il faut aussi garder en tête qu’ils avaient le même âge que ces lycéens, qu’ils portaient les idéaux de la jeunesse. Et enfin, je leur ai conseillé d’écrire avec le cœur. L’écriture, c’est un moyen de dire sur une feuille ce qu’on n’arrive pas à dire à voix haute.

Marc Lévy
Sept classes étaient présentes en visioconférence avec Marc Lévy.  • Romain Fiore

Aujourd’hui, nous commémorons les 80 ans de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Vous avez longuement parlé de liberté aux lycéens. Que signifie pour vous ce mot, liberté, 80 ans plus tard ?

Le mot liberté appartient à la catégorie des mots qui portent en eux des idéaux. Je suis né avec cet héritage. Mes deux grands-parents sont morts à Auschwitz, je ne les ai jamais connus. Et qu’est-ce qui a rendu possible ces horreurs ? La privation de la liberté. Il faut la protéger en permanence. Et ce qui m’a appris cela, ce sont Les Enfants de la liberté, le titre de cette œuvre. C’est un livre avec lequel j’espérais toucher les jeunes, même si je ne l’ai pas écrit uniquement pour eux. J’ai voulu l’écrire en pensant beaucoup à votre génération.

Propos recueillis par Romain Fiore

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