Publié il y a 1 jour - Mise à jour le 05.06.2025 - Thierry Allard - 4 min  - vu 826 fois

LUSSAN « Un coup de feu, et Capel tombe » : 27 ans après, les gendarmes se souviennent de leur collègue mort en service

Les trois frères de Richard Capel aux côtés du commandant de la compagnie de Bagnols Julien Delobel, ce jeudi matin devant la stèle à Lussan

- Thierry Allard

Comme chaque année, ce jeudi matin les gendarmes ont rendu hommage au maréchal-des-logis-chef Richard Capel, tué en service à la Lèque, un hameau de Lussan, en 1998, en présence de l’adjudant-chef Jean-Paul Lambert, blessé gravement ce jour-là.

C’était un jour de début de printemps comme les autres. Ce 24 mars 1998, un équipage de la brigade de Lussan part pour un contrôle de routine d’un camping-car installé depuis trois jours en lisière du hameau, dans un coin reculé. Il faut dire que depuis quelques temps, les habitants du coin ont signalé des vols, alors la présence de ce camping-car intrigue.

Jean-Paul Lambert, désormais retraité, n’a pas oublié cette journée qu’il avait passée en planque aux Concluses, à quelques kilomètres de là, où des vols avaient été signalés. Il rentre à la brigade, prend sa douche et Richard Capel lui demande alors de venir avec lui contrôler le fameux camping-car. « Richard était planton ce jour-là, il n’aurait pas dû venir », se souvient-il. Qu’importe : réputé rigoureux et « pas du genre à faire de cadeau », dit de lui son ancien collègue, Richard Capel laisse un de ses collègues le remplacer en tant que planton.

« Je me retourne, et il me tire dessus à bout touchant »

« On arrive, on fait le tour du camping-car, et on tombe sur un gugusse avec un chien, qui avait préparé un feu de camp qu'il n'avait pas encore allumé, se remémore Jean-Paul Lambert. Nous lui disons qu’il est dans la garrigue, qu'il y a du mistral et qu'il doit aller à l'aire de Méjannes-le-Clap, et on lui demande de nous présenter ses papiers. » L’homme part alors chercher ses papiers dans le camping-car immatriculé en Suisse, qui s’avèrera volé. Richard Capel, lui-même chasseur, fait remarquer à son collègue que l’homme est en treillis et pourrait être chasseur lui-même, donc pourquoi pas armé. Ils ne le savent pas encore, mais l’homme qu'ils contrôlent dispose d’un véritable arsenal dans le camping-car.

Les recherches des papiers s’éternisent. « Il nous dit qu’il ne sait plus où il les a mis, je lui réponds qu’on a tout notre temps », poursuit Jean-Paul Lambert. Alors qu’il converse avec son collègue, les choses virent au drame : « Tout à coup, un coup de feu, et Capel tombe, raconte le gendarme Lambert. Je me retourne, et il me tire dessus à bout touchant avec une chevrotine à canon scié. » Le gendarme n’a pas le temps de comprendre ce qu’il se passe qu’il aperçoit sur son agresseur, « le fusil dans une main et un pistolet dans l’autre. Je me dis que c’est foutu, puis je me retourne et je me mets à courir. Je fais un départ d’un 100 mètres aux JO. »

Le premier adjoint de Lussan Michel Dalverny et Jean-Paul Lambert, blessé lors de l'intervention qui a coûté la vie à Richard Capel • Thierry Allard

Alors qu’il court aussi vite qu’il le peut, l’agresseur lui tire deux fois dessus, mais le rate. Rassemblant tout son sang-froid, Jean-Paul Lambert charge son arme et réplique : « Je me suis mis dans la tête que j’étais dans un stand de tir, je m’applique, je tire et je vois qu’il prend un impact. » Le gendarme repart en courant et va se planquer dans un affût à grives qu’il a l’habitude d’utiliser quand il chasse dans le secteur. « Je l’attends, puis j’entends tirer, je me dis qu’il est en train d’achever Capel, puis j’entends notre véhicule qui s’en va. »

Jean-Paul Lambert décide alors de rejoindre la route, les pieds baignant dans ses Rangers pleines de son propre sang. Un automobiliste le prendra en charge, puis les pompiers, et il sera hospitalisé d’abord à Bagnols puis à Montpellier. « Une semaine après, je refais surface et mon épouse me dit que Richard est mort », se souvient-il.

À ce stade, il manque un morceau de l’histoire. Car les coups de feu que Jean-Paul Lambert a entendus depuis son affût à grives ont été tirés par son collègue sur leur agresseur. Déjà blessé par Jean-Paul Lambert, l’agresseur succombera plus tard. Quant à la voiture de gendarmerie, c’est Richard Capel qui l’a redémarrée pour aller chercher du secours à la Lèque. Las, à son arrivée au hameau, il succombe, mortellement touché à l’abdomen. Il avait 39 ans.

« On ne peut pas l’oublier »

Ce 24 mars 1998, Jean-Paul Lambert ne l'oubliera jamais. « C’est en permanence dans la tête, on a du mal à vivre normalement, comme tout le monde », dit-il, lui qui était un jeune papa de 38 ans à l’époque. À Lussan, personne n’a oublié ce jour funeste non plus, à commencer par le premier adjoint au maire, Michel Dalverny : « J'étais là le jour où c’est arrivé, on ne peut pas l’oublier », souffle l’élu, resté proche de Jean-Paul Lambert. Les trois frères de Richard Capel, Ange, Jean-Yves et Henri, étaient présents comme chaque année pour honorer sa mémoire.

La gendarmerie aussi n’oublie pas Richard Capel, en organisant chaque année une cérémonie d’hommage et les Foulées Capel, une épreuve de marche et de course à pied dont le départ est donné près de la stèle matérialisant le lieu du drame. Le commandant de la compagnie de Bagnols, Julien Delobel, souligne « la participation de toutes les unités de la compagnie, et tout le groupement est représenté comme le 1er Régiment étranger de génie (de la Légion étrangère, basé à l’Ardoise, NDLR). C’est un moment fraternel qui renforce la cohésion par la mémoire de nos anciens. »

Une soixantaine de gendarmes et de militaires du 1er REG ont participé aux Foulées Capel ce jeudi à Lussan • Thierry Allard

Le colonel Emmanuel Casso, commandant du groupement de gendarmerie du Gard, a fait le déplacement. « Il est important de se souvenir des gendarmes morts dans l’exercice de leurs fonctions, explique-t-il. Ça nous rappelle aussi qu’il n’y a pas de petite intervention, qu’elles sont toutes, par principe, dangereuses. »

Thierry Allard

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