8h du matin aux halles de Nîmes. Quand les clients matinaux viennent se servir en produits frais, les bonnes odeurs de nourriture s'entremêlent. Au milieu des cafés, fromages, viandes, poissons ou encore légumes de toutes sortes, trône une des fiertés de la ville de Nîmes : le petit pâté. Constitué d'une farce à base de veau et de porc, contenue dans une pâte brisée, qui se décline également avec de la brandade de morue, il aurait été conçu au XIXᵉ siècle pour la première fois. "Le petit pâté nîmois fait partie de ces produits qui font la notoriété des halles. Le Gard en général a cette richesse extraordinaire d'avoir le plus d'AOP, et tous ces produits sont présents ici, ce qui fait la vitrine de notre patrimoine gastronomique", se félicite Franck Proust, premier adjoint de la ville de Nîmes.
Jessica Cloux, de la charcuterie éponyme, est dans le métier depuis plus de 19 ans, et depuis une quinzaine d'années à son compte. Revenue dans les halles de Nîmes avec son mari Gilles il y a cinq ans, elle fait du petit pâté nîmois et des pâtés-croûte sa spécialité, en plus des plats cuisinés et de la charcuterie. "Je m'attache à ce que tout soit artisanal et fait à la main, c'est très important pour moi", confie-t-elle. Tous ne sont pas de la même taille ou de la même forme, mais ça, Jessica n'y peut rien. "Ils sont tordus mais ils sont tous faits à la main", sourit-elle. Sur ses petits pâtés sont apposées les lettres J et C, représentant ses initiales, valorisant son savoir-faire et son entreprise.
Aujourd'hui dans les Halles, les gens ont le choix entre plusieurs fabricants de petits pâtés nîmois et chacun a sa petite particularité. "Il en faut pour tout le monde et ça c'est le plus important". Thierry Bosc est également l'un d'entre eux. En 2022, le charcutier a même remporté la deuxième édition de la Coupe du monde du petit pâté nîmois, organisée par la Chambre de commerce et d'industrie du Gard. Implanté dans les Halles de Nîmes depuis 1989, il fait partie de la troisième génération du même nom. "Nous on en fait depuis la fin des années 1970, c'est mon papa qui a remis au goût du jour les petits pâtés nîmois", raconte-t-il.
Au fil du temps, il a tenté d'améliorer la recette en proposant une pâte brisée au beurre et d'avoir une farce plus fine et plus onctueuse. Aujourd'hui, il a décliné une nouvelle variété à la brandade, en s'inspirant du champion du monde en 2011 Stéphane Meyer. Le patron du "Porc Épique" avait eu cette idée à l'époque, voyant un grand nombre de touristes croire que les petits pâtés nîmois étaient fourrés à la brandade de morue.
Et même si chacun a sa propre touche, le cahier des charges reste rigoureux. Un petit pâté, c'est 50 grammes de pâte et 50% de garniture. Des conditions très précises à remplir, pour notamment participer au prochain championnat du monde de petit pâté nîmois. Un titre pour lequel Thierry Bosc sera candidat. Il espère d'ailleurs garder le titre à la maison.
Un nouvel étalier ?
Frédéric Buisson, patron de l'entreprise "Les petits pâtés nîmois" avait souhaité à deux reprises intégrer les Halles de Nîmes, et avait essuyé deux refus. "La première fois c'était pour des étaux qui revenaient à la mairie et qui ont été mis en adjudication. Il est venu présenter son projet en commission paritaire, qui valide ou non l'accession à un étal dans les halles", raconte Thierry Bosc. Pour information, la commission paritaire est composée de quatre étaliers, quatre élus et de la voix du maire pour trancher. Elle effectue un vote à bulletin secret qui ne sort pas de la mairie.
"La deuxième fois, il a postulé pour l'étal qui est celui des Macarons d'Anthony. Il y avait eu une opposition ferme de la Ville du fait que cela ne correspondait pas à la fourchette de cet étal puisque c'était de la pâtisserie sucrée, et le petit pâté nîmois est considéré comme activité de traiteur. On essaye de respecter un certain équilibre de corps de métier", continue Thierry Bosc.
Cette commission fourchette existe pour faire en sorte que toutes les activités soient représentées avec un label de qualité. "Il y a peut-être des secteurs d'activité qui n'existent pas dans les Halles. Et donc, au moment où l'étal se libère, s'il y a un dossier qui correspond à une activité qui n'est pas ou peu présente dans les Halles, je pense que la commission paritaire sera plus encline à le donner à cette activité, pour que le consommateur ait l'accès à de nouveaux produits", affirme Franck Proust.
Ils sont déjà quatre à en produire : Le Porc Épique, Maison Bosc, Chez Jessica et Gilles et La Ferme du Cantal. "Chacun d'eux les fabrique maison. En faire rentrer un de plus, ça faisait un peu trop pour les étaliers. Quand un représentant d'une fourchette s'en va, on essaye de le remplacer par un autre. C'est pour cela que Frédéric Buisson avait été refusé, ce n'est pas contre lui. La dernière fois à la commission paritaire, on l'avait même accepté partiellement, mais pas pour faire des petits pâtés nîmois. Mais un jour, peut-être oui, cela peut être possible", affirme l'adjoint aux Halles, foires et marchés Christophe Pio. Autrement dit, il faudra peut-être attendre qu'un des artisans des Halles arrête de fabriquer des petits pâtés nîmois pour que Frédéric Buisson puisse y rentrer sur ce secteur.