Publié il y a 2 ans - Mise à jour le 26.01.2022 - anthony-maurin - 5 min  - vu 1330 fois

NÎMES Les Juifs de la cité ont leur synagogue depuis 1794 (2/2)

Un rouleau de la torah (Photo Anthony Maurin).

La façade de la synagogue (Photo Anthony Maurin).

L’histoire des Juifs à Nîmes n’est pas celle d’un long fleuve tranquille. Ici comme ailleurs le Moyen-Âge a été fatal pour une bonne partie des croyants mais le XVIIIe siècle a signé le retour de cette religion et des pratiquants qui vont avec.

Il y avait à Nîmes, à la fin de l'Ancien Régime, 171 juifs, constituant 37 familles. Leur nombre augmenta durant la Révolution grâce aux mesures prises par l'Assemblée Constituante en 1790 et 1791. En effet, cette dernière accordait la nationalité française, dans un premier temps, le 28 janvier 1790, aux Juifs portugais, espagnols, avignonnais, puis en septembre 1791, aux Juifs parisiens, alsaciens et lorrains.

L'aron kodesh de Ła salle de prière de la synagogue de Nîmes (Photo Anthony Maurin).

C'est ainsi que beaucoup quittèrent le Comtat, où ils étaient victimes de nombreuses brimades, pour s'installer à Nîmes. Le quartier d'élection de ces nouveaux venus se situait dans le faubourg de la Couronne, à proximité des rues Roussy et des Calquières. On décida d'aménager une nouvelle synagogue dans cette zone, et d'abandonner celle qui existait auparavant rue Carreterie (actuelle rue Jean Reboul). Un différend intervenait alors au sein de la Communauté entre les nouveaux arrivants et ceux installés de longue date.

Les débuts de la synagogue rue Roussy

La synagogue fut installée d'abord dans des locaux de fortune, à vrai dire une maison, avec jardin donnant dans la rue Roussy. Acheté par sept négociants de la communauté israélite le 31 décembre 1792 au chevalier Gabriel-François de Roussy (propriétaire de la plupart des terrains de ce secteur), l’emplacement était le bon. Sous l'impulsion du fabricant d'étoffes Benestruc Milhaud, l'immeuble fut ainsi transformé en synagogue, comprenant un Miquéh (bain à l'usage des femmes) et un four pour la cuisson du pain azyme. Les travaux ont été achevé en 1796.

La Ville propose

C'est à l'emplacement de ces locaux que s'élève encore aujourd'hui la synagogue. Mais son "statut" a été modifié dans le courant du XIXe siècle. S. Kahn, rabbin de Nîmes à partir de 1884 et jusqu'au début de notre siècle, en donne l'explication.

La salle de prière, vue de l'endroit où les femmes sont logées pour prier (Photo Anthony Maurin).

La synagogue était en quelque sorte gérée par ce que l'on pourrait comparer à une "société d'actionnaires", descendants des sept premiers fondateurs. À la suite des divisions d'héritages, elle était devenue "la propriété très divisée d'un très grand nombre d'actionnaires".

Cette situation alarma alors la communauté israélite qui craignait que l'immeuble se fusse acquis par des spéculateurs et détourné de son usage. C'est pourquoi le maire de Nîmes, Ferdinand Girard, après avoir entendu et accueilli le vœu de la population israélite, proposa que la Ville devienne propriétaire du Temple, lors de la séance du Conseil municipal du 10 mai 1844, proposition qui fut adoptée dès le 7 juin suivant.

La cour de la synagogue (Photo Anthony Maurin).

Il faut dire qu’en 1840 un recensement des Juifs de Nîmes a été ordonné par le préfet. Les chiffres de 1844 sont clairs, Nîmes abrite une communauté de 414 personnes (113 foyers) pour une ville qui était alors peuplée par 54 245 habitants dont 26 % des Protestants (le reste de Catholiques).

Les travaux des années 1860

Quelques années après, entre 1864 et 1865, la synagogue fait l'objet d'une campagne de travaux dont les premiers coups de truelle ont lieu dès 1853. Le devis estimatif dressé alors en donne la raison et décrit en même temps l'édifice tel qu'il se présente à cette époque.

La place manque en effet pour accueillir tous les fidèles, on se propose donc d'agrandir le temple en lui "adjoignant la terrasse qui se trouve au-devant." Par ailleurs on prévoit d'y construire une école de garçons au premier étage au-dessus de la partie occupée par le four. Un devis supplémentaire est réalisé en mai 1855 par le directeur des Travaux Publics de la Ville, Chambaud.

Le four redécouvert (Photo Anthony Maurin).

Ces travaux consistent dans la mise en place d’une tribune de bois munie d'un garde-corps en fer, d’un escalier en pierre de taille avec rampe de fer pour accéder à la tribune, de l'exhaussement de la cage d'escalier qui doit abriter aussi le nouvel escalier, d’un vestiaire au-dessus de la terrasse, de deux cheminées dans le logement du concierge, une série de portes de bois pour les communications intérieures, de la boiserie de la porte donnant sur le rue et de la fermeture en maçonnerie des portiques du rez-de-chaussée donnant sur la cour...

Cheminement, agencement

Un état des lieux de 1876 (plus complet que celui moins avancé de 1859 concernant les travaux de l’entrepreneur Ladet) donne en effet une bonne idée de l'aspect et de la disposition des locaux.

Au rez-de-chaussée il y avait le logement de concierge, la pièce servant de boulangerie, un corridor et la cage d'escalier. Au premier étage, à partir de la terrasse à ciel ouvert on accédait à la salle d'école ainsi qu'au Temple.

Le mikvé, tout refait. Il en existe un autre, bien plus ancien et non usité de nos jours (Photo Anthony Maurin).

Léon Feuchères, architecte du Département, chargé de cette expertise relève plusieurs réparations auxquelles il faudrait procéder et des aménagements à compléter comme ceux de l’agrandissement du Temple et de la réalisation d'une tribune dans cette future extension. Le surhaussement de l'escalier et des murs de sa cage, la réfection du couvert de celle-ci sont également dans les tuyaux des futurs travaux. À l'entrée du Temple, l’établissement d'un "tambour ouvrant sur les deux côtés pour préserver les fidèles des courants d'air" est lui aussi d’actualité tout comme la construction d’une salle de délibération et d’un vestiaire "sur la partie droite de la terrasse en prolongeant cette construction sur la cour."

De ce côté la balustrade de fer de la terrasse était absente ce qui montre que les travaux d'agrandissement déjà prévus dans les années 1860 n'avaient pas été totalement menés à bien. En effet, on avait déjà voulu créer sur la terrasse un vestiaire. Pour finir, la construction des "lieux d'aisance" et la réalisation du plafond de la partie inférieure de la terrasse dont les solives sont restées jusque-là apparentes devaient achever les travaux.

La restauration de la synagogue à la fin du XIXe siècle

Le devis descriptif et estimatif de ces travaux, accompagné d'une élévation de la façade projetée, ont été réalisés par E. Poitevin, architecte-directeur des Travaux Publics de la Ville, en 1891 et approuvés en mars 1892 par la Commission des Travaux Publics de la Ville et par le Préfet.

La salle de prière de la synagogue de Nîmes (Photo Anthony Maurin).

La lecture de ces documents et l'examen de l'élévation prévue pour la façade montrent bien que cette campagne de rénovation a donné à la synagogue l'aspect qu'elle conserve aujourd'hui. Ils sont résumés par E. Poitevin lui-même de la manière suivante. "Ces travaux consistent pour la façade dans la modification des ouvertures avec la pierre de taille de Beaucaire et l'achèvement des détails… En ciment Portland demi-lent, le tout exécuté dans le style Romano-Byzantin. Les travaux en régie comprennent l'établissement des vitraux pour les diverses ouvertures de la façade."

Une poutre dans la salle dite du bureau (Photo Anthony Maurin).

Par ailleurs, il est précisé dans le devis estimatif que toute la façade doit être enduite "depuis le socle jusqu'au-dessous de l'entablement avec une saillie de 0,25 sur les pierres les plus saillantes." La réalisation des Tables de la Loi, "en marbre blanc veiné", est également prévue dans ce document.

La synagogue de Nîmes, c'est par là !

Sources : Archives municipales de Nîmes ; L. Simon, "Les Juifs du Pape à Nîmes du Royaume à l'Empire", Mémoires de l'Académie de Nîmes, 1987, pp. 65-85 ; S. Kahn, Notice sur les Israélites de Nîmes, Nîmes, 1901, p. 9 ; Archives Départementales du Gard, série V, 527, devis approuvé le 23 mars 1854 ; Archives Départementales du Gard, Série V. 527, "Etat des Travaux Supplémentaires" ; Archives Départementales du Gard, Série V. 527, Rapport de Léon Feuchères, le 2 février 1876 ; Archives Départementales du Gard, série V. 527. Devis et élévation du 6 octobre 1891 ; Les travaux ont été adjugés, le 16 février 1893, aux entrepreneurs Joseph Blanc (maçonnerie et plâtrerie), Paul Bringer (menuiserie et serrurerie) et Étienne Fize (peinture).

Anthony Maurin

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