L'itinéraire a beau indiquer 'Le Monastier-sur-Gazelle - Saint-Jean-du-Gard', la commune gardoise pourrait bien disparaitre du GR70. Arrivée historique du chemin de Stevenson, Saint-Jean-du-Gard pourrait en effet ne plus être rallié par les randonneurs d'ici mars 2027, ce qui mettrait en péril l'intégrité de cet itinéraire historique, emprunté par vingt mille marcheurs par an, mais aussi l'avenir de la commune de 2500 habitants.
Près d'un million d'euros de travaux nécessaires pour protéger des crues
En cause, la déviation du tracé demandée par le Département depuis septembre 2020, suite à des crues du Gardon. L'entretien d'une portion de 2.5 kilomètres entre Pied des Costes et le pont de Camboneral, sujette aux crues, était jugée trop coûteuse. Depuis, l’itinéraire passe par les terres d’une habitante de la commune, qui autorise ce passage jusqu'en mars 2027.
Pour retrouver le tracé historique, un élargissement nécessaire de la route a été chiffré à 844.000 euros, somme que ne souhaiterait pas payer le conseil départemental, titulaire de la compétence 'Voiries'.
Une alternative "trop longue et trop pentue"
Le comité gardois a alors proposé un itinéraire alternatif, rallongeant le parcours de 8 à 10 kilomètres et ajoutant 500 mètres de dénivelé. Ce prolongement passerait par la commune de Peyrolles et longerait la D907 sur 200 mètres avant de la traverser.
Un itinéraire jugé encore plus dangereux et qui pourrait dissuader les randonneurs de rejoindre Saint-Jean-du-Gard, en ralliant directement Alès : "Le risque est que les gens se disent : 'Cette étape de Saint-Jean-du-Gard est trop longue et trop pentue, on va couper court en passant par Mialet", avertit Pierre Aiguillon, maire de la commune.
L'économie et la vie saint-jeannaise en péril
Ce contournement aurait de graves conséquences pour la commune à la vingtaine de restaurants et cinq offres d'hébergements touristiques. 70% des randonneurs concluent leur trajet à Saint-Jean-du-Gard après 272 kilomètres de randonnée, comme le veulent les écrits de Robert-Louis Stevenson, et 35% s'y arrêtent ponctuellement. "Le tracé, du Puy-en-Velay à Alès engendre environ 10 millions d'euros de retombées économiques par an", précise Hubert Pfister, président de l'association Sur le chemin de Robert-Louis Stevenson.
Cette attractivité touristique représente à elle seule 1 million d'euros annuels pour Saint-Jean-du-Gard, sans compter les emplois et activités quotidiennes à l'année qui y sont liés. Une somme donc "sous-estimée" pour les acteurs de la vie touristique, à l'initiative d'une pétition : "Les randonneurs représentent 40% de la clientèle hôtelière, donc ce serait catastrophique ! Des emplois, à l'année et saisonniers, et commerces en dépendent. Il pourrait y avoir un terrible effet domino", prévient une gérante, pointant du doigt la boutique 'Saint-Jean sports', spécialisée en vêtements de randonnée.
Un pôle touristique en préparation
Cette boutique se trouve d'ailleurs devant l'ancienne quincaillerie Bordarier, commerce historique des Cévennes, dont les locaux ont été rachetés par la municipalité pour en faire un "pôle touristique de la randonnée".
Entre la mairie, l'office de tourisme et à quelques mètres de la pierre immortalisant le voyage de Stevenson, le pôle devrait accueillir un 'Café rando' et des associations spécialisées. Acquisition et travaux cumulés, l'addition revient à 240.000 euros pour la municipalité, à la recherche de financements des autres collectivités, tant pour le tracé que pour ce pôle.
Qui mettra la main à la poche ?
Pour la région, Jean-Luc Gibelin "ne dévalorise pas le projet" et se dit "convaincu qu'il y a un intérêt à soutenir cette initiative", car "les sentiers ont une histoire, il est important de les respecter". Le vice-président en charge des 'Mobilités pour tous', évoque un "éventail de financements disponibles", mais voudrait une "cohérence des actions avec le département".
Ce dernier est gestionnaire des routes, mais la région et l'Agglo supervisent le tourisme, tandis que l'Europe gère les plans de financement. Un mille-feuille administratif et financier pour la commune, qui a déjà vu ses aides au financement de sa future école chuter de 70 à 32%.