FAIT DU SOIR Saintes-Maries-de-la-Mer : la fête a bien failli être gâchée

La procession jusqu'à la mer de Sainte Sara, samedi.
- S.MaPlusieurs milliers de personnes ont participé au grand pèlerinage des gitans aux Saintes-Maries-de-la-Mer ces samedi 24 et dimanche 25 mai. Une fête qui a bien failli être gâchée suite à une rixe et des coups de feu tirés en marge de la manifestation, tout près du marché. Quatre personnes ont été blessées.
Ça aurait pu tourner encore plus mal : comprenez par là que le bilan aurait pu être bien plus lourd avec les 25 tirs recensés. Samedi 24 mai, vers 12h30, en marge du pèlerinage des gitans, une rixe a éclaté entre deux familles, tout près du marché. D'abord des provocations, puis les premiers coups… et très vite, les coups de feu, des armes de poing.
D'après une source proche du dossier, quatre personnes impliquées dans l'affrontement ont été blessées par balle - aucun pronostic vital engagé -, l'une d'elles a été héliportée. Une enquête a été ouverte par la brigade de recherches d'Arles pour violence avec arme (*). Un événement qui a semé la panique, provoquant le départ de nombreux pèlerins ou simples curieux. Et une fois le choc passé, une question : la procession de Sainte Sara aura-t-elle lieu ?
« C'était nécessaire, selon Esmeralda Romanez, présidente de l’Association de mémoire, de l’internement et de la déportation tsigane et présidente de la Fédération européenne des femmes romanis et voyageuses. Pour ne pas donner raison à ceux qui viennent justement pour les mauvaises raisons. » Une sexagénaire rencontrée ce dimanche sur le parvis de l’église ne mâche pas ses mots : « Ceux qui ont fait ça sont des c… À cause d’eux, même s'ils - la mairie, les autorités, NDLR - ne pourront pas supprimer le pèlerinage, ils pourraient décider de supprimer un jour, passant de trois à deux. » Les yeux fixés vers la porte de l’église, téléphone à la main, la dame aux cheveux grisonnants reconnaît des bagarres dans le passé, mais « les Saintes-Maries ne doivent pas être le point de rendez-vous pour les règlements de comptes. » Plutôt un trait d’union entre ce qu’Esmeralda nomme « la fresque historique indo-européenne », balayant d’un revers de la main le terme « les gens du voyage », qu’elle qualifie « de politique ».
Un peu plus tôt dans la matinée samedi, lors de la célébration de la messe en présence notamment de l’archevêque de Reims, Monseigneur Éric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France ; Lola partageait sa joie de participer à cette fête. Vêtue d'une robe bleue à pois blancs, sa longue chevelure brune retenue par une pince en forme de fleur bleue, la Marseillaise âgée de 76 ans prenait volontiers la pose devant les photographes.
« C’est un grand moment pour moi, c’est notre Sara à nous. C’est important d’être là. Ça a beaucoup changé, on voit beaucoup de curieux, de touristes, tout le monde est le bienvenu, c’est un moment de partage." Esmeralda rejoint la Marseillaise dans ses propos, cependant elle regrette un profond changement. « Ce n’est plus comme avant, ce n’est plus la même ambiance. Il y a de moins en moins de joueurs de guitare... », explique-t-elle, craignant que « ça finisse par n’être que du folklore. »
En quête de sens, Aline et Lisa ont pris la route depuis l’Aude pour se joindre à ce pèlerinage, à l’occasion de la 90e procession de Sainte Sara, dans le cadre du Jubilé de l’Espérance. « C’est l’ouverture du cœur, les sourires, le monde a besoin de ça. C’est réparateur, dans l’inconscient collectif ça tisse l’unité », se réjouissent les Audoises. À travers Sainte Sara la Noire, la patronne des Gitans, elles voient « le retour de la conscience du féminin, de sa puissance nécessaire pour retrouver la paix. »
Alors oui, la procession jusqu’à la mer prévue samedi à 16h a bel et bien été maintenue. Tandis que se déroule la cérémonie de la Descente des Châsses à l’église, la foule se masse sur le parvis, saluant l’arrivée des gardians de la Nacioun Gardiano et leur capitaine Bérenger Aubanel. Portée par les membres de la famille Baptiste — Emmanuel Baptiste dit Coucou, le marquis de Baroncelli et Monseigneur Roques, archevêque d’Aix, sont à l’origine de la première sortie de Sara de la crypte — la statue parée de ses plus beaux atours, prend alors la direction de la mer, précédée des porte-bannières, des membres de la confrérie des Saintes-Maries, des représentants du clergé et accompagnée de chants à sa gloire. « Quelle joie, c’est magnifique », lance Aline à Lisa, toutes les deux les pieds dans l’eau en attendant l’arrivée du cortège.
Esmeralda Romanez en témoigne, « la ferveur n’a pas été troublée » par l’épisode sombre de la mi-journée. Même si après une nuit calme, ce dimanche 25 mai, on en entendait encore parler dans le centre du village, à l’heure de la messe solennelle des Saintes Marie Jacobé et Marie Salomé. À 11h30, une nouvelle procession jusqu’à la mer, avec un peu moins de monde que la veille mais toujours autant de ferveur, et cette fois-ci en présence notamment des Arlésiennes, dont Amélie Laugier, reine d’Arles.
D'après nos informations, environ 15 000 personnes se sont réunies aux Saintes-Maries-de-la-Mer samedi et dimanche. Un week-end placé sous surveillance avec le renfort des gendarmes des PSIG d’Istres, de Salon-de-Provence et de Châteaurenard, de la Cellule nationale d’observation et d’exploitation de l’imagerie légale, ainsi que de l’unité anti-drones de la sécurité publique des Bouches-du-Rhône. Demain, lundi 26 mai, aura lieu la Journée à la mémoire du Marquis de Baroncelli (messe en provençal, abrivado, cérémonie au Tombeau du Marquis de Baroncelli, spectacle camarguais dans les arènes).
*Aucune interpellation n'a eu lieu à l'heure où nous écrivons ces lignes.
Le pèlerinage des Saintes-Maries-de-la-Mer samedi et dimanche en images