PONT-SAINT-ESPRIT Après un « grand déballage », la majorité municipale se déchire
La majorité municipale de Pont-Saint-Esprit s’est déchirée ce vendredi soir en public. Benjamin Desbrun, Christine Clerc, Karima Loric et Vincent Rousselot ne sont plus adjoints au maire.
Dans ce grand lavage de linge sale en famille, devant une salle des fêtes comble où le public a parfois applaudi comme au théâtre, relevons les points d’accord entre la maire Claire Lapeyronie et ses désormais ex-adjoints. Dans les deux camps, on entendra la même phrase, à plusieurs reprises : « Pont-Saint-Esprit mérite mieux. »
On ne saurait mieux dire. Pont-Saint-Esprit mérite mieux que ce grand déballage, ce divorce à grande échelle où on avait parfois l’impression d’être à la place des gosses entre deux parents qui se jettent la vaisselle à la figure. L’amitié d’avant, d’il n’y a pas si longtemps au fond, a laissé place à l’aigreur, aux rancoeurs, et la teneur des propos des désormais ex-adjoints et de leur camarade d’infortune Laure Regamey n’était pas sans rappeler ceux de la défunte Catherine Chantry, adjointe passée dans l’opposition en 2019. À Pont-Saint-Esprit, il arrive que les amitiés au sein de la majorité finissent mal, en général.
La maire, d’abord, se dira « extrêmement déçue, affligée », se demandant « comment une équipe qui s’appelle ‘Ensemble’ a pu être trahie à ce point ? » Et la maire de promettre qu’elle ne se livrerait pas « au grand déballage », mais nous y reviendrons, se contentant d’évoquer « des propos de dénigrement » et de multiples comportements qui « depuis de nombreux mois (lui) remontent. »
« Tu es venue me chercher, et maintenant tu me lynches en public »
Laure Regamey sera la première à s’exprimer. D’ordinaire discrète, l’élue depuis 2008, qui a oeuvré aux Ressources humaines, dénoncera, cette fois devant tout le monde, « une gouvernance inadaptée » et un « mal-être » des agents municipaux. Mais « il ne fait pas bon dire qu’on n’est pas d’accord avec toi », adressera-t-elle à Claire Lapeyronie, qu’elle taxera d’« autoritarisme ». Sur la même ligne, Christine Clerc assumera d’avoir dit « la vérité sans fard » à la maire, « mais il est plus facile de mettre la tête dans le sable. »
Karima Loric estimera pour sa part que « la loyauté n’équivaut pas à la soumission », et jouera la même partition que les élus précédents, à savoir celle des élus ayant essayé « d’attirer l’attention sur les problèmes ». « J’ai honte de l’état dans lequel se trouve notre ville », dira-t-elle ensuite, avant de lancer à Claire Lapeyronie : « tu es venue me chercher, et maintenant tu me lynches en public. » Ambiance. Vincent Rousselot, le moins disert de tous, partagera ce « triste constat. »
Benjamin Desbrun rappellera qu’il a été le directeur de campagne de Claire Lapeyronie en 2020, puis dira lui aussi : « la seule chose que j’ai fait, c’est tirer la sonnette d’alarme. » Las, « ta réponse a été : ou vous rentrez dans le rang, ou vous démissionnez », regrettera-t-il en citant la maire, puis de réfuter les accusations de manque de loyauté. « J’ai parfois l’impression d’être revenu dans un fonctionnement communal d’avant 2011 », conclura-t-il, faisant référence à l’ère Baumet.
Le conseiller municipal Luc Schrive, qui n’était « pas sur la sellette », selon ses termes, prendra ensuite la parole pour défendre les quatre adjoints et la conseillère municipale concernés. Il dénoncera une « riposte hors proportion » de la maire, parlant d’« oukase », puis disant avoir « peur que tu confondes autorité et autoritarisme, et que tu aies versé du côté sombre, ma chère Claire obscure », adressera-t-il à Claire Lapeyronie. Ambiance (bis).
Curieusement, le discours le moins dur sera celui de l’opposante d’UCS Béatrice Redon, « consternée », et disant son groupe comme pensant « au bon fonctionnement » de la mairie, et souhaitant « continuer d’agir auprès des Spiripontains », après avoir rendu hommage à Catherine Chantry. On y comprendra que l’opposition voterait contre le maintien des adjoints.
« Moi, quand on me cherche, on me trouve »
Claire Lapeyronie reprendra la parole pour « rétablir la vérité » et finir par se livrer au « grand déballage », s’en prenant aux cinq élus un par un. Christine Clerc pour commencer : « Christine, tu voulais être calife à la place du calife, mais pour être maire, il faut être plus engagée et arrêter de surfer avec les réglementations. » Vincent Rousselot ensuite : « Tu as dit à plusieurs reprises que tu avais honte d’être élu, mais qu’est-ce que tu fais là ? (…) Avec toi, il n’y a jamais la moindre remise en question, c’est toujours la faute des autres. »
Le niveau n’était déjà pas haut, il descend encore : « Karima, quand tu insultes Daniel Mouchetant (le premier adjoint, ndlr) lors d’une réunion houleuse, que tu lui dis ‘il faut que tu portes tes couilles’, c’est classe. » En effet. Puis la maire accusera Laure Regamey et Benjamin Desbrun de lui avoir « masqué des faits graves cet été dans un service. Dès que je l’ai su, j’ai rattrapé le coup et tout de suite fait un signalement au procureur. Au procureur ! C’est grave ! ». Plus tard on apprendra que ces faits ont engendré deux accidents de service ayant mis deux agents en arrêt maladie depuis cet été.
La maire reprendra sur Benjamin Desbrun, qui « a eu du mal à à accepter de ne pas être premier adjoint, et du mal à tenir (son) poste d’adjoint aux Finances (…) Tu t’es laissé dépasser par ton ego. » Il y en a un peu plus, on vous le met quand même ? « Vous voulez me faire passer pour la méchante, vous avez abusé de ma confiance, mais moi, quand on me cherche, on me trouve », lancera Claire Lapeyronie.
Un vote au résultat intéressant
Place au vote, à bulletin secret, qui verra, sans surprise, les quatre adjoints se voir retirées leurs fonctions d’adjoints, après leurs délégations il y a une semaine. Un vote au résultat intéressant, puisque 10 élus voteront pour le maintien de Christine Clerc et de Vincent Rousselot, 8 pour ceux de Benjamin Desbrun et Karima Loric. Et ce alors que l’opposition avait laissé entendre qu’elle voterait contre ces maintiens, ce qui laisse des choses à éclaircir pour la suite.
À l’issue du conseil, Claire Lapeyronie assumera devant la presse avoir « pris (ses) responsabilités, les mesures qu’il fallait pour la survie de l’équipe et le bon fonctionnement de la collectivité. » Pendant ce temps là, dehors, le député RN de la circonscription Pierre Meurin disait demander une élection partielle et laissait entendre qu’il serait candidat le cas échéant. Claire Lapeyronie martelait que « (son) contrat, c’est six ans. » Quant aux cinq élus débarqués, leur décision de continuer à siéger en tant que simples conseillers municipaux restait à prendre.
Voilà l’épilogue de cette soirée difficile, qui n’a pas vraiment fait la publicité de la démocratie locale. Laissons le mot de la fin à Claire Lapeyronie, avec une phrase qui résume cet épisode : « on s’en serait bien passé. »
Et aussi
Le conseil municipal a voté, avec les voix contre des sept élus de l’opposition, la protection fonctionnelle à Karima Loric et Benjamin Desbrun dans le cadre d’une audition à la gendarmerie pour un soupçon de prise illégale d’intérêts et de favoritisme. Une affaire totalement distincte du retrait des fonctions d’adjoints des deux élus concernés, souligne la maire.
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