FAIT DU JOUR Philippe, Christophe, Teresina… Qui sont les résidents du carré 10 E ?

Le 10 E est le carré du cimetière du Pont-de-justice où ont été aménagées des tombes en béton pour les indigents.
- Sabrina RanvierPlus d’une centaine de personnes reposent au carré des indigents du Pont-de-justice. Objectif Gard a enquêté pour savoir qui ils étaient. Une manière de rendre hommage à ces anonymes à l'occasion de la Toussaint.
Mais où est Jean-Louis Trintignant ? Dans quelle allée ? Depuis cet été, des curieux interrogent le personnel du cimetière du Pont-de-Justice à Nîmes. Le comédien a été inhumé dans le caveau familial nîmois dans la plus stricte intimité le 22 juin 2023. Un évènement. « Ils avaient mis un grand barnum là, désigne de la main un employé municipal. Ils ont fait ça entre midi et deux heures. » Il se remémore ces « vedettes » venues se recueillir, visiteurs inhabituels du cimetière le plus populaire de Nîmes. Cet employé s’occupe de l’entretien des cimetières depuis plus de 10 ans. Des anecdotes, il en regorge. Sur cet ancien élu qui a fait faire des travaux et réservé un emplacement dans un autre cimetière très prisé. Sur cette dame qui a planté un olivier sur la tombe de son mari et qui vient régulièrement s’y recueillir au Pont-de-Justice. Par contre, quand on l’interroge sur le carré 10 E, il est beaucoup moins loquace. Pas de petite histoire sur Maria, Pawel, Maryse, Ulysse, Josette ou Teresina… Le 10 E n’est pas le secteur le plus visité. C’est le carré des indigents, des fragilisés de la vie.
Maria, Pawel, Ulysse…
Chaque ville doit mettre gratuitement à disposition de ses habitants un terrain commun pour qu’ils ne soient pas obligés d’acheter une concession pour enterrer leurs morts. Les personnes qui n’ont pas les moyens ou dont la famille n’a pas les ressources suffisantes peuvent faire une demande d’indigence. Dans ce cas c’est la Ville qui prend en charge les obsèques. En 2018-2019, la Mairie de Nîmes a réaménagé une zone du terrain commun réservée uniquement aux indigents, c’est le carré 10 E.
Des dalles de béton ont été posées à même le sol. Collées les unes aux autres. Toutes portent une minuscule plaque métallique avec nom prénom, année de naissance et de décès. Quelques galets, un chapelet, une sobre croix noire ou encore des bougies tranchent sur le gris clair du ciment. Des fleurs artificielles décolorées par le soleil rageur d’été, égaient même quelques tombeaux. Certaines d’entre elles ont été plaquées au sol par le vent quelques jours plus tôt. Personne ne les a relevées.
28 femmes et 110 hommes reposent ici. La doyenne du carré, c’est Jacqueline. Née en 1923 à Saint-Chaptes, elle a rejoint le 10 E en 2019 à 96 ans. Quelle est son histoire ? Il n’y a pas d’indice sur sa tombe, juste trois plantes artificielles. On n’en saura guère plus sur Teresina, 95 ans, qui détient aussi trois pots de fleurs. Maria 92 ans, possède une sobre plaque « À notre amie ». Lucienne, 94 ans, n’a rien. Le plus jeune de tous, c’est Pawel. Né en 1984, il a rejoint le 10 E en 2019, à 35 ans. Un petit buste blanc du Christ a été posé sur sa dalle de béton. Il est entouré de galets. Deux pots en terre contiennent des bougies à moitié consumées. Qui était-il ? un ancien légionnaire ? Un routard égaré à Nîmes ?
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