FAIT DU JOUR Le gaz hilarant ne fait pas rire les pouvoirs publics…

Le directeur Véolia de l’incinérateur de Nîmes
- Coralie MollaretL’usage détourné du protoxyde d’azote est devenu un véritable calvaire pour les forces de l’ordre, qui se trouvent souvent démunies face aux conducteurs sous l’emprise de ce gaz. Les mairies et intercommunalités, quant à elles, doivent mettre la main à la poche pour se débarrasser des bouteilles abandonnées dans la rue.
Le législateur met-il trop de temps à s’adapter à la société ? Que ce soit les forces de l’ordre ou les élus locaux, les acteurs publics du Gard tiennent tous le même discours : « On attend que les députés de l’Assemblée nationale légifèrent sur le protoxyde d’azote. » Depuis quelques années, une pratique se répand de plus en plus : la consommation de protoxyde d’azote, plus couramment appelé « gaz hilarant ». Ce gaz, initialement destiné à un usage alimentaire (notamment pour faire de la chantilly), est aujourd’hui détourné pour ses effets euphorisants.
Des « bombes » pour l’incinérateur
Cette consommation n’est toutefois pas sans risque. Selon la Mileca (Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives), elle entraîne des effets psychoactifs et nocifs : perte de connaissance, brûlures dues au froid du gaz, désorientation, vertiges, chutes, etc. Jean-Marie Tezza, directeur de l’incinérateur de Nîmes, géré par la société Véolia, témoigne : « On a commencé à retrouver des bouteilles en 2019. » À l’époque, « il ne s’agissait que de petites capsules… Aujourd’hui, ce sont de grosses bonbonnes ». De véritables « bombes » qui explosent dans le four de l’incinérateur.
« Nous enregistrons jusqu’à 500 explosions par an. Cela représente une hausse de 25 % des coûts de maintenance, sans compter les risques pour le personnel. Quand elles explosent, les capsules deviennent de véritables missiles », poursuit le directeur. À la ville comme à l’Agglo, le constat est identique. Bernard Angelras, conseiller municipal à la propreté et vice-président de l’Agglomération chargé de la collecte des déchets, précise : « Le coût de traitement est d’environ 13 € par bouteille retrouvée. Certaines semaines, nous en ramassons une centaine. Avant de pouvoir les traiter, il faut retirer entièrement le gaz, puis les envoyer dans des filières spécifiques. »
Policiers, gendarmes… Les forces de l’ordre démunies ?
Au volant, la consommation de protoxyde d’azote met en danger le conducteur ainsi que les autres usagers de la route. « C’est une pratique à risque qui émerge et dont on parle très peu. Nous avons peu d’arguments juridiques pour la contrer », souligne le commissaire de police d’Alès, Emmanuel Dumas. Et d’expliquer : « Aujourd’hui, s’il y a une bouteille sur le siège passager, nous ne pouvons pas contrôler le consommateur, contrairement à ce qui est prévu pour l’alcool ou les stupéfiants. » Dans le Gard, les forces de l’ordre ont toutefois trouvé « un biais juridique » avec les parquets d’Alès et de Nîmes pour sanctionner les consommateurs pris en flagrant délit.
En 2021, le Parlement a adopté un texte sanctionnant d’une amende de 15 000 € « le fait de provoquer un mineur à faire un usage détourné d'un produit de consommation courante pour en obtenir des effets psychoactifs ». À noter également que la vente de protoxyde d’azote est interdite, y compris aux personnes majeures, dans les débits de boissons et de tabac.« Le problème, c’est que les jeunes commandent souvent ces produits sur Internet », objecte le directeur de l’incinérateur. Sur le site nîmois, la société Veolia a mis en place une nouvelle chaîne de caractérisation des bouteilles de protoxyde d’azote dans laquelle seront identifiés les déchets d’un camion de ramassage.
Cette nouvelle procédure, aussi innovante que coûteuse, ne concerne toutefois pas tous les camions. Il y a donc urgence pour les acteurs locaux à ce que le législateur s’empare du sujet.