FAIT DU SOIR Quand le Gard et les Bouches-du-Rhône se mobilisent ensemble contre RTE
L’Association de Sauvegarde de la Terre d’Argence (ASTA) a organisé ce matin une manifestation contre l’implantation des lignes à très haute tension projetée par RTE sur le territoire. L’évènement a mobilisé près de 400 personnes venant des deux côtés du Rhône, dont de nombreux élus et agriculteurs.
Ils étaient nombreux ce matin au Mas Mourgues du Grès à Beaucaire pour exprimer leur opposition au projet de lignes à très haute tension proposée par le Réseau de Transport d’Électricité (RTE). L’Association de Sauvegarde de la Terre d’Argence (ASTA), fondée notamment par les agriculteurs de la Terre d’Argence, a organisé le rassemblement, qui devait à l’origine se tenir au niveau du Belvédère du domaine. La pluie a délocalisé l’évènement à l’abri, mais n’a pas découragé les manifestants : ils étaient un peu moins de 400 au compteur, agriculteurs, habitants, et surtout de nombreux élus venant à la fois du côté gardois et du côté bucco-rhodaniens.
Denis Bouad, sénateur du gard, Yoann Gillet, député du Gard, Julien Sanchez, maire de Beaucaire et ses adjoints et conseillers, Juan Martinez, maire de Bellegarde et président de la Communauté de communes Beaucaire Terre d’Argence et ses adjoints et conseillers, Suzanne Oddou et Olivier Debicki, conseillers à la mairie de Tarascon (13), Elisabeth Mondet, conseillère départementale, Gilles Dumas, maire de Fourques, Jean-Marie Gilles, maire de Vallabrègues, les adjoints à la mairie de Jonquières, Monique Novarretti, conseillère régionale, et autres personnalités politiques étaient présentes pour apporter leur soutien aux divers syndicats et associations présents, notamment Agir pour la Crau ou les Jeunes Agriculteurs.
Le projet
Pour rappel, RTE, dans le but de décarbonner la zone industrielle de Fos-sur-mer (13), classée deuxième zone émettrice de gaz à effet de serre en France, a proposé la création d’une ligne à très haute tension, reliant Jonquières-Saint-Vincent à Fos-sur-mer. Des pylônes électriques de 60 mètres de hauteur devraient ainsi être installés sur le territoire entre les deux communes, selon deux tracés en fuseau présentés lors de la concertation publique qui s’est terminée le 7 avril dernier. À l’Est du Rhône, le fuseau passe par les communes de Jonquières, Fourques, Bellegarde, Vallabrègues et Beaucaire. À l’Ouest, par les communes de Tarascon, Arles, Saint-Martin-de-Crau, Port-Saint-Louis-du-Rhône et Fos.
De nombreux domaines d'activités touchés
Ces lignes électriques ont, depuis leur annonce, soulevé beaucoup d’inquiétudes et d’opposition de part et d’autre du fleuve. Impact sur l’agriculture, sur la démoustication, sur le tourisme, sur l’eau ou la biodiversité, les arguments des manifestants sont multiples, et les différents intervenants aujourd’hui ont tenu à les rappeler une fois de plus. Tous ont dénoncé le manque de considération de RTE, qui a pourtant annoncé plusieurs fois avoir travaillé sur la « solution de moindre impact », c’est-à-dire celle qui aurait le moins de conséquence sur les territoires touchés.
Triangle d’or de la biodiversité de la Crau, appellations des produits de terroirs, tourisme « qui n’est pas délocalisable », et même santé des habitants… C’est l’identité même du territoire qui serait touchée, jusqu’à sa reconnaissance à l’international. Jean-Laurent Lucchesi et Jean-Luc Moya, du collectif Agir pour la Crau, annoncent ainsi que l’Unesco menacerait de retirer son label « Réserve de Biosphère » à la Camargue si un tel projet voit le jour.
Une concertation bâclée
« Ces lignes, c’est le choix du rapide et moins cher », dénonce Luc Perrin pour l’ASTA dans son discours. Il rappelle au passage les solutions alternatives proposées en concertation, comme l’enfouissement des lignes ou le renforcement de celles existantes pour éviter la construction de nouveaux pylônes, arguments balayés par RTE car considérés comme « insurmontables ». Les modalités de la concertation sont également dans le viseur des opposants : jugée bâclée, elle est même qualifiée de « parodie de concertation ».
Absence de recherches sur les territoires, données tronquées, absence de prise en compte des recommandations des associations spécialisées notamment du Centre Ornithologique du Gard, qui exprime ses craintes pour les espèces protégées du territoire qui seraient mises en danger par ces lignes… Yoann Gillet va même jusqu’à accuser RTE et Christophe Mirmand, préfet des Bouches-du-Rhone et coordinateur du projet, de truquage, et a saisi les procureurs de Nîmes et Marseille à ce sujet.
« Nous demander de choisir entre la corde et la guillotine, ce n’est pas une concertation. » dénonce Cyril Marès, président de l’AOC Costières de Nîmes. « Nous demander de choisir entre passer la corde autour de notre cou ou de celui du voisin, ce n’est pas une concertation non plus. » Si jusqu’à présent, les gardois estimaient que c’était aux Bouches-du-Rhône d’assumer la charge de ces lignes, dans la mesure où elle n’apporterait aucune retombée au département, c’est un autre discours qui a été tenu aujourd’hui.
Être solidaire dans l'adversité
Tous les intervenants, sans exception, ont appelé à une solidarité interdépartementale pour lutter contre les lignes à très haute tension de RTE. « On a des acteurs économiques et des agriculteurs exceptionnels des deux côtés du Rhône » s’exclame Julien Sanchez, « On nous considère comme des salauds parce qu’on veut défendre notre territoire. Alors je dis bravo à ceux qui se mobilisent, parce que notre combat est juste et fondamental. Tout le monde sera main dans la main, peu importe les étiquettes politiques, pour dire merde à RTE ».
« Je ne sais pas si on gagnera, mais on ne peut pas sacrifier un territoire, ou plusieurs territoires au profit d’un seul. ». La « concertation-fontaine », dixit Juan Martinez, est terminée, mais le combat des manifestants, lui est loin de l’être. Et tous se disent prêt à user de tous les moyens mis à leur disposition, jusqu’aux actions juridiques, pour freiner, sinon mettre fin à ce projet. Les réactions sont unanimes au Château Mourgues du Grès ce matin : d’autres manifestations sont à venir, et tous comptent sur les élus pour faire remonter leurs doléances auprès des ministres, et même du Président de la République pour mettre fin à ce projet.