Après la finale du bolsin de Nîmes métropole remporté hier par le Nîmois Clovis, voici un autre spectacle dit « mineur ». Merci donc à Saint-Gilles d’organiser une novillada, échelon on ne peut plus important pour la tauromachie et pourtant délaissé par les empresas au profit de corridas plus clinquantes.

Ici, on fait les choses plutôt bien, on essaie de plaire à chacun sans froisser tout le monde. L’an passé, les adorateurs de paillettes ont eu droit à quelque chose de rare avec la venue d’Andrés Roca Rey (dans les plus petites arènes de sa saison) et l’organisation de deux corridas dans les arènes Émile-Bilhau.

Mais, cette année, retour aux sources de ce que doit être une arène de cette catégorie. Un spectacle, hier, en sans picadors, une novillada tout à fait formelle ce samedi et demain une corrida avec un accent français.

Pour cette novillada, le chef de lidia Aaron Palacio est à quelques jours de sa prise d’alternative dans la proche plaza de Nîmes lors de la prochaine feria des Vendanges. Présentation des trois novilleros mais aussi du premier novillo de la tarde. En effet le sorteo a permis au fer de La Suerte, propriété de Joe Gabourdes qui était heureux que son exemplaire soit touché par Aaron Palacio, novillero punteto très attendu. Un duel idéal pour les deux parties, un novillo de belle présentation face à un novillero qui doit prendre son alternative dans quelques jours et connaître un maximum de ganaderias. Rien à faire pour Palacio au capote car son adversaire envoyait trop la tête pour tenter une réception fine et voluptueuse.

Une oreille pour Palacio qui fut à son aise, on l’a même senti en train de se challenger, de se prouver quelque chose. On le voit clair dans ses choix, efficace dans ses réalisations, bref, il est prêt à passer le cap.

Avec son deuxième adversaire, le novillero puntero tombe sur un sublime et excellent novillo de Raphaël Chaubet qui sera primé d’une vuelta al ruedo posthume tout à fait logique. On est alors en droit de se demander pourquoi Palacio n’est pas sorti a hombros. Et pourtant… tout avait si bien commencé ! Au capote, brillant de sensibilité et de tact, le tercio de varas se passe plutôt bien et le novillo est plaisant à voir. À la muleta ? Tout est parfait jusqu’au dernier tiers de la faena, jusqu’aux murmures d’indulto.

Le novillero a-t-il été déstabilisé ? Avait-il pensé à ça ? Dans sa tête, c’est l’embouteillage et tout cela se répercute sur la technique et l’approche choisie pour mettre un terme à l’affrontement qui n’a cessé d’aller crescendo jusqu’ici. À partir de là tout se délite et Palacio perd le fil et la sortie en triomphe. Plusieurs envois et peu d’efficacité. Salut, dommage !

Après Palacio, un autre jeune montant était attendu, Julio Norte. Avec son frangin Iñigo, ils sont le fruit d’un matador de toro « Manuel Sanchez Moro Julio Norte » et autant dire qu’ils connaissent et qu’ils aiment les toros.

Autre présentation du jour, donc, pour Julio Norte. Il sera opposé à la pupille d’un fer bien connu de Saint-Gilles, celui de François André. Comme à son habitude le jeune connaît sa feuille de route et s’y tient tout en ayant le pouvoir d’improviser si quelque chose ne se passe pas comme prévu. Le Santa Coloma a des atouts mais aussi des accords et une rythmique à connaître et s’il manque un peu d’âme à cet exemplaire, Norte le révélera au fil d’un long travail d’orfèvre vu et apprécié par les tendidos bien remplis pour cette belle course. La mort en deux temps n’empêche pas le public de demander le mouchoir blanc que le palco fait tomber logiquement. Oreille donc.

De Salamanque, Julio Norte a appris la rigueur et le travail. Julio Norte ne le perd jamais ! Sa boussole est réglée sur le triomphe et ok qu’il soit il fait en sorte que son rêve devienne réalité. Son père, son frère, autant d’émulation pour stimuler un esprit qui n’a même pas besoin de l’être ! Mais à Saint-Gilles on a encore vu du grand Norte même s’il a débuté les genoux plantés en terre face à ce novillo de Malaga, ganaderia de l’empresa Pierre-Henry Callet. Comme toujours Norte se bat et fait ce qu’il faut au bon moment. Toujours sur le fil, il prend la bonne décision et n’est jamais trop gourmand. Une oreille encore logique pour Norte qui réussit largement son pari et qui continue sa belle histoire avec la région qui l’a accueillie depuis ses débuts en sans picadors.

Enfin, troisième à s’élancer sur un sable qui lui est cher, le local, régional de l’étape, Victor. Il était déjà venu il y a deux ans pour une novillada mixte mais aujourd’hui et avec une bonne saison derrière lui, il a à cœur de briller devant les siens.

Victor a droit au bel exemplaire des frères Tardieu. Pour l’instant, les novillos sont à la hauteur des exigences et proposent une belle variété de caractères et de comportements. Le Saintois débute lentement et avec douceur à la muleta après un joli tercio de banderilles qui a vu saluer ses subalternes Hugo Stevienart et Tomas Ubeda. L’alchimie n’opère cependant pas entre le piéton et le cornu. Sortir en troisième n’est jamais facile… mais avec deux compañeros comme les loustics du jour… ça l’est encore moins ! À gauche et encore plus à droite, le novillo est piquant jusqu’à blesser Victor qui passera par l’infirmerie à l’issue de son combat.

Dernier novillo de la tarde et Victor doit continuer l’effort et qui hérite d’un de Blohorn, comme toujours dans le type. Bravito, il demande les papiers à chaque série dès son entrée en piste. Victor le brinde à Samuel Navalon, présent et qui sera au cartel de demain. Le Saintois entame une faena que l’on imagine rythmée au son des accords de Chicuelo II. Hélas, soit par manque de vision soit par manque de recours, Victor aura du mal à se départir de son opposant. Il tente et tente à nouveau sans parvenir au résultat escompté, les tendidos se démobilisent et cette belle et grande course se termine dans une tiédeur décevante.