Publié il y a 6 mois - Mise à jour le 17.10.2023 - Propos recueillis par François Desmeures - 4 min  - vu 749 fois

FAIT DU SOIR Michel Sala, député de la 5e circonscription : "J'ai l'impression qu'en France, on veut nous supprimer le débat"

Michel Sala, député de la 5e circonscription du Gard, à l'Assemblée nationale 

- Stéphanie Marin

Alors que le projet de Loi de finances est débattu depuis ce mardi 17 octobre à l'Assemblée nationale, le député France insoumise de la 5e circonscription du Gard, Michel Sala, pense qu'il ne pourra être adopté par le gouvernement qu'à coup d'aticle 49.3. Il craint également que les récents drames de l'actualité ne soient instrumentalisés dans l'hémicycle. Entretien. 

Michel Sala • François Desmeures

Objectif Gard : L'actualité est dramatique, marquée en France par l'attentat du lycée d'Arras. Comment avez-vous réagi à ce drame ?

Michel Sala : Trois ans après Samuel Paty, c'est horrible, abominable. Les mots manquent, en fait. L'école, c'est le lieu où l'on donne le savoir aux enfants. J'étais à l'Assemblée nationale quand nous avons appris la nouvelle et on était tous bouleversés par ce qui se passait. C'est par rapport à l'école qu'on essaie d'avoir un positionnement. L'autre question est : peut-on faire le lien entre ce qui se passe en Israël/Palestine et ce qui se passe ici ? C'est un lien que fait le ministère de l'Intérieur, et ce qui s'est passé en Belgique est peut-être, effectivement, la marque de ce qui se passe en Palestine.

Comment la politique peut-elle empêcher ce type d'attentat ?

Il faut évidemment prendre les précautions pour qu'un acte pareil ne se reproduise pas. On comprend mal, d'ailleurs, pourquoi ces fichés S ont pu rester jusqu'à aller commettre cet attentat. Il faut aussi montrer qu'on ne se laissera pas diviser par cet acte abominable. On doit faire front.

"Gérald Darmanin instrumentalise l'immigration"

Vous y voyez aussi une influence du conflit israélo-palestinien ?

En premier lieu, je tiens avant tout à dire que les actes du Hamas sont inqualifiables. Ils s'attaquent, notamment, à des femmes et des enfants sans défense. C'est insupportable. Aujourd'hui, il faut un cessez-le-feu à Gaza. Vider l'enclave, c'est impensable. On en est déjà à 2 700 morts... Mais j'ai aussi l'impresssion qu'en France, on veut nous supprimer le débat : si on n'est pas alignés sur les positions du gouvernement ou du CRIF (conseil représentatif des institutions juives de France), on ne peut pas l'évoquer. Le débat en Israël est plus libre que chez nous, sur cette question... Même Dominique de Villepin l'a dit : les Gazaouis vivaient un enfer depuis des mois. Cette politique est insupportable et le gouvernement israélien a une stratégie trouble, même vis-à-vis du Hamas. 

Pensez-vous que cette actualité puisse influer sur le projet de loi immigration que doit présenter le Gouvernement au cours de la session parlementaire ?

Gérald Darmanin va essayer de surfer là-dessus, c'est sûr, en tentant de réaliser un point d'orgue avec la situation actuelle. Pourra-t-il allier des voix de la droite et de l'extrême-droite ? Il peut céder sur les emplois en tension et obtenir une majorité. Mais on sait surtout qu'il va encore défaire le droit des migrants et accélérer les expulsions en "profitant" de la situation. Il instrumentalise l'immigration, il veut en faire un étendard, dans les mois à venir, dans l'optique de la présidentielle. Mais ça peut être grave, au final. 

"Le projet de Loi de finances a été repoussé par 19 voix contre 15 en commission"

L'actualité du jour, à l'Assemblée nationale, c'est le début de l'examen du projet de loi de finances 2024. Comment la Nupes et la France insoumise souhaitent peser dans un débat où elles sont minoritaires ?

Le projet de Loi de finances a été repoussé par 19 voix contre 15 en commission. Les débats ont été très intéressants. Au cours du travail de commission et d'amendements, on a quand même décroché pas mal de victoires à l'intérieur de ce budget. Comme la hausse de la taxe sur les transactions financières, la suppression d'un mécanisme afin de permettre une hausse de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires, etc. Pour trouver des recettes que l'État ne veut pas chercher. Surtout, on a encore montré que ce gouvernement est minoritaire. 

Face à l'utilisation du 49.3, la France insoumise ou la Nupes continuent de déposer une motion de censure. Quelle en est encore l'utilité alors qu'elle est systématiquement repoussée ?

Si on ne faisait rien, cela voudrait dire qu'on accepte cette 5e République qui vit autour du 49.3. On manquerait à notre devoir. 

Envisagez-vous, alors, d'allier vos voix au RN pour que la motion ait une probabilité d'aboutir ?

Nous, on vote ce qu'on propose. S'ils veulent voter avec nous, ils le feront. Mais nous ne voterons jamais leurs motions parce qu'il y a toute une politique derrière ce vote.

"Sans la proposition de la France insoumise, les autres partis de gauche n'existeraient plus dans l'hémicycle"

La Nupes ne vous paraît-elle pas en fin de vie, après des débats houleux cet été ? N'aurait-elle pas besoin d'un renouveau ?

Repartir sur quelque chose de nouveau, je me demande ce que ça pourrait être. La Nupes n'est pas qu'un instrument électoral. Sans la proposition de la France insoumise, les autres partis de gauche n'existeraient plus dans l'hémicycle. Il faut montrer que la gauche revit en France. Au parti communiste, notamment, on a l'impression que leur seul souci, c'est de changer le centre de gravité de la Nupes pour retrouver la vieille social-démocratie et les solutions qui ont mené à l'hégémonie de la Droite. Pourtant, en commission des finances par exemple, on travaille en commun avec l'ensemble des forces. Mais aujourd'hui, tout ce qui se passe autour est instrumentalisé, et c'est un risque énorme que sont en train de prendre les autres partis : ils affaiblissent la Gauche, alors que les gens de gauche attendent beaucoup de ce rassemblement. 

Personnellement, sur le terrain - notamment de la part des maires - on entend que vous avez beaucoup été à l'Assemblée nationale et peu sur le terrain gardois. Pensez-vous changer cette pratique en cette deuxième année de mandature ?

Je pense, au contraire, que je suis sur le terrain. Je m'équilibre entre travail parlementaire et travail sur le terrain. La circonscription compte 140 communes, c'est compliqué de les voir toutes. Quand on est sénateur, son électorat, ce sont les maires. Moi, je vais aussi voir les gens, je travaille beaucoup sur la ruralité. Je ferai bientôt une tournée des caves coopératives de ma circonscription, parce que la viticulture est en danger et il faut qu'on réagisse. La loi d'orientation agricole permettra d'en débattre. Mais je réfute vraiment le fait de ne pas être sur le terrain. 

Propos recueillis par François Desmeures

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