Publié il y a 10 mois - Mise à jour le 26.11.2023 - Marie Meunier - 5 min  - vu 1695 fois

FAIT DU JOUR Emmanuel Gault, directeur d'école et triple vainqueur de la course Veni Vici

emmanuel gault veni vici 2022 nîmes

Emmanuel Gault, lors de sa victoire sur la 2e édition de la Veni Vici, en 2022. 

- photo Yannick Pons

Le 11 novembre, le traileur Emmanuel Gault remportait pour la 3e fois la Veni Vici. Une victoire à la saveur particulière, avec une arrivée sur ses terres, à Uzès. Rencontre. 

Après 6h 5 minutes et 55 secondes de course, Emmanuel Gault était le premier des 600 inscrits à franchir la ligne d'arrivée des 72km de la Veni Vici. Sa femme, ses enfants, des élus d'Uzès et de nombreux soutiens étaient là pour l'accueillir. Le traileur de bientôt 47 ans a réussi la passe de trois sur le trail gardois, mais cette victoire était différente. Il ne voulait pas louper l'arrivée dans la cité ducale, où il réside depuis plus de 25 ans maintenant. "Il y a trois semaines, j'avais une grosse course pour le festival des Templiers, j'y suis allé très relax. Là, en courant chez moi, j'avais beaucoup de pression. Je ne voulais pas décevoir, j'étais un peu attendu", témoigne Emmanuel Gault. Il a même fait l'impasse sur une autre grosse date pour se challenger sur les 72 km et les 1 850m de dénivelé positif qui séparaient Nîmes et Uzès. 

Un format de course où l'Uzétien est à l'aise, mais il a été surpris par la résistance de ses adversaires. Dans le groupe de tête, la vitesse sur le plat atteint 16 ou 17km/h : "Le départ a été rapide. Jusqu'au 30e kilomètre, on était encore six coureurs. Après Lédenon, on n'était plus que deux." Finalement, Emmanuel Gault parvient à prendre le large et arrivera avec 10 minutes d'avance sur le deuxième. Il "garde les clés du Duché à Uzès" et a ajouté ce nouveau trophée en bonne place dans son salon, au côté des nombreuses autres coupes. 

Champion du Monde, vainqueur de la SaintéLyon, de l'ÉcoTrail de Paris...

L'Uzétien, également membre et manager à l'Alès C2A, compte de belles victoires à son actif. Il a été champion du Monde par équipe en Irlande en 2011, champion du Monde open en 2016 au Portugal, sélectionné plusieurs fois en équipe de France, et a remporté la SaintéLyon deux fois, l'ÉcoTrail de Paris quatre fois, la CCC de l'UltraTrail Mont Blanc en 2011, ainsi que des courses à Oslo et Stockholm. Un sacré palmarès qui continue de s'étoffer depuis qu'Emmanuel Gault a découvert le trail il y a une quinzaine d'années. Mais il a toujours fait du sport à haute intensité, intégrant même un cursus sport-étude à Montpellier : "Certains disent que je suis né avec un dossard sur le berceau. Très tôt, mes parents m'ont poussé à faire du sport et je suis vite tombé dedans, avec des résultats."

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Emmanuel Gault avec ses trois trophées de la Veni Vici.  • photo DR

Même après une triple fracture à la jambe au début de l'adolescence - entraînant deux ans d'arrêt -, il a poursuivi sa lancée. Pourtant, cet accident lui a laissé des séquelles et encore aujourd'hui, le sportif a une différence de taille de quelques millimètres entre ses deux jambes. Il suit des exercices spécifiques de renforcement musculaire. Sans cela, il ne pourrait pas courir à ce niveau. 

Une "double vie" entre sport et école

À presque 47 ans, l'Uzétien n'a rien perdu de cette rigueur et de son envie. Qu'il pleuve, qu'il vente ou qu'il gèle, Emmanuel Gault va s'entraîner et n'annule quasiment jamais des séances. Par semaine, il parcourt entre 90 et 100km en courant, et autant à vélo. Le dimanche matin, il part souvent crapahuter dans le Mont Bouquet pour chercher l'effort maximum, "pour se faire mal". C'est nécessaire pour être au top niveau. La semaine, il court durant sa pause-déjeuner. Car l'Uzétien occupe depuis huit ans le poste de directeur de l'école Jean-Macé. Jusqu'à l'année dernière, il avait la responsabilité d'une classe de CM2.

Même si cela demande de l'organisation, il tient à poursuivre cette "double vie" qui contribue à son équilibre et l'oblige à optimiser son entraînement. "Dans mon métier, je suis tourné vers les autres, je donne beaucoup. Quand je cours, je suis dans ma bulle. Ce sont des moments précieux d'introspection", explique-t-il. Il ajoute : "Pour mes enfants, je préfère qu'ils aient l'image d'un papa directeur d'école que d'un papa uniquement tourné sur lui-même et sa pratique sportive."

La rigueur avant tout

Quelques fois, il laisse son esprit vagabonder pendant un footing. Mais la quasi-totalité du temps, il est très concentré : "Je partage mon cerveau en deux, une moitié dans chaque pied et j'avance. Je suis pointilleux sur la qualité de mes entraînements, j'analyse beaucoup mes datas : vitesse, puissance dévelopée..." Tout cela pour réduire au maximum les incertitudes le jour de la course: "Le jour J, je laisse parler mon instinct et regarde très peu ma montre. Il n'y a pas grand chose de prévisible. Des fois, les autres nous poussent à changer de stratégie en cours de route. Le jour de la Veni Vici, rien ne s'est passé comme prévu. Mais c'est ce qui m'excite beaucoup dans la compétition. Même si on est bien préparé, tout peut nous échapper."

Alors au moment du départ, Emmanuel Gault se met dans sa bulle. Il n'est pas vraiment du genre à fanfaronner : "J'essaie d'être sérieux, de ne pas décevoir les gens qui me soutiennent. La compétition est un rendez-vous avec soi-même. Il y a presque une dignité et un respect à avoir face à ce défi et aux adversaires."

Faut-il continuer ?

Si le mental, l'entraînement, l'hygiène de vie l'ont amené à décrocher toutes ses victoires, il y a un autre facteur essentiel : son entourage. "J'ai toujours été épaulé par des personnes qui m'ont donné de bons conseils. Quand on est mal entouré, on ne peut pas durer en haut niveau je pense. Ma femme m'aide beaucoup et m'envoie des ondes positives. Mes sponsors sont adorables, mon club est dans la même optique."

Tout ce cocon l'a aidé à remettre le pied à l'étrier après sa chute en montagne en 2013 ou encore après la crise du covid-19. À ce moment-là, Emmanuel Gault est très pris à l'école et doit accueillir les enfants des soignants. Il laisse la course de côté et hésite à s'y remettre à 40 ans passés. Il réussit quand même le défi fou de relier en courant le Mont Aigoual, le point le plus haut du Gard, au Grau-du-Roi, soit 110km qui se termineront les pieds dans l'eau. 

Finalement, l'athlète se dit : "Tant que je gagne, je joue", et sa forme l'autorise largement à relancer les dés. À la grande fierté de sa conjointe, Lola, pas vraiment branchée course à pied au départ : "On partage beaucoup, je le soutiens. En m'intéressant au trail, ça me fait apprécier ce qu'il fait et supporter les contraintes. Malgré les entraînements, il est très attentif à ses proches. (...) C'est devenu un truc de famille, il nous fait vivre des émotions incroyables." Peut-être à nouveau l'an prochain pour une 4e victoire sur la Veni Vici ?

À relire au sujet de la Veni Vici : www.objectifgard.com/actualites/veni-vici-troisieme-victoire-consecutive-pour-emmanuel-gault-118461.php

Marie Meunier

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