CRIME EN ÉTÉ A 19 ans, Hortense étouffe son bébé dans un jupon
Le poids des normes culturelles ou religieuses poussent parfois à commettre l'effroyable. Au XIXème siècle, les affaires d'infanticide chamboulent une société dans le déni. Enfants jetés dans le puits ou les toilettes… De jeunes mères démunies et effrayées par le jugement qui leur sera porté, n'osent avouer leur grossesse à leur famille puritaine. Malgré l'émancipation de 1789, les Sans-culottes et leurs partisans n'ont pas troqué leur bonnet phrygien contre leur chapelet. C'est le cas d'Hortense Bessède, 19 ans et native d'Aigues-Vives. Nous sommes en 1874. Ce jolie petit bout de femme à la chevelure brune et aux yeux noisettes séduit dans les bals camarguais. Si bien qu'un jour, sa mère la soupçonne d'être enceinte : "Hortense, dis moi la vérité ! Tu n'as plus tes menstrues (règles, NDLR) et tu enfles comme une truie".
Des relations sexuelles avant le mariage, un enfant né de père inconnu… Tout cela jette le déshonneur sur la famille qui devient alors le sujet de prédilection des villageois dont les langues perfides se plaisent à divaguer. Pas question donc d'avouer l'inavouable à sa mère. Pour justifier son ventre rond, la jeune femme assure qu'après avoir "eu une émotion" il y a plusieurs mois, elle est tombée malade. D'où son état. Mais les soupçons de la mère sont bien trop forts. Une visite chez le médecin s'impose. A la fête des Rameaux, une parente l'emmène à Sommières consulter le docteur Malhol, un "homme de l'art" comme on les appelait autrefois. Il rend son diagnostic : "il se peut que la petite soit enceinte, mais je ne saurais l'affirmer puisqu'elle refuse que je la visite".
Quelques jours plus tard, des maux de ventre terribles terrassent Hortense qui n'arrive même plus à s'extirper de son lit. Sa mère qui partage la même couche est inquiète et décide d'appeler le médecin. Celui-ci est de plus en plus convaincu que ces symptômes annoncent un accouchement. Mais même se tordant de douleur, Hortense n'avoue pas. Le médecin se retire, promettant de revenir. Les deux femmes se couchent. Au petit matin, sa mère lui prépare une tasse de café et du pain de seigle avant de partir au marché vendre du poisson. Hortense est seule dans la maison. Une fois le travail repris, elle pousse de toutes ces forces pour expulser ce petit corps dont elle n'éprouve pas la moindre affection. Avant que les premiers cris ne se fassent entendre, Hortense se débarrasse de l'enfant. Comme promis, le médecin retourne la voir et la retrouve sur le lit les mains pleines de sang. "Je suis guérie", lui lance-t-elle d'un ton assuré. Le professionnel n'est pas dupe et se doute de la supercherie. Il va alors prévenir sa mère et les autorités du probable drame qu'il y a eu chez les Bessède.
Le temps s'écoule lentement et, loin de se sentir mieux, Hortense est blanche comme un linge. Le médecin se rend compte en l'auscultant que le placenta est toujours dans son ventre. Dépêchés sur place, les gendarmes de Sommières poussent leur investigation dans la maison et découvrent, dans la chambre voisine, un insoutenable spectacle : un bébé, une petite-fille, assassinée dans un jupon et caché sous la paillasse du lit. Devant le fait accomplie, Hortense n'a d'autre choix d'avouer. Mais elle assure que son enfant était mort-né. Pour les hommes de l'art pas de doutes : le nouveau-né a bien été tué, comme en témoigne l'hématome sur le front de la largeur du poignet d'Hortense. "Le jupon a servi à étouffer les cris et à l'asphyxier", peut-ont lire dans l'autopsie. Mais les jurés, cléments du fait de son jeunes âge, la condamnent à seulement un an de prison. Un triste drame d'une société de tabous, coincée dans des codes qui refoulent ses besoins.
Inspiré par le livre : Les Grandes Affaires Criminelles du Gard (Jean-Michel Cosson, Gisèle Vigouroux), édition De Borée.
Coralie Mollaret
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