Publié il y a 7 ans - Mise à jour le 11.03.2017 - thierry-allard - 3 min  - vu 311 fois

NÎMES Les coulisses du journalisme politique décryptées par Laurent Bazin

L'éditorialiste politique Laurent Bazin (à D.), jeudi soir à Nîmes (Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

Il y a les conférences de presse, mais pas seulement. Entre les journalistes et les politiques d’autres pratiques, peu connues du grand public, ont cours.

C’est pour les décrypter que le Club de la presse et de la communication du Gard a invité jeudi soir  à la Maison du protestantisme de Nîmes le journaliste et éditorialiste politique Laurent Bazin.

Les « affranchis »

Passé par Europe 1, RTL, iTélé et à l’antenne désormais de TV5 Monde, il a écrit un livre sur ce thème avec la journaliste Alba Ventura, sa compagne (Les Dézingueurs de la République, éd Flammarion). Un livre qu’il a écrit pour « expliquer les relations des journalistes avec les politiques, et des politiques avec les médias. » Des relations qui ont été chamboulées avec la nouvelle génération d’hommes et femmes politiques, « des affranchis des règles des partis et du jeu traditionnel des médias », affirme le journaliste.

Des « affranchis » qui font un usage fréquent de deux pratiques intimement liées : le « off », c’est à dire donner « off the record » (hors micro) aux journalistes des informations dont une partie n’est a priori pas destinée à être publiée ou diffusée, et les déjeuners auxquels ils invitent des journalistes, au cours desquels ils donnent ces informations. « On s’est rendus compte de la quantité d’informations, d’histoires et parfois d’intox qu’il y a mais aussi de la liberté qu’ils prennent, sachant que tout ce qu’ils nous délivrent est fait pour être répété », explique Laurent Bazin. C’est là que « cet exercice devient vicieux », estime-t-il avant de rappeler que « quand c’est très chaud pour eux, les politiques ne déjeunent plus avec les journalistes. » 

Car si à la base, le « off » a été importé des Etats-Unis par Valéry Giscard-d’Estaing pour donner des éléments de fond pour aider à la compréhension des décisions à venir, l’exercice a été perverti : « dans les déjeuners, un politique donne des cartouches, dézingue un concurrent, mais il fait sa com’. Il traite les journalistes comme des émetteurs », poursuit Laurent Bazin. En clair : le journaliste doit toujours se méfier des informations glanées lors des déjeuners de « off », qu’il recoupe et n’utilise de toute façon pas dans leur intégralité : « il faut trier, c’est aussi notre métier », ajoute Laurent Bazin.

« Des conférences de presse clandestines »

Car « même si les électeurs pensent que les journalistes sont les amis des politiques, en vérité ils se méfient énormément les uns des autres, les politiques ont une grande tendance à l’intox », affirme le journaliste. Pour autant, « il y a des ambigüités des deux côtés », reconnaît-il.

Pas de quoi empêcher certains, comme Emmanuel Macron ou Manuel Valls, de faire un grand usage de ces déjeuners de « off ». L’ancien premier ministre avait même pris l’habitude d’organiser « des conférences de presse clandestines à chaque fois qu’il avait fait ou qu’il allait faire quelque chose », raconte Laurent Bazin, quand Emmanuel Macron y révélait sa stratégie pour les mois à venir. Et si François Fillon « est très maladroit dans cet exercice, il a un côté Rantanplan », moque le journaliste, l’autoproclamée candidate anti-système, qui ne se prive jamais de taper sur les médias, y est très à l’aise : « Marine Le Pen déjeune avec des journalistes, elle s’inscrit dans ce système. » Laurent Bazin décrit une leader du Front national détendue, affable, qui y « raconte des histoires plutôt amusantes sur son père. » À des années-lumière de la position défensive qu’elle adopte habituellement avec les journalistes, mais en « on ».

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Vu d’en face : le député écologiste de la sixième circonscription Christophe Cavard a passé une tête lors de la conférence-débat. Il a ainsi pu donner le point de vue du politique sur ces déjeuners, qu’il pratique autant à Paris qu’en circonscription : « lors de ces déjeuners, il y a un a priori de confiance avec les journalistes, mais ça ne veut pas dire qu’on est amis, car chacun est dans un intérêt. On apprend petit à petit à savoir ce qu’on peut leur dire, sans oublier que le journaliste vient chercher de la matière. » Des deux côtés, tout est une affaire de dosage.

Thierry ALLARD

thierry.allard@objectifgard.com

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